Chute boursière sur fond de craintes de récession mondiale et d'effondrement du crédit

Les marchés boursiers mondiaux ont chuté vendredi 11 décembre, alors que les prix du pétrole atteignaient de nouveaux planchers, menaçant de crash le marché des obligations de pacotille et de déclencher une nouvelle crise financière. La nervosité des investisseurs fut accrue par la perspective d’une augmentation prochaine des taux d’intérêts par la Réserve fédérale américaine pour la première fois en près d'une décennie. 

Les responsables de la Fed ont souvent signalé aux marchés financiers que toute augmentation serait faible et que les taux d'intérêt resteraient bien en dessous des niveaux normaux pour une période indéterminée. Mais il est probable que toute hausse du niveau actuel presque nul intensifiera une vente massive d'obligations de pacotille, dont un fort pourcentage est lié à l'énergie, menaçant de déstabiliser le système de crédit tout entier. 

Le Dow Jones Industrial Average a chuté de 309 points (1,76 pour cent), l'indice 500 de Standard & Poor de 39 points (1,94 pour cent) et l'indice Nasdaq de 111 points (2,21 pour cent). Sur la semaine, le S & P 500 a chuté de 3,8 pour cent, sa pire semaine depuis la fin d’août, lors de la vente massive mondiale qui a suivi la dévaluation intempestive de la monnaie chinoise. Le Dow Jones avait chuté de 3,3 pour cent pour la semaine et le Nasdaq de 4,1 pour cent.

Les marchés européens ont aussi fortement baissé, les principaux indices en Grande-Bretagne et en Allemagne étaient en baisse de plus de 2 pour cent et le CAC 40 français a perdu plus de 1,8 pour cent. Le composite EURO STOXX 50 a chuté de 2,04 pour cent.

La plupart des marchés asiatiques ont également baissé sensiblement et l'indice MSCI tous pays a chuté de 1,44 pour cent. 

L’aggravation du ralentissement mondial, reflété dans l'effondrement continu des prix du pétrole et d'autres produits de base, alors que la demande chute et les marchés sont de plus en plus saturés, fait maintenant des ravages sur le marché des obligations des grandes sociétés. Les compagnies énergétiques et productrices de matières premières ont de plus en plus de difficulté à financer les charges de la dette qui avaient grandi rapidement lorsque le pétrole était à $100 le baril et que les banques centrales inondaient les marchés financiers de crédit pratiquement gratuits. 

Maintenant, les dépréciations et les défaillances sur des obligations « de pacotille » à haut rendement et haut risque, émises par ces entreprises sont en hausse, ce qui accroît la perspective d'une nouvelle crise financière pire que le krach de Wall Street en 2008. 

Les sociétés énergétiques et autres, confrontées à la hausse des taux d'emprunt et à la baisse des prix de leurs actions réduisent les coûts en réduisant les emplois et en vendant des actifs. Cette semaine, le géant minier Anglo American a annoncé qu'il éliminerait 85.000 emplois (60 pour cent de sa main-d'œuvre), vendrait 60 pour cent de ses actifs et fermerait plus de la moitié de ses mines. 

Le nombre d’emplois du secteur minier américain, qui comprend l'extraction du pétrole, avait en novembre chuté de 123.000 en un an. Cette réduction massive d’effectifs n'est cependant que le début. La nouvelle année promet de voir une nouvelle baisse des prix des matières premières et une accélération des licenciements. 

Les prix du brut ont chuté à leur plus bas niveau en sept ans vendredi. Le pétrole brut Brent, la référence internationale, est tombé à 37,36 $ le baril et West Texas Intermediate, l'indice de référence du pétrole américain, à 35,67 $ le baril. Ces repères ont diminué de 13 pour cent et 11 pour cent respectivement juste la semaine dernière. 

Les nouvelles baisses ont été déclenchées en grande partie par deux choses. La semaine dernière, l'OPEP a retiré les limites officielles à sa production et vendredi l'Agence internationale de l'énergie a dit que le retour de l'Iran sur les marchés mondiaux l'an prochain, où les sanctions seraient supprimées, rendrait l'offre surabondante. 

Le pétrole brut est en baisse de 63 pour cent comparé à 2014 mais d'autres produits de base s'effondrent eux aussi. Le gaz naturel est en baisse de 52 pour cent et le cuivre de 40 pour cent. Les prix du minerai de fer, de l'aluminium et du platine ont également chuté. Cette semaine, le Bloomberg Dow Jones-UBS Commodity Index a chuté à son plus bas niveau depuis juin 1999. 

La chute libre des prix des produits de base est une manifestation saillante du ralentissement économique mondial en cours depuis longtemps alors même que les prix des actions et obligations continuaient à monter en flèche, alimentés par le crédit bon marché et un assaut de plus en plus virulent sur les conditions de vie de la classe ouvrière. Le ralentissement de la Chine ainsi que des soi-disant économies émergentes a sapé la demande de biens. 

En Europe, au Japon et en Amérique du Nord, la croissance a été négative ou anémique, en grande partie parce que les sociétés ont réduit leurs investissements dans la production et détourné des fonds pour des opérations spéculatives et parasitaires comme les rachats d'actions, les augmentations de dividendes et les fusions. Cela a encore enrichi l'aristocratie financière tout en tirant encore plus vers le bas le niveau de vie de larges masses de la population. 

Cette semaine, on a signalé que les importations vers la Chine avaient chuté de 8,7 pour cent en novembre par rapport à l'année précédente et les exportations chinoises de 6,8 pour cent par rapport à l'an dernier. L'activité de production du plus grand centre de fabrication du monde n'a cessé de décliner. Le ralentissement s’est reflété dans une baisse de la monnaie chinoise vendredi à son plus bas niveau depuis quatre ans et demi, suscitant l’inquiétude d'une nouvelle dévaluation. 

Quant aux Etats-Unis, l'Institute for Supply Management a annoncé la semaine dernière que la fabrication s’y était contractée en novembre tombant à son plus bas niveau depuis juin 2009. 

L’inquiétude quant à l'impact de la chute des prix pétroliers et du ralentissement économique général sur le marché obligataire s’est vivement accrue le 11 décembre après qu'un grand fonds commun de placement spécialisé dans les obligations d'entreprises à haut rendement et haut risque, liées à l'industrie pétrolière a soudain annoncé sa liquidation, bloquant la récupération de leur argent par les investisseurs. 

Third Avenue Management a fermé son Focused Credit Fund de $788 millions face à un afflux de demandes de rachat de clients auquel il ne put répondre. La firme n'a même pas avisé la Securities and Exchange Commission avant son annonce, ce qui montre le caractère désespéré de la démarche. 

Cela pourrait n'être que la partie émergée de l'iceberg. Standard & Poor a averti récemment que 50 pour cent des obligations de pacotille de l'énergie étaient «en difficulté», c’est à dire qu'elles risquaient le défaut. La situation est fort probablement pire pour les obligations des industries métallurgique, minière et sidérurgique dont, selon S & P, 72 pour cent sont en détresse. 

Globalement, quelque $180 milliards de la dette sont en détresse, le plus haut niveau depuis la fin officielle de la «Grande Récession», en juin 2009. S & P indique que les faillites d'entreprises ont dépassé cent cette année, pour la première fois depuis 2009. Près d’un tiers étaient des compagnies pétrolières, gazières ou énergétiques. Il y eut 40 dépôts de bilan sous la protection du Chapitre 11 par des producteurs de pétrole et de gaz en Amérique du Nord. 

En tout, plus de mille millards de dollars de dette des entreprises américaines ont été rétrogradés cette année. L’Investors Service de Moody prédit que les faillites de grandes entreprises atteindront 3,8 pour cent l'an prochain par rapport à 2,8 pour cent cette année dans des conditions où la dette des entreprises est au niveau le plus haut depuis le krach de 2008. 

CNN Money, a cité le 11 décembre un analyste de l'industrie des mines et des métaux disant, « Le sentiment est horrible. C'est le pire depuis la crise financière et ça empire de jour en jour ». 

Le Financial Times a cité John Roe, gestionnaire de fonds au LEGAD & General Investment Management rappelant la période avant le krach de 2008, qui fait remarquer, «Nous avons vu ce genre de chose avant, en 2008-09, sur le marché immobilier, quand un certain nombre de fonds ont du fermer en raison de problèmes de liquidité ». 

Le spéculateur milliardaire Carl Icahn, qui a fortement investi dans l'une des compagnies pétrolières en difficulté, Chesapeake Energy, a écrit sur Twitter vendredi, « Malheureusement, je crois que l’effondrement du rendement élevé ne fait que commencer ».

Plus de sept ans après la crise financière de 2008, non seulement il n'y a pas de véritable reprise économique, mais les mesures prises pour sauver les banques et l'élite financière ont aggravé les contradictions sous-jacentes du système capitaliste mondial, l'amenant au bord d'un effondrement encore plus catastrophique. 

(Article paru en anglais le 12 décembre 2015)

 

 

 

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