Perspectives

La crise climatique et l'impérialisme

L'issue de la Conférence des Nations-Unies sur le changement climatique qui s’est achevée ce week-end à Paris, a été saluée presque unanimement par les politiciens et la presse comme un triomphe de la collaboration internationale qui allait empêcher l'humanité de tomber dans le gouffre d'une catastrophe écologique. 

Le New York Times a qualifié l'accord de «percée historique». Le Guardian britannique a déclaré qu'il démontrait « tout ce qui peut être atteint par une diplomatie déterminée, même en travaillant dans les lignes rouges inflexibles d’Etats jalousement souverains ». 

Le président Obama a salué l’accord l’appelant « un accord durable qui réduit la pollution mondiale par le carbone et met le monde sur la voie d’un avenir faible en carbone ». Il a poursuivi disant que l'accord avait «montré que le monde [avait] à la fois la volonté et la capacité d’assumer ce défi ». 

Mais tout examen de l'accord montre clairement qu'il est sans aucune substance. Le pacte « historique » ne consiste qu’en une promesse générale que les gouvernements s’efforceront de maintenir toute « augmentation de la température moyenne mondiale bien en-dessous de 2° Celsius au-dessus du niveau pré-industriel », et cherchera à atteindre un « plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dès que possible ». 

Il n'y a pas de mesures spécifiques prescrites pour les pays qui ratifient l'accord au delà d'un appel général à être «ambitieux» et à mener des politiques « avec en vue la réalisation de l'objectif du présent accord ». Il n'y a pas d'objectifs spécifiques ni aucun mécanisme pour imposer l'application, c'est à dire que les pays signant le traité pourront faire ce qu'ils veulent. 

James Hansen, chercheur de premier plan en climatologie, a appelé l'accord une «fraude» et un «faux», déclarant: «Ce sont juste des mots sans valeur. Il n'y a aucune action, juste des promesses". 

Même si, par miracle, tous les signataires remplissaient leur tâche pour atteindre l'objectif déclaré, les températures mondiales augmenteraient tout de même de quelque 2 degrés d'ici la fin du siècle, un niveau que Hansen qualifie de «très dangereux». Cela causerait une augmentation de plusieurs mètres du niveau des mers, ce qui inonderait de nombreuses grandes métropoles et conduirait à « des centaines de millions de réfugiés climatiques. » 

Dans l’avalanche des louanges officielles déversées sur le pacte climatique, celle du président français François Hollande s’est distinguée par son ridicule. Celui-ci a déclaré, « Le 12 décembre 2015 restera une grande date pour la planète. A Paris, bien des révolutions se sont déroulées, mais aujourd’hui, c’est la plus belle des révolutions, la plus pacifique, la révolution pour le changement climatique ».

En réalité, ce qui domine chez les principaux signataires de l'accord n'est pas la « révolution pacifique » mais la contre-révolution violente, ou ce que Lénine a appelé la marque de l'impérialisme, « La réaction sur toute la ligne ». L'incapacité de faire face à l'énorme danger que représente le changement climatique n'est qu'une manifestation d'un ordre mondial économique et social en faillite et qui précipite l'humanité vers la catastrophe.

Le sommet climatique a eu lieu dans des conditions de siège après l'imposition pour trois mois de l'état d'urgence suite aux attentats terroristes de Paris. Alors que les dirigeants des puissances impérialistes se congratulaient, les militant écologistes à Paris étaient assignés à résidence et forcés de porter des bracelets électroniques, sans avoir été ni jugés ni condamnés pour aucun crime. Des manifestants pacifiques furent enlevés dans la rue par des policiers en civil, et la police anti-émeute a fondu sur des groupes de manifestants, les attaquant au gaz poivré et à la matraque.

Parallèlement à l’intensification de la guerre et à la répression intérieure, les classes dirigeantes de tous les pays impérialistes ont attisé le nationalisme et la réaction politique. Les pouvoirs européens ont réagi à l'afflux de personnes cherchant à fuir les guerres sectaires allumées par les Etats-Unis et l'OTAN au Moyen-Orient en fermant leurs frontières, en construisant des camps de concentration et en préparant des déportations de masse; ils légitiment en même temps les partis d'extrême droite.

En marge de la conférence, entre séances photos et invocations à la paix et à la collaboration internationales, les dirigeants des puissances impérialistes faisaient des plans pour démanteler la Syrie. L'accord sur le climat a été annoncé suite à la décision de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne et des Etats-Unis de procéder à l’escalade de la guerre par procuration en Syrie, qui a déjà déplacé la moitié de la population du pays et tué des centaines de milliers de personnes.

En même temps que se déroulait le sommet climatique, les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux poursuivaient leurs provocations contre la Russie, dont un accord admettant le Monténégro dans l'OTAN. La Pologne a demandé que l’OTAN stationne des armes nucléaires sur son territoire suite à la destruction en vol d’un avion militaire russe par la Turquie le mois dernier.

L'accord intervient un mois après que les États-Unis ont mené un exercice de «liberté de navigation» pendant lequel ils ont envoyé un destroyer lance-missiles dans les 12 milles nautiques d’un territoire réclamé par la Chine, menaçant de déclencher une confrontation militaire à grande échelle dans le Pacifique.

Dans des conditions où dans les classes dirigeantes du monde règnent le nationalisme et le bellicisme, l'idée même qu’un pacte international de paix et de progrès puisse être négocié par les Nations Unies est absurde. L'ONU, un instrument de la politique impérialiste, est elle-même systématiquement contournée quand les grandes puissances lancent des guerres et des invasions, sans même prendre la peine d’y rechercher un mandat.

L'incapacité de la société capitaliste d’avancer en quoi que ce soit pour éviter une catastrophe écologique est une expression des mêmes contradictions qui la rendent incapable de traiter toutes les autres crises majeures qui menacent l'humanité: la guerre, la crise des réfugiés, la pauvreté, l'inégalité. L'ordre mondial capitaliste repose sur des Etats-nations concurrents dont la première raison d’être est de faciliter l'enrichissement des oligarchies financières dominant chaque pays.

Les moyens techniques capables d’arrêter et d'inverser le changement climatique existent. Le problème n’est pas technologique mais social et politique. Les vastes ressources gaspillées à l'enrichissement des oligarques milliardaires dans le monde, aux armements et à la violence militaire doivent être expropriées et utilisées pour répondre aux besoins sociaux. Arrêter le changement climatique requiert une planification rationnelle et scientifique sur une base internationale. Cela exige de mettre un terme à la subordination des besoins sociaux au profit privé et à la division du monde en Etats-nations rivaux.

Cela signifie le renversement de l'ordre social actuel et son remplacement par une société socialiste. Seule la classe ouvrière, la seule force sociale réellement internationale, est capable d'accomplir cette tâche historique mondiale dont dépend l'existence future de la civilisation humaine.

(Article paru en anglais le 16 décembre 2015)

 

 

 

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