Le ministre grec des Finances Varoufakis s’engage à imposer l’austérité

Depuis que le gouvernement grec dirigé par Syriza a convenu avec la « troïka » (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) le 20 février de continuer l'austérité, il a toujours tenté de maintenir le simulacre d'une attitude de défi. Les déclarations faites à deux occasions par le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis le 9 avril font voler en éclats cette fraude politique.

Varoufakis a d’abord pris la parole lors d'une réunion de l'Institut pour la nouvelle pensée économique au siège de l'OCDE à Paris et plus tard il a donné une interview à Bloomberg TV. Dans ces deux occasions, il a fait des déclarations très révélatrices concernant le programme pro-capitaliste de Syriza.

Varoufakis est universitaire et économiste et son épouse, Danae Stratou, est une artiste issue d'une famille de riches capitalistes. Leur luxueux appartement donne sur l'Acropole. Varoufakis a été applaudi par les médias et par les admirateurs qu’il a dans des couches parmi les plus privilégiées de la classe moyenne. Après qu’il a lâché quelques petites phrases lors de ses premiers pourparlers avec la troïka on l’a même décrit comme le « Terminator » qui allait enfin mettre fin à l'austérité.

Il se décrit comme un « marxiste erratique » et il a déclaré que la mission de Syriza était de « tenter de sauver le capitalisme européen de lui-même ».

Ses opinions ont été formées alors qu'il étudiait en Grande-Bretagne sous le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher dans les années 1980. Varoufakis a reconnu que le thatchérisme l’avait stupéfait, qu'il le considérait comme une force irrépressible. Il en a conclu que le thatchérisme avait prouvé que la nationalisation et la planification d’Etat de la propriété privée ne fonctionnaient pas et que la classe ouvrière était finie en tant que force sociale et qu’elle avait accepté le système capitaliste en bloc.

Au cours de la conférence à l'Institut pour la Nouvelle pensée économique, Varoufakis a parlé aux côtés de l'économiste américain Joseph Stiglitz. Comme Varoufakis, Stiglitz veut lui aussi sauver le capitalisme.

Varoufakis a expliqué que Syriza était « très désireux » de parvenir à un accord tel qu’il figurait dans le programme d'austérité signé avec la troïka.

« Nous avons essayé de le faire, de travailler avec nos partenaires et de classer par ordre de priorité les réformes et même de créer des projets de loi que nous allons faire adopter au Parlement demain ... et ainsi de savoir ce que nous allons faire dans les quatre, trois ou deux années à venir, pas seulement à court terme », a déclaré Varoufakis

Des années après le krach financier mondial de 2008, a-t-il dit, ce n’était pas uniquement la Grèce, mais aussi d'autres Etats de l'Union européenne qui étaient en faillite. Il y avait une « dépendance des banques vis-à-vis des Etats et des Etats qui n’ont pas de banque centrale derrière eux pour renflouer les banques. Et vice versa, des Etats qui s’appuient sur ​​les banques pour le financement ».

Après son accession au pouvoir, Syriza a tenté de dresser certains des principaux pays européens dont la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie contre la ligne dure du gouvernement allemand qui avait exigé qu’aucune concession ne soit accordée à Syriza.

Varoufakis a rencontré le chancelier britannique, George Osborne, du Parti conservateur. Il a dit avoir été impressionné « par la nature de la conversation » et déclara que la crise européenne avait pris une telle tournure que « la distinction standard entre gauche et droite a été brouillée ».

« Je peux tenir une conversation avec George Osborne sur la politique économique », a-t-il dit, car « la gauche comme la droite sont prêtes à porter un nouveau regard sur le problème. » Il a contrasté cela avec « l'inertie institutionnelle » de la troïka, « qui refuse d’accepter la réalité. »

Syriza, a déclaré Varoufakis, essaie de transmettre à la troïka l’idée que le marché du travail en Grèce « est le fantasme sexuel nocturne des républicains du Tea Party... Imaginez que si aux États-Unis seulement 9 pour cent des chômeurs avaient le droit de recevoir des allocations chômage et cela seulement pour quelques mois. Je pense que le Tea Party descendrait dans les rues pour fêter cela ».

Syriza voulait la réglementation du marché du travail, car « même si vous étiez un néolibéral, vous devez être d’accord que la seule façon de rendre le marché du travail plus efficace est plus de réglementation, pas moins ».

Indiquant l'avantage qu’il y avait d'utiliser les syndicats pour discipliner la main d’œuvre grecque, il a souligné que la négociation collective, « si c’est fait intelligemment, c’est un bon moyen de créer plus d'efficacité et vous n’avez pas à être de gauche pour être d'accord avec moi ».

La politique de Varoufakis était si farouchement favorable au secteur privé que Stiglitz s’est senti obligé de lui demander si les réformes dont Syriza exposait les grandes lignes seraient compatibles avec les normes de l'Organisation internationale du Travail. Varoufakis a répondu qu'il en discuterait avec elle.

Varoufakis a préconisé des privatisations à tout-va: « Nous sommes en train de redémarrer le processus de privatisation en tant que programme faisant une utilisation rationnelle des biens publics existants ».

Il a appelé sans complexe à ce qu’on accorde au secteur privé une part majoritaire dans les entreprises et biens publics, insistant sur ​​le fait que l'Etat n’était pas capable de les gérer. Pour ce qui est de la privatisation, « qui pour un gouvernement de gauche est supposée être un gros mot », a-t-il souligné, « ce que nous disons, c’est que l'Etat grec n'a pas la capacité de développer les biens publics ... les chemins de fer, les ports, les aéroports, toute une variété de biens publics ».

Varoufakis ressemble étroitement à un autre acolyte célèbre de Thatcher, l’ancien premier ministre travailliste britannique Tony Blair. Ses appels à la relance économique n’ont rien à voir avec une quelconque conception du socialisme, mais sont similaires aux partenariats entre les secteurs public et privé adoptés par Blair comme pierre angulaire du programme du « New Labour (Nouveau travaillisme) ».

Il a demandé, « Que disons-nous? Que nous reconnaissons que ces biens publics ne peuvent être laissés à la gestion de l'Etat. Nous voulons des entreprises communes public-privées. Nous allons même donner la majorité des actions des entreprises publiques aux secteur privé [sic] » -- en échange de quoi il mendia « un prérequis d’investissement minimal » pour que l'Etat gère les caisses de retraite et fournisse des « conditions de travail décentes ».

Dans son interview avec Bloomberg, Varoufakis a dit que Syriza était commis à un excédent budgétaire primaire, stipulant seulement que « cela ne devrait pas être excessif, sans quoi cela écraserait le secteur privé ».

Syriza voulait rembourser toute la dette due par l'Etat grec et il devrait y avoir « une rationalisation sur les différentes tranches de la dette grecque sans pertes financières pour quiconque, mais faite d'une manière qui maximise la quantité de valeur que nos créanciers obtiendront de l'Etat grec » (Souligné par nous).

Le programme d’austérité de Syriza signifie qu'il se dirige vers une collision frontale avec la classe ouvrière grecque. On lui a demandé s’il était préparé à faire face à une « réaction politique ... du vrai peuple de la Grèce. »

« Le risque est que vous autres garçons et filles ne reçoivent une fessée du peuple grec. Êtes-vous prêt pour cela? »

Il répondit: « Nous ne répondrions pas à l’objectif si nous n’étions pas prêts à encaisser le coût politique nécessaire pour stabiliser la Grèce et la conduire vers la croissance ... ».

Que dit effectivement Varoufakis ?

L'austérité dévastatrice mise en œuvre en Grèce au cours des cinq dernières années a entraîné la paupérisation de millions de personnes. Le chômage officiel reste supérieur à 25 pour cent. Des centaines de milliers de familles n’ont pas de source de revenu et dépendent des banques alimentaires et des organismes caritatifs. Trois millions de personnes, sur une population de 11 millions, n’ont pas accès aux soins de santé financés par l’Etat.

C’est dans ces conditions que Varoufakis insiste pour dire que Syriza, comme il l’a dit précédemment, « fera ce qui semble impossible » afin de rembourser ses créanciers.

Comme en a averti le WSWS, Syriza doit être prêt à utiliser la force de l'Etat pour réprimer l'opposition sociale de masse qu’une telle attaque produira. C’est là le vrai caractère politique de ce parti universellement salué comme un « gouvernement ouvrier » anti-austérité par les groupes de la pseudo-gauche comme le Socialist Workers Party en Grande-Bretagne, le Nouveau parti anticapitaliste en France et l'International Socialist Organization aux États-Unis.

(Article original publié le 15 avril 2015)

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