Le patronat français demande la fin du contrat de travail permanent

Les lobbies patronaux français pressent le gouvernement du Parti socialiste (PS) de mettre en œuvre des mesures « choc » dont l'élimination des contrats à durée indéterminée (CDI) pour les salariés du privé et la création d'un nouveau type de contrat pour faciliter le licenciement collectif de masse et la réduction des salaires. 

Quelques jours avant le ‘sommet social’ qui s’est tenu le 3 avril, Pierre Gattaz, le président du Medef (Mouvement des entreprises de France) a proposé de créer un nouveau contrat de travail favorable au patronat qui facilitera les procédures de licenciement. Le gouvernement, les groupes patronaux et les syndicats se sont réunis le 3 avril pour évaluer les réformes du travail de 2013. Celles-ci avaient déjà réduit drastiquement les droits des salariés et imposé une « flexibilité » accrue en faveur des entreprises. 

Gattaz a déclaré à la station de radio RTL, « Il faut absolument que dans les semaines à venir, dans les mois à venir, des mesures chocs, des mesures courageuses, soient prises pour libérer l'emploi, c'est-à-dire donner plus de lisibilité, de visibilité notamment, à l'acte de licencier. » 

Le nouveau contrat de travail permettra selon lui aux patrons « de pouvoir s'adapter, s'ajuster, s'il y a un revers de marché, une technologie nouvelle.» 

Bien que les précédentes réformes du travail, dont celles de 2013, aient déjà donné aux entreprises une plus grande flexibilité, Gattaz considère que le droit du travail français protège trop les travailleurs, et qu’il compromet la compétitivité des entreprises. Il a appelé les licenciements collectifs « un acte nécessaire dans un monde qui bouge à toute vitesse, un monde en mutation. » 

Il a ajouté, « Si vous n'avez pas cette possibilité sécurisée à la fois de licencier rapidement et facilement, avec des conditions pré-établies pour le salarié, vous n'embauchez pas car vous avez peur, vous ne savez pas à quelle sauce vous allez être mangé à la fin ». 

Le grand patronat exige que soit éliminée toute sécurité de l’emploi et veut obliger les salariés à accepter les exigences des employeurs et l’élimination pure et simple de droits sociaux fondamentaux conquis pendant des décennies de lutte. Le nouveau contrat de travail est conçu pour permettre aux patrons de licencier des millions de salariés du secteur privé et de transformer l'ensemble de la force de travail en travailleurs précaires à bas salaire et privés de prestations sociales. 

Le nombre de salariés dans le secteur privé français est estimé à 17,8 millions.15,4 millions d’entre eux ont un contrat d'emploi permanent (CDI), 500.000 un contrat temporaire, et 1,8 million des contrats à durée déterminée (CDD). Depuis le début de la crise, une écrasante majorité de travailleurs n'a pas été embauchée en CDI. « 87 pour cent des embauches sont encore sur des CDD », a déclaré Jean-François Pilliard, du Medef. 

Selon des chiffres de la Dares, l’agence de statistiques du ministère du Travail, il y a eu une forte augmentation des offres d'emploi sur des contrats à court terme entre 2000 et 2012: « De début 2000 à fin 2012, le nombre de déclarations d’intention d’embauche en CDD a progressé de 76 % et le nombre de missions d’intérim de 14 %, tandis qu’hors titulaires de la fonction publique, le nombre de déclarations d’intention d’embauche en CDI n’a augmenté que de 4 %. » 

Le Medef a également proposé d'utiliser plus largement les « contrats de projet », très répandus dans les secteurs de l'informatique et de la technologie, où les salariés sont embauchés pour un seul projet spécifique. Le contrat prend fin lorsque le projet est terminé. 

En outre, le Medef veut éliminer la possibilité qu’ont les salariés de contester leur licenciement devant les conseils de prud’hommes. Il a proposé « d’introduire un barème d'indemnités de licenciement (Son respect par l'employeur éteint toute contestation en justice); Introduire un plafond d'indemnités à verser au salarié par l'employeur en cas de contentieux ». Il a également appelé à imposer un plafond au niveau de responsabilité de l'employeur si un licenciement est contesté.

La proposition de poursuivre la déréglementation du droit du travail intervient après que le gouvernement PS a imposé l’adoption à l’Assemblée nationale, sans vote, de la loi Macron en faveur du patronat. Celle-ci rend une poursuite judiciaire pour licenciement abusif plus difficile aux travailleurs, permet aux employeurs d’augmenter les heures de travail le dimanche sans rémunération d’heures supplémentaires, révise complètement les frais pour divers services juridiques et médicaux, et entame la privatisation de nombreuses entreprises publiques.

Le gouvernement PS a répondu positivement à la proposition du Medef. Il avait déjà clairement fait savoir qu'il allait intensifier les réformes structurelles et les mesures d'austérité après avoir alloué €40 milliards d’aide financière à la grande entreprise dans le cadre du soi-disant Pacte de responsabilité, qui visait à réduire les coûts de main-d’œuvre.

La proposition du Medef sera un élément-clé dans les pourparlers de juin entre représentants du gouvernement, des organisations patronales et des syndicats pour discuter de l'aggravation des coupes sociales et des réformes du travail. Les responsables du PS n’on pas caché qu'ils avaient reçu leurs ordres de Gattaz.

Le président François Hollande a réaffirmé vendredi dernier que « des mesures ser[aient] prises en juin pour le soutien à l'embauche » dans les petites et moyennes entreprises. Alors qu’il impose une politique patronale destinée à sabrer les salaires et le niveau de vie des travailleurs, Hollande a cyniquement affirmé que faire des efforts pour « donner plus de flexibilité » aux entreprises ne signifiait pas « créer l'insécurité pour les employés ».

Le premier ministre Manuel Valls a déclaré qu’il fallait ces réformes « pour permettre aux PME-PMI d'embaucher rapidement, cela, oui.[...] Il faut lever le frein de cette peur. »

La bourgeoisie française pense que dans une situation où le chômage flambe (il est supérieur à 10 pour cent et touche plus de cinq millions de personnes) en raison de la crise économique, elle peut exiger de tous les salarés des sacrifices extrêmement néfastes. Le gouvernement PS s’appuiera sur une bureaucratie syndicale corrompue, qui critique le Medef hypocritement, tout en se préparant à collaborer avec le patronat pour réduire les dépenses sociales et étouffer l'opposition dans la classe ouvrière.

Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, syndicat proche du PS, a dit: « Le débat sur le contrat de travail est un débat qu’il faut arrêter tout de suite ».

Philippe Martinez, le dirigeant de la Confédération générale du travail (CGT) stalinienne a déclaré cyniquement que les conséquences de ces réformes étaient « souvent dramatiques » en particulier pour les salariés touchés par les licenciements.

Ayant appelé à voter pour Hollande aux élections présidentielles de 2012, les syndicats et les partis de la pseudo-gauche comme le NPA (Nouveau parti anti-capitaliste) travaillent à supprimer les luttes, permettant ainsi au PS de prendre des mesures en faveur des entreprises au dépens de la classe ouvrière. Leur rôle a été de superviser la réduction des coûts de main-d'œuvre dans les années qui ont suivi l'élection de Hollande, de sorte que, maintenant, les entreprises font des bénéfices plus importants.

L’Institut national de statistique (Insee) a récemment indiqué que le coût du travail en France était passé en dessous de celui de l'Allemagne. Selon l'Insee, « Le coût du travail, qui comprend les salaires et les charges sociales, a progressé d'à peine 0,4 % entre le quatrième trimestre 2013 et le quatrième trimestre 2014 ». En Allemagne, les coûts salariaux ont augmenté de 1,6 pour cent en 2014.

Jean-François Ouvrard, économiste chez Coe-Rexecode, a dit au Figaro: « En outre, les entreprises hexagonales bénéficieront de la montée en puissance du CICE [mesure de soutien aux entreprises permettant de baisser le coût du travail] et des baisses de cotisations sociales du pacte de responsabilité. »

(Article original paru le 7 avril 2015)

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