L’armée américaine va former des milices fascistes ukrainiennes

Le 20 avril, selon une annonce faite dimanche par le ministre de l’Intérieur ukrainien, Arsen Avakov, l’armée américaine commencera l’entraînement des bataillons de la Garde nationale ukrainienne en Ukraine de l’Ouest, près de la frontière polonaise.

« Des commandos américains, totalisant 209 hommes, arriveront le 20 avril au camp d’entraînement de Yavoriv, dans la région de Lviv, » a écrit Avakov sur Facebook. « C’est là qu’auront lieu des exercices militaires de longue durée de la 173ème brigade aéroportée américaine et des unités de combat de la Garde nationale ».

La porte-parole du Pentagone, Eileen Lainez, a confirmé l'exercice au début du mois sans en donner la date exacte. « Cette aide fait partie de nos efforts continus pour maintenir les opérations de défense et de sécurité intérieure de l’Ukraine, » a-t-elle dit. « L’entraînement aidera notamment le gouvernement ukrainien à développer sa Garde nationale pour qu’elle soit à même de mener des opérations de défense sur le plan intérieur. »

Les unités paramilitaires, créées pour la plupart par des oligarques milliardaires qui ont financé et recruté des volontaires fascistes et néo-nazis, serviraient soit à réprimer les protestations populaires dans la partie de l’Ukraine qui est contrôlée par Kiev, soit à faire la guerre en Ukraine de l’Est, si des combats éclataient de nouveau avec les séparatistes pro-russes.

L’entraînement et l’équipement par Washington de forces paramilitaires qui vénèrent des nationalistes et fascistes ukrainiens qui ont collaboré avec les forces d’occupation nazies et facilité l’Holocauste durant la Seconde Guerre mondiale, expose les prétensions démocratiques et humanitaires de Washington en Ukraine comme étant de sales mensonges.

Le programme d’entraînement comprendra pour la première fois l’envoi direct et public d’armes létales à l’armée ukrainienne. Selon le Pentagone, des uniformes, des gilets pare-balles, des lunettes de vision nocturne et des radios seraient fournis – le tout classé « non létal ». Cependant, Avakov a révélé que « nos partenaires américains » remettront, à la fin de leur entraînement, des « armes spéciales » aux troupes de la Garde nationale ukrainienne.

Avant la fin de 2015, les forces ukrainiennes pourraient tuer des séparatistes pro-russes – ou des soldats russes – avec des balles, des grenades et autres « armes spéciales » livrées par les Etats-Unis. Cela accroît le risque que les conflits en l’Ukraine de l’Est et à propose de la Crimée ne se transforment en un guerre totale entre la Russie et l'OTAN.

Au total, 1.500 soldats américains, 600 soldats issus d’autres pays membres de l’OTAN et 2.200 soldats ukrainiens participeront aux manœuvres. Les premières, qui ont reçu le nom Fearless Guardian, dureront sept mois, d’avril à novembre. Les deuxièmes, Saber Guardian/Rapid Trident 2015, débuteront en juillet pour se terminer fin octobre.

Les troupes américaines proviendront de la 173ème brigade de combat, le fer de lance des forces américaines en Europe méridionale, basée à Vicenza en Italie. Cette brigade est spécialisée dans les opérations offensives et les frappes aériennes. Ceci réfute l'idée que le Pentagone forme les troupes ukrainiennes pour se défendre contre une supposée agression russe en Ukraine de l’Est.

Avakov a dit que l'accord sur les exercices militaires avait été scellé lors de discussions entre le président ukrainien Petro Porochenko et le vice-président américain Joseph Biden, lors d'une récente visite de ce dernier à Kiev. Il a rendu un hommage particulier à Victoria Nuland, la ministre adjointe américaine des Affaires étrangères chargée des affaires européennes et eurasiennes, et à l’ambassade américaine à Kiev : « Sans leur vigueur, la préparation importante et compliquée de l’entraînement aurait été impossible. »

Le 17 mars, le parlement ukrainien a approuvé un projet de loi soumis par Porochenko permettant aux troupes étrangères de participer à des exercices multinationaux en Ukraine. Ces opérations coïncident avec des exercices semblables dans des pays voisins membres de l’OTAN – la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie.

Un total de 1.200 soldats de l’armée régulière et jusqu’à un millier de Gardes nationaux participeront à cet entraînement. Un grand nombre des 50 bataillons de la Garde nationale enverront des troupes. Avakov a nommé les bataillons « Azov », « Jaguar » et « Omega », ainsi que des bataillons issus des villes de Kiev, Kharkiv, Zaporozhye, Odessa, Lviv, Ivano-Frankivsk et Vinnitsa.

L’inclusion du bataillon « Azov » est sinistre. Il s’agit d’une force militaire qui compte plus d’un millier de soldats et qui fut fondée et dirigée par le néo-nazi, Andriy Biletsky. Il déploie des bannières arborant une croix gammée modifiée, copiée directement des unités SS de la Seconde Guerre mondiale.

Cette force a joué un rôle prépondérant dans les combats à Marioupol, la deuxième ville de la région de Donetsk et la plus grande qui est encore contrôlée par le gouvernement ukrainien. C'est un centre sidérurgique et le principal port sur la Mer d’Azov, un golfe de la Mer noire.

Le 15 février, Biletsky a publiquement dénoncé le cessez-le-feu convenu entre l’Ukraine, la Russie et l’Union européenne et les séparatistes pro-russes, en menaçant d’organiser une marche sur Kiev pour y mettre en place un gouvernement pro-guerre. Son bataillon est équipé d’artillerie et deschars, ainsi que d’autres armes lourdes.

Selon une dépêche de Reuters cité la semaine dernière par le magazine Time, « Le bataillon Azov provient du groupe paramilitaire national-socialiste appelé ‘Patriote de l’Ukraine’, qui propage des slogans sur la suprématie blanche, la pureté raciale, la nécessité d'un pouvoir autoritaire, et une économie nationale centralisée. ‘Patriote de l’Ukraine’ s’oppose aux renoncements sur la souveraineté de l’Ukraine en rejoignant des blocs internationaux, appelle à défaire l’économie libérale et la démocratie politique, y compris la liberté de la presse. »

Un article paru le 22 mars dans USA Today décrit la visite effectuée par un journaliste au bataillon Azov à Marioupol. Intitulé « Des nazis au sein de la Garde nationale de Kiev », l’article contient une interview d’un sergent instructeur qui fait ouvertement l’éloge de l’idéologie nazie. Il cite un porte-parole du bataillon disant, « C’est son idéologie personnelle. Cela n’a rien à voir avec l’idéologie officielle d’Azov. »

Le porte-parole, Andrey Dyachenko, a ajouté que « Seuls 10 à 20 pour cent des membres du groupe sont des nazis ». Donc, au moins 100 à 200 nazis pourraient bénéficier d’un entraînement militaire intensif fourni par des commandos américains.

Le même article cite un membre de l’état-major de l'armée ukrainienne à Kiev, le colonel Oleksy Nozdrachov, qui « a défendu les combattants Azov en tant que patriotes. »

Un rapport publié par le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l’homme sur le seul mois de novembre 2014, a constaté que le bureau du procureur militaire d’Ukraine n’avait rien fait pour enquêter sur un nombre « considérable » d’allégations d’atteintes aux droits de l'homme, « y compris le pillage, la détention arbitraire et les mauvais traitements pratiqués par certains membres volontaires de bataillons tels Aidar, Azov, Slobozhanshchina et Shakhtarsk. »

Amnesty International avait déjà relaté que le bataillon Aidar a commis des crimes de guerre « comme l’EI », dont la décapitation de séparatistes pro-russes et l’expédition de la tête d’au moins une victime par la poste à sa mère. Des militants nationalistes ukrainiens « ont été impliqués dans des sévices largement répandus, dont les enlèvements, des détentions illégales, les mauvais traitements, le vol, l’extorsion et d’éventuelles exécutions, » a précisé le groupe.

Par contre, durant une récente visite à New York, le vice-président du parlement ukrainien, Andriy Parubiy, a dit que les bataillons de la Garde nationale était composés de « guerriers ukrainiens disciplinés qui constitueront à l’avenir des sujets de films et de livres. »

Ces comptes rendus soulignent le caractère foncièrement réactionnaire de l’intervention menée par les Etats-Unis et l’OTAN en Ukraine, qui a déchaîné contre la population ukrainienne, tant dans la région de l’Est que partout dans le pays, des forces farouchement antidémocratiques et fascistes.

(Article original paru le 1er avril 2015)

Loading