Après les attentats de Paris, le NPA soutient la guerre et l’Etat policier

A la suite des attaques terroristes du 13 novembre à Paris, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) s’adapte à l’état d’urgence imposé par le gouvernement du Parti socialiste (PS) et réclame l’intensification de la guerre au Moyen-Orient. Il signale son soutien à l’escalade draconienne du militarisme et des attaques contre les droits démocratiques préparées par la classe dirigeante en France et au plan international.

C’est ce que contient sa déclaration du 27 novembre « Les attentats du 13 novembre à Paris: la terreur de l’État islamique, l’état d’urgence en France, nos responsabilités », écrite par François Sabado et Pierre Rousset. Sabado est un dirigeant et stratège de longue date du NPA et de son prédécesseur la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Il a joué un rôle central dans la dissolution de la LCR et la formation du NPA, abandon final et public de la part de cette organisation de toute association avec une politique socialiste.

Sabado et Rousset ne s’en prennent pas à la menace de guerre et de dictature. C’est bien plutôt les adversaires de la guerre impérialiste en Syrie qu’ils dénoncent, bien que ce soit cette guerre qui ait donné naissance à la milice de l’État islamique (EI) ayant commis les attentats de Paris.

« Quel que soit le rôle de l’impérialisme, l’État islamique est responsable de ses actes, » affirme le NPA qui poursuit: « Sous le choc des événements, des organisations de gauche, associations et syndicats ont plié devant l’appel à l’union nationale; d’autres comme en réaction ont tellement souligné les très réelles responsabilités politiques et historiques de l’impérialisme occidental que la dénonciation de l’État islamique en est devenue inaudible. »

L’affirmation que les critiques de l’impérialisme sont en train d’étouffer les critiques, devenues inaudibles, de l’EI est absurde. Hystérie effrénée de loi et d’ordre et fièvre guerrière contre l’EI et le régime syrien prédominent au sein de l’establishment politique français, comme chez les alliés du NPA au Front de Gauche et dans la bureaucratie syndicale. La principale préoccupation du NPA est de bloquer toute opposition à cela depuis la gauche.

Sabado et Rousset dénoncent ensuite des groupes de gauche, restés sans nom, s’opposant à l'impérialisme. Ils écrivent: « [O]n lit encore bien des articles jugeant que si les attentats ‘n’avaient aucune excuse’, il fallait avant tout prendre en compte ‘le contexte’ – l’analyse dudit contexte se réduisant pour l’essentiel à l’énumération des méfaits impérialistes, on pourrait en conclure que les mouvements fondamentalistes ne font que réagir à l’action des grandes puissances et que nous devrions en quelque sorte leur accorder des circonstances atténuantes... Étrangement, bien des plumes de gauche dénoncent vigoureusement les attentats fondamentalistes, mais se refusent à condamner nommément, explicitement, les mouvements qui les commettent. »

Il s’agit là d’une provocation visant à intimider l’opposition aux initiatives de l’impérialisme français pour pousser la population dans la guerre et la dictature. Sabado et Rousset n’identifient aucun article, auteur ou citation pour justifier leur attaque des points de vue anti-impérialistes. Sans aucune base factuelle, ils insinuent tout simplement que l’opposition à l’impérialisme revient à excuser ou à soutenir l’EI.

Dans le contexte actuel, c’est une menace sinistre. Même si Sabado et Rousset le passent sous silence, 100 000 soldats et policiers patrouillent dans les villes françaises et utilisent les lois d’urgence pour arrêter des centaines de personnes de toutes tendances, même des manifestants écologiques, sur des charges antiterroristes.

Leur affirmation qu’il faille traiter l’EI isolément de l’impérialisme vise à désorienter le public, à dissimuler qui est finalement responsable des attentats de Paris et à faciliter la propagande pro-guerre des médias. L’EI s’est développé à partir de la tentative irresponsable des puissances impérialistes de recoloniser le Moyen-Orient par la guerre, utilisant des milices islamistes, dont l’EI, comme mandataires. Si l’EI est responsable de ses actes, les puissances impérialistes sont responsables de l’émergence de l’EI. La lutte pour prévenir de nouvelles atrocités comme celles du 13 novembre ne peut que prendre la forme de l’opposition à la guerre impérialiste.

Les guerres menées par l’impérialisme ont eu le soutien enthousiaste du NPA. Pendant des années, il a salué comme des « révolutionnaires » les mandataires de l’impérialisme -- d’abord contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi en 2011 dans la guerre de l’OTAN en Libye, puis dans la guerre en Syrie contre le régime du président Bachar al-Assad. Ce fut pourtant un groupe de personnes issu de ces milices islamistes et opérant sous l’étroite surveillance des services de renseignement français, qui a finalement monté les attentats de Paris. Prêt à tout pour couvrir son propre rôle, le NPA attise l’hystérie militariste régnante de loi et d’ordre.

Alors que la classe dirigeante française cherche à abroger les droits démocratiques, l’opposition depuis la gauche voulue par des millions de personnes ne pourra s’exprimer à travers les organisations politiques existantes. Les organisations réactionnaires de la classe moyenne aisée comme le NPA qui ont pendant des décennies monopolisé ce qui passait pour une politique « de gauche », soutiennent des politiques draconiennes contre la classe ouvrière.

Les tentatives de Sabado et Rousset de prendre la pose de critiques de l’état d’urgence sont pleines de mauvaise foi. Leurs commentaires démoralisés visent principalement à assurer la population que le PS et sa périphérie politique, dont le Front de gauche et le NPA, défendent toujours les droits démocratiques et le cadre de la Cinquième République.

« Les résistances à la prolongation de l’état d’urgence ont été très faibles dans la gauche parlementaire, » déclarent-ils, ajoutant: « L’état des forces progressistes en France est assez désastreux. »

Leur remarque que l’état de la gauche est « désastreux » est une tentative mensongère d’excuser la responsabilité du NPA dans ce qui se passe. Les partis comme le Front de gauche et le PS – vers lesquels s’oriente le NPA, avec lesquels il a travaillé durant des décennies et pour lesquels il revendique toujours l’appellation de « progressiste » -- sont en train de mettre en place un État policier en France.

En fait, il n’y pas eu de résistance, « faible » ou autre, à l’état d’urgence parmi les alliés parlementaires du NPA. L’Assemblée nationale a adopté l’état d’urgence à 551 voix contre 6 ; 3 députés PS et 3 Verts ayant voté pour protester symboliquement. Tous les députés du Front de gauche ont voté pour – cette coalition inclut le Parti communiste français stalinien (PCF), le Parti de Gauche (PG) et des fractions issues du NPA lui-même, comme la Gauche unitaire et la Gauche anti-capitaliste.

Il est significatif que les députés aient voté ainsi alors même que le PS avait déjà annoncé qu’il recherchait un amendement constitutionnel permettant au président de déclarer l’état d’urgence permanent. Une telle mesure permet à la police de détenir des individus, d’effectuer perquisitions et saisies à leur domicile, de les assigner à résidence et de dissoudre les organisations dont ils sont membres, si leur comportement, déclarations ou associations induisent la police à soupçonner qu’ils pourraient constituer « une menace pour la sécurité et l’ordre public. »

Cela signifierait la transformation de la France en Etat policier. Armée des moyens modernes de l’espionnage électronique de masse, la police aurait d’énormes pouvoirs pour attaquer toute personne, y compris les travailleurs et leurs organisations, dont les points de vue pourraient être interprétés comme critiques, voire potentiellement critiques, de la politique sociale ou étrangère de l’État. La liberté d’opinion serait effectivement abolie.

La réponse du NPA montre que l’establishment « de gauche » défend la guerre, la dictature et la promotion de la haine anti-musulmane pour diviser la classe ouvrière. Sabado et Rousset écrivent complaisamment: « l’émotion a submergé le pays – ce qui est évidemment parfaitement normal. Les actes islamophobes se sont multipliés, mais ils sont le fait d’une frange seulement de la population. »

Ils exigent qu’on fasse porter toute la responsabilité des attaques du 13 novembre à l’EI. « Cette organisation » écrit le NPA, « a construit un protoÉtat sur un territoire équivalent à celui de la Grande-Bretagne. » Et de poursuivre: « Elle gère une administration, accumule d’immenses richesses (évaluées à près de 1,8 milliard de dollars), organise la contrebande de pétrole ou de coton. Elle mène des opérations de guerre sur de multiples théâtres d’opérations, a recruté des informaticiens du plus haut niveau… Elle n’est pas une marionnette! Elle est responsable de ces actes — totalement responsable des attentats qu’elle commet en tant de lieux. »

La tentative de transformer l’EI en colosse indépendant sur le plan militaire et économique, en un ennemi de la taille de la Grande-Bretagne ou de la France, est absurde. L’EI est issu de l’invasion illégale de l’Irak en 2003 et des guerres impérialistes par procuration au Moyen-Orient depuis 2011, où les milices islamistes financées par les émirats pétroliers du Golfe ont servi de forces terrestres à l’OTAN. Si l’EI a effectivement amassé 1,8 milliard de dollars grâce à son commerce de pétrole avec la Turquie, membre de l’OTAN, cela signifierait qu’il a moins de 0,02 pour cent des $12 billions qui constituent la richesse nationale de la France.

Le rôle de l’État dans les attaques du 13 novembre ne peut d’ailleurs pas être écarté et Sabado et Rousset ne disent pas qui sont leurs sources quand ils affirment que l’EI est « totalement » responsable. Une longue expérience montre qu’Al-Qaïda et l’EI sont infiltrés par les agences de renseignements et sont sujets à manipulations. Quelques mois seulement après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, la presse a rapporté que les attaquants avaient obtenu des armes auprès d’indicateurs de la police – un fait que le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a tenté de couvrir en invoquant le secret d’État.

Sur un plan plus fondamental cependant, les marxistes n’expliquent jamais l’importance d’une attaque terroriste purement du point de vue de l’événement en soi. La capacité de l’EI à gagner une influence dans certaines couches de la jeunesse française, ainsi que la décision de l’impérialisme français à répudier son opposition de 2003 à la guerre contre l’Irak pour soutenir les guerres de changement de régime de l’OTAN, sont liées à des changements profonds dans les rapports de classe.

Depuis 2003, les fondements socio-économiques du capitalisme français ont été détruits, en particulier par l’éruption de la crise capitaliste mondiale de 2008, la plus grave depuis la Grande Dépression des années 1930. On a supprimé des dizaines de millions d’emplois, mis en pièces les droits sociaux et l’élite dirigeante de toute l’Europe a réalisé de vastes profits, mais le capitalisme français continue de s’effondrer. Alors qu’il lui est impossible d’être compétitif sur les marchés mondiaux, ses propres économistes lui prédisent une « croissance zéro » et l’intensification des conflits sociaux.

L’élite dirigeante a réagi en recourant aux guerres de pillage à l’étranger et à l’intensification à l’intérieur de la répression policière dans les banlieues ouvrières, notamment celles à forte population immigrée musulmane. Cela va de pair avec les mesures discriminatoires contre les musulmans – depuis l’interdiction du foulard dans les écoles publiques en 2003 jusqu’à l’interdiction de la burqa en 2009.

Sabado et Rousset veulent parler de la responsabilité de l’EI, mais quelle est la responsabilité du NPA? Comment peut-on expliquer l’absence, dans ces conditions, de tout mouvement anti-guerre en France ou celle de tout mouvement de gauche ayant du soutien chez les jeunes?

Le NPA, le Front de gauche et leurs alliés ont joué un rôle trompeur et réactionnaire, se présentant comme « de gauche » tout en soutenant toutes les politiques réactionnaires de l’impérialisme français: guerres, mesures anti-musulmanes et programme d’austérité d’un gouvernement PS qu’ils ont appuyé dans les élections de 2012. Ils ont tout fait pour créer une atmosphère politique surréelle où toute opposition à la guerre se fondant sur la classe ouvrière a été supprimée. Cela a ouvert la porte à ce que l’EI ait une influence parmi les couches les plus désorientées de la jeunesse musulmane en France.

Le NPA, en particulier, a joué un rôle central en tant que promoteur le plus agressif des guerres en Libye et en Syrie, saluant les forces islamistes mandataires de l’OTAN comme des « révolutionnaires ».

Alors que commençaient les bombardements, Gilbert Achcar du NPA faisait l’éloge de la résolution de l’ONU autorisant la guerre en Libye. Tout en admettant qu’« il n’y avait pas suffisamment de garanties dans le texte de la résolution d’interdire son utilisation à des fins impérialistes, » il a dit : « Mais étant donné l’urgence de prévenir le massacre qui aurait inévitablement résulté d’un assaut sur Benghazi par les forces de Kadhafi, et l’absence de tout autre moyen d’atteindre l’objectif de protection, personne ne peut raisonnablement s’y opposer... Vous ne pouvez pas au nom de principes anti-impérialistes vous opposer à une action qui va empêcher le massacre des civils. »

Lorsque les frappes aériennes de l’OTAN et les raids menés par les islamistes et les milices tribales ont fait tomber le régime libyen et que Kadhafi fut capturé, torturé et assassiné dans les ruines de Syrte bombardée, le NPA a salué l’événement: « La chute du dictateur Kadhafi est une bonne nouvelle pour les peuples. Le NPA est entièrement solidaire du processus révolutionnaire qui continue dans la région arabe. »

Pendant que la Libye s’effondrait dans une guerre civile entre diverses milices islamistes que l’OTAN avait soutenues contre Kadhafi, Achcar a rencontré en octobre 2011 les instruments syriens de la CIA pour discuter du renversement d’Assad. Il se vanta dans les pages d’Al Akbar de Londres qu’il avait été invité à la conférence en Suède « afin de parler sur le sujet de l’intervention militaire étrangère dans la situation actuelle en Syrie. »

Des combattants islamistes réunis pour un changement de régime en Libye ont été intégrés à un réseau international de camps d’entraînement pour préparer les opérations contre le régime Assad. Sous la supervision de la CIA et des renseignements européens, ils ont été formés pour mener la guérilla urbaine et monter des attentats à la voiture piégée. Les polices et les services de renseignements de l’Europe ont autorisé et encouragé des milliers de jeunes d’origine musulmane à partir au Moyen-Orient afin d’y recevoir cette formation.

Quand des dizaines d’attentats terroristes ont frappé les villes syriennes, le NPA les a saluées comme faisant partie d’une lutte révolutionnaire contre Assad, exigeant que la France arme l’opposition syrienne. Olivier Besancenot du NPA a dit en 2013: « [le ministre français des Affaires étrangères Laurent] Fabius est un disque rayé. Il a dit la même chose pendant des mois. Il devrait gracieusement donner des armes aux révolutionnaires syriens. »

Besancenot rejeta les préoccupations dans les agences de renseignements que cela signifiait armer des terroristes: « Ceux qui disent, ‘nous devons surtout ne pas donner des armes parce qu’elles vont se retrouver avec les djihadistes,’ bien, c’est déjà le cas [qu’ils sont armés]. »

L’EI a profité de l’effondrement du régime d’Assad dans l’est de la Syrie et de l’aide de forces sunnites d’Irak hostiles au régime chiite fantoche de Washington à Bagdad. Il a été en mesure d’exporter du pétrole à partir de ces zones vers les marchés mondiaux grâce à ses liens avec la Turquie, État membre de l’OTAN.

Lorsque les puissances de l’OTAN ont commencé à bombarder l’EI en Irak pour soutenir le régime de Bagdad, le NPA les a soutenues et a commencé à attaquer l’EI. Mais l’EI a servi d’outil de la politique impérialiste et de justification pour l’intensification de la guerre. L’an dernier, Paris a encore refusé de bombarder l’EI en Syrie, disant qu’éliminer son plus fort adversaire aiderait Assad.

Lorsque des recrues françaises et belges de l’EI ont lancé leurs attaques terroristes à Paris, alors qu’elles étaient sous étroite surveillance policière, c’était le résultat tragique et sanglant de politiques impérialistes soutenues agressivement par le NPA. Ce qui n’était pas dû à une confusion passagère ou une erreur tactique de la part du NPA, mais était le produit de sa nature de classe de parti petit-bourgeois et pro-impérialiste. Voilà pourquoi, même dans leur présent article, Sabado et Rousset exigent l’armement de davantage de milices mandataires et la poursuite de l’escalade militaire en Syrie.

L'article pointe les « forces qui sur le terrain méritent le plus notre soutien: Kurdes, Yezidis, composantes progressistes et non confessionnalistes [sic] de la résistance au régime. Il faut leur apporter notre solidarité politique et matérielle et exiger qu’ils reçoivent notamment un armement adéquat... C’est aux peuples de décider pas aux coalitions impérialistes. Mais, et c’est une dimension particulière de cette guerre, les Kurdes comme les démocrates syriens ont demandé et demandent une aide sanitaire et militaire, y compris aux gouvernements occidentaux. Il faut la leur donner. »

Ce sont là des sophismes politiques éhontés exploitant les attaques du 13 novembre pour donner un nouveau vernis « populaire » à leur soutien de la guerre impérialiste des grandes puissances en Syrie. Ce ne sont pas « les peuples » du Moyen-Orient, mais les forces armées et les services de renseignements des pays de l’OTAN qui décideront quelles milices de l’opposition recevront des armes de l’OTAN.

Quant aux milices kurdes soutenues par les impérialistes et au mélange de déserteurs, de groupes criminels et de milices islamistes que le NPA célèbre comme opposition « laïque », ils ne représentent pas plus les masses du Moyen-Orient que l’EI.

Sabado et Rousset parlent pour le compte des restes loqueteux d'un parti de la pseudo-gauche petite-bourgeoise qui se sert de formules malhonnêtes pour couvrir son programme pro-impérialiste et le fait qu'il se rue vers la droite. Le NPA est allé du soutien à la guerre impérialiste au soutien à l’Etat Policier dans le but de réprimer l'opposition à la guerre.

(Article paru d’abord en anglais le 11 décembre 2015)

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