Elections régionales en France

Echec des tentatives de « front républicain » pour faire obstacle aux néo-fascistes

Suite au succès record du Front national néo-fasciste (FN) au premier tour des élections régionales le week-end dernier, diverses tentatives de former un « front républicain » de tous les autres partis pour faire obstacle au FN dans les 13 régions du pays ont échoué. Les mécanismes traditionnels par lesquels le système politique bourgeois empêchait l'arrivée au pouvoir d'un parti néo-fasciste en France sont en train de sauter. 

L'ex-président conservateur Nicolas Sarkozy et dirigeant de LR (Les Républicains) a fini par annoncer cette semaine que son parti n'appellerait pas à un vote « Front républicain » en faveur du Parti socialiste (PS) au pouvoir pour unifier le vote anti-Front national dans les régions où LR était arrivé troisième derrière le PS et le FN. 

Alors que des triangulaires s'annoncent après le premier tour entre les listes PS, LR et FN dans 10 des 13 régions contestées, les divisions s'accentuent au sein des partis bourgeois sur la manière de réagir. 

Lundi, le premier ministre PS Manuel Valls a appelé les électeurs de son parti à voter pour des listes LR contre le FN, mais seulement dans les trois régions où le FN était susceptible de gagner, Nord-Pas de Calais-Picardie, où la liste FN est dirigée par la dirigeante du parti Marine Le Pen, Provence-Alpes-Côte d'Azur, où la tête de liste est sa nièce Marion Maréchal-Le Pen et Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne. Valls a rapidement été désavoué par le leader de la liste PS de cette dernière région Jean-Pierre Masseret qui veut maintenir sa liste et défier le pouvoir exécutif national. 

Les appels à un « front républicain » échouent au sens large dû à la répudiation des principes démocratiques par l'ensemble de l'élite dirigeante, en ligne avec l'escalade militariste, l'hystérie anti-réfugiés et l'austérité à travers l'Europe. Le PS est déjà profondément discrédité par ses coupes sociales à hauteur de dizaines de milliards d'euros. Ces élections se déroulent pratiquement sous la menace des armes dans l’état d'urgence imposé après les attentats de Paris; le PS a promis d’amender la constitution pour créer un état d'urgence permanent. Cela signifierait la création d'un Etat policier en France. 

Dans ces conditions, les appels hypocrites adressés aux électeurs par les politiciens PS pour qu’ils défendent derrière eux des principes républicains – les acquis sociaux et les droits démocratiques associés aux traditions de la Révolution française – n'ont plus d'influence sur une masse d'électeurs. 

« Le front républicain n'a pas de sens, car il n'a pas de contenu, » a avoué la députée verte Danielle Auroi dans une interview au journal L'Alsace, où elle essayait de prendre ses distances de la politique austéritaire de son allié PS. « Ce n’est pas la peine de faire croire à un front républicain si on n’est pas capable de mener des politiques en faveur des classes populaires ».

En fait, la classe dirigeante française répudie le consensus politique formé après l'effondrement du régime fasciste de Vichy à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce consensus insistait non seulement sur la nécessité d’une politique de protection sociale limitée mais voulait aussi minimiser les formes anti-républicaines de la politique bourgeoise, profondément ancrées dans l'histoire du 19e siècle et du début du 20e siècle en France. 

Maintenant, le nationalisme petit-bourgeois d'extrême-droite est en train de réapparaître, y compris sous sa forme monarchiste, comme facteur majeur de la vie politique française. Dans une interview largement rapportée avec le magazine politique Charles en juin, Marion Maréchal-Le Pen a pris ses distances par rapport au républicanisme et a indiqué un soutien potentiel pour des formes monarchiques de gouvernement.

 

Elle a dit, «C'est un régime politique, et il y a des monarchies qui sont plus démocratiques que certaines républiques. Je ne comprends pas cette obsession pour la République. Pour moi, la République ne prime pas sur la France».

Il devient toujours plus évident qu'il n'y a pas d’appui dans l’élite dirigeante française pour la démocratie et que la défense des droits démocratiques revient à la classe ouvrière, mobilisée dans la lutte contre toutes les différentes factions de l'establishment politique.

Les milieux politiques et les médias se concentrent largement sur le prochain cycle électoral, l'élection présidentielle décisive du printemps 2017 et la possibilité que Marine Le Pen la remporte et prenne le pouvoir d'Etat. Avec un FN actuellement crédité d’environ 30 pour cent des voix dans le contexte d’une abstention massive, une âpre concurrence se développe entre LR, le PS et ses alliés quant à savoir qui peut le mieux rassembler les électeurs indécis contre le FN au second tour de l'élection présidentielle.

Comme le débat sur un «Front républicain» cependant, ces calculs superficiels omettent l'impact de la trajectoire droitière que la classe dirigeante entend poursuivre dans l'intervalle. Il n’est pas certain qu'une majorité anti-FN de 70 pour cent existera encore parmi les électeurs dans un an et demi. Comme les autres principaux pouvoirs européens, l'impérialisme français prévoit d'intensifier la guerre en Syrie, les mesures d'Etat policier à l’intérieur – en particulier contre les musulmans – et l'austérité.

On comprend bien dans l'élite dirigeante que cette politique renforcera la position du FN. Par conséquent, à mesure qu'ils adoptent de larges portions du programme du FN, les principaux partis bourgeois et leurs périphéries petites-bourgeoises sont démoralisés face à la montée du FN.

Le PS craint que, comme le parti social-démocrate PASOK en Grèce, la politique d'austérité à laquelle il s’est totalement engagé puisse conduire à son effondrement et à sa désintégration. Le Pen a fait remarquer que pour le Parti socialiste «ce retrait [dans le Nord-Pas de Calais et Provence-Alpes-Côte d'Azur] peut être le début de la disparition pur et simple du PS ».

Quant à LR, pris entre la ruée vers la droite du PS et la montée du FN, il cherche désespérément à maintenir sa position traditionnelle à la tête de l'opposition au PS.

Justifiant son refus d'appeler à un « Front républicain » avec le PS contre Le Pen, Sarkozy a expliqué: « Moi je suis le chef de l’opposition. En ce qui me concerne, je suis engagé avec nos candidats dans une campagne où nous expliquons aux gens que la seule alternance c'est nous. J’essaie de leur expliquer qu'il y a une alternative, qu'ils ne sont pas obligés de faire la politique du pire, que Mme Le Pen a une politique économique qui est le contraire de ce qu'il faut pour la France ».

Ce qui prédomine surtout, c’est la faillite totale des partis dits «de gauche» dont la politique de lier, depuis des décennies, la classe ouvrière au PS a produit une catastrophe.

Jean-Luc Mélenchon du Front de gauche lié au PS, qui développe discrètement des liens politiques au sein de LR ainsi que ses relations avec les milieux FN, s’est opposé aux appels pour un «front républicain», refusant de choisir entre LR et le FN.

Il a dit, « Où il n’existe plus de vote de gauche possible, je me garderai bien de donner des consignes. Le choix de chacun n’est plus politique mais moral et philosophique. Chaque personne doit se demander si elle peut violer sa conscience politique au profit d’un impératif réputé supérieur. Plutôt la droite que le FN? A condition qu’il y ait une différence! Ce n’est pas à nous de la proclamer ».

 

En réalité, le PS et les forces pseudo de gauche sur sa périphérie, comme le Front de gauche, ne sont pas plus une alternative au Front national que les républicains. C’est leur politique réactionnaire et leur suppression de l'opposition à l'austérité et à la guerre dans la classe ouvrière qui a alimenté la montée du FN.

 

(Article original paru en anglais le 11 décembre)

 

 

 

Loading