L'UAW arrête la grève chez Nexteer moins de 24 heures après son début

Affichant un total mépris pour les travailleurs de l'automobile, le syndicat UAW (United Auto Workers) a ordonné mardi soir la fin de la grève chez l’équipementier Nexteer, moins de 24 heures après l’avoir commencée. L'UAW International, qui a repris les négociations mardi matin, a chargé sa section 699 de faire reprendre le travail à ses 3.350 membres, sans contrat et sans aucune possibilité de voter sur la fin de la grève. 

Dimanche, les travailleurs de Nexteer avaient rejeté un accord de capitulation soutenu par l'UAW par un vote quasi unanime de 97,5 pour cent contre. Confronté à une rébellion, l'UAW a appelé à la grève mais sans intention de mobiliser les travailleurs de l'automobile pour une lutte sérieuse. Cette grève de 22 heures était une manœuvre cynique rappelant les grèves « Hollywood » bidon de l'UAW chez GM et Chrysler en 2007 ayant précédé l’acceptation du système haï des salaires à deux niveaux. 

Les travailleurs ont été informés de l’annulation de la grève par un communiqué sommaire, de pure forme, sur la page Facebook de la section 699 de l'UAW. « Plus d'informations suivront à mesure que l'information sera disponible, » pouvait-on y lire. Lors d'une conférence de presse préparée hâtivement mardi soir, le directeur régional de l'UAW Gerald Kariem a refusé de donner des détails, mais a affirmé que l'UAW était parvenu à « un accord qui satisfait les membres et améliore leur vie et leur avenir, [tout en] essayant de faire en sorte que l'entreprise soit viable. » 

Rien de ce que dit l'UAW ne peut être pris pour argent comptant. Il est fort possible qu'aucun contrat n’ait été conclu jusque-là. Tout accord aurait été dicté par les dirigeants de GM et de Nexteer. Comme la grève risquait de mener à une pénurie de composantes de direction critiques et à l'arrêt des sites produisant les véhicules les plus rentables pour GM et d'autres constructeurs, l'UAW a rapidement mis fin à la grève. 

Dans les jours prochains, les travailleurs seront soumis à une campagne conjointe de mensonges et d'intimidation de la part de l'UAW et de la société pour leur faire accepter le chantage d’un autre accord de capitulation comportant toutes les lourdes exigences figurant déjà dans l'accord initial: salaires de misère, coûts élevés des soins de santé et heures supplémentaires forcées. 

Il est impossible que les travailleurs arrachent des concessions à Nexteer avec une grève annulée avant qu'elle n'ait eu un impact significatif sur les profits du fabricant de pièces de direction et des grandes firmes automobiles. En arrêtant la grève, l'UAW cherche à ôter l'initiative des mains des travailleurs et à la donner aux sociétés. 

Dans le système de livraison à flux tendu GM, l'ancien propriétaire du complexe de Saginaw qui représente plus de la moitié du chiffre d'affaire de Nexteer, manquerait bientôt de pièces pour ses Chevrolet Silverado et ses camionnettes GMC Sierra qui se vendent très bien. On a déjà dit aux travailleurs de l'usine d'assemblage de Flint de vérifier avec le management de l'usine avant de se présenter au travail parce que l'usine était sur le point de manquer de pièces.

Lundi, les dirigeants de GM aurait tenu des réunions à Bay City, Michigan, où ils auront sans aucun doute donné à l'UAW l’instruction d’arrêter la grève. L'UAW, qui détient des milliards de dollars en actions de GM, s'est rapidement exécuté. Il craignait que si la grève commençait à avoir un impact sur les grands constructeurs, elle aurait pu devenir le catalyseur d’une relance de la lutte chez GM, Ford et Chrysler Fiat. 

L’UAW craint aussi que plus la lutte durerait, plus grande deviendrait l’influence de l’Autoworker Newsletter (Bulletin des travailleurs de l’automobile) du WSWS. Le bulletin, qui est lu par des milliers de travailleurs de l'automobile et a joué un rôle clé dans la mobilisation de l'opposition aux contrats au rabais chez GM, Ford et Chrysler, est suivi par un nombre croissant de travailleurs chez Nexteer. L'appel à la formation de comités d'usine de la base pour enlever la conduite de la lutte des mains de l'UAW et unifier la lutte de tous les travailleurs de l'automobile a été reçu très favorablement par les travailleurs présents aux piquets de grève mardi.

Les tensions de classe sont si explosives aux Etats-Unis que l’establishment patronal et politique, dont l’appareil de l’UAW, ne peut permettre la moindre expression d'opposition de la part de la classe ouvrière. CBS News a traité la grève chez Nexteer comme l'éruption d’un « mouvement social » au Michigan, bien conscient de la profonde colère de la classe ouvrière contre les attaques incessantes sur les emplois et le niveau de vie alors que la vie n'a jamais aussi bonne pour les super-riches.

Comme l’a dit un ouvrier de Nexteer à l’Autoworker Newsletter, «Les travailleurs ne peuvent se faire entendre avant d’avoir obtenu un impact majeur. Beaucoup de gens auraient suivi notre exemple. La seule façon pour que les choses changent, c’est de nous faire entendre. Mais la grève a été annulée avant que nous puissions avoir cet impact ».

Une fois de plus, l'UAW a démontré qu'il fonctionnait en police industrielle des entreprises et du gouvernement. Allié au gouvernement Obama dont la principale politique économique est de sabrer les salaires et de faire porter le coût des soins de santé et des retraites aux travailleurs, l'UAW cherche par tous les moyens à battre la résistance des travailleurs aux salaires de misère et au retour à l'esclavage industriel.

Aucune organisation représentant vraiment les travailleurs ne leur demanderait de se mettre en grève pour leur ordonner dans la foulée de reprendre le travail comme à des marionnettes. Si un tel étalage de trahison abjecte est rare, ce coup de poignard est tout à fait conforme à ce qu’a fait l'UAW au cours de la lutte chez Nexteer et chez les trois grands producteurs automobiles.

Tant le «non» massif que la volonté de lutte des travailleurs de Nexteer continuaient et s’appuyaient sur la colère et l'opposition profondes des travailleurs des trois principaux constructeurs, de John Deere et Kohler, et des travailleurs partout aux Etats-Unis et dans le monde.

L'UAW a agi délibérément et avec système ces derniers mois pour vaincre cette opposition par la menace, le mensonge et la fraude. Chez Fiat Chrysler, les travailleurs ont voté contre le premier accord au rabais. L'UAW a alors lancé un « préavis de grève » bidon avant de le retirer à la dernière minute, annonçant un nouvel accord et forçant son passage avec l’aide d’un cabinet de relations publiques. Chez GM, l'opposition de masse, exprimée par le «non» des travailleurs qualifiés, a tout simplement été ignoré par l'UAW qui a décidé de ratifier l'accord en violation de ses propres statuts.

Et pour finir, chez Ford, l'UAW a eu recours au bourrage pur et simple des urnes pour obtenir un « oui » miraculeux de 51 pour cent juste au moment où l’accord allait à la défaite.

L'expérience des derniers mois a prouvé que rien ne peut être accompli dans le cadre de cette organisation patronale-syndicale qu'est l’UAW. La voie à suivre pour les travailleurs est de développer de nouvelles formes démocratiques d’autoreprésentation, dont des comités d'usine s’appuyant sur les méthodes de la lutte des classes et pas sur la collaboration avec les entreprises et les politiciens du grand patronat.

L’Autoworker Newsletter du WSWS appelle les travailleurs de Nexteer à organiser immédiatement leurs propres réunions dirigées par des ouvriers de la base, à lancer une campagne pour vaincre cette deuxième capitulation et à lancer un appel aux travailleurs de GM, Ford et Fiat Chrysler pour une véritable lutte contre les géants de l'automobile et leurs agents de l'UAW. Si une lutte doit être menée, tout dépend de l'initiative indépendante des travailleurs.

(Article paru en anglais le 9 décembre 2015)

 

 

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