Allemagne: Die Linke vote pour les mesures d’austérité en Grèce

Le groupe de Die Linke (La Gauche) au parlement allemand a voté vendredi – aux côtés des Verts et des représentants des partis gouvernementaux – en faveur de la soi-disant « aide de stabilité » pour la Grèce. Un vote d’essai avait eu lieu mardi, lors duquel 29 députés de Die Linke avaient voté « oui », quatre « non » et 13 s’étaient abstenus. Hier, le chiffre des voix contre et celui des abstentions avait encore baissé.

Jusque-là, Die Linke avait toujours voté contre les « plans d’aide » à la Grèce. Le parti se fondait sur le fait que les mesures d’austérité exigées en contrepartie des plans de renflouement aggravaient la crise sociale et économique en Grèce et que la troïka, qui supervisait ces programmes, ne disposait d’aucune légitimité démocratique.

Ceci s’applique aussi à la prolongation de quatre mois du « plan d’aide » qui faisait l’objet du vote parlementaire d’hier. Dans la liste des mesures d’austérité envoyée à Bruxelles, le nouveau gouvernement d’Alexis Tsipras s’engage à accepter et à mettre en œuvre « de nombreuses demandes que les gouvernements antérieurs avaient toujours rejetées, » a rapporté le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung.

Comme avant, les prêts ne seront prolongés que lorsque les experts des « institutions » – comme s’appelle maintenant la troïka, (Commission européenne, FMI et BCE) – auront confirmé que toutes les mesures d’austérité exigées par l’UE ont bien été mises en œuvre.

Une seule chose a changé: ce n’est ni le parti conservateur Nouvelle Démocratie (Nea Dimokratia, ND) ni le PASOK social-démocrate qui gouvernent la Grèce, mais Syriza, le parti frère de Die Linke.

En votant pour l’extension du plan d’aide, Die Linke non seulement légitime la troïka et soutient les attaques contre la classe ouvrière grecque, mais le parti se déclare également prêt à accomplir la même tâche en Allemagne. Le fait même que tous les partis parlementaires s’entendent sur des questions aussi importantes et qu’il n’existe aucune opposition – même nominale – est un clair indice que les partis traditionnels réagissent à l’accroissement des tensions sociales en serrant les rangs autour d’une politique d’agression de la classe ouvrière.

D’influents représentants de Die Linke ont fait des pieds et des mains pour justifier la capitulation du gouvernement Tsipras qui en moins de quatre semaines a répudié toutes ses promesses électorales.

Le président du groupe parlementaire, Gregor Gysi, a explicitement salué la liste grecque des mesures d’austérité adoptée en étroite coordination avec le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, et le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble.

Dans un communiqué de presse, Gysi a dit que le « programme de réforme soumis par la Grèce » indiquait « la première sortie de la logique des coupes sociales et de l’appauvrissement des précédents programmes d’austérité. » Tout en sachant qu’il n’en était rien, Gysi a affirmé que « les conséquences sociales et humanitaires les plus dévastatrices sont en voie d’être corrigées. »

Gysi a attaché beaucoup d’importance à l’idée que seule la politique du nouveau gouvernement grec et celle de ses partenaires politiques en Europe pouvait garantir « que ces pays seront du tout en mesure de rembourser leurs dettes. »

Fabio De Masi, député de Die Linke au parlement européen, a souligné que la capitulation de Syriza soulagerait le Trésor allemand. « Dans le cas d’une sortie incontrôlée de la Grèce, l’argent des contribuables allemands serait perdu, » a-t-il écrit dans un communiqué de presse. Il a fait l’éloge du gouvernement Tsipras comme étant le « premier gouvernement à Athènes à s’intéresser à une stabilité des finances de l’Etat. »

Le directeur fédéral de Die Linke, Matthias Höhn, a dit que l’Europe pouvait « d’ores et déjà remercier le nouveau gouvernement grec ». Il a dit être convaincu que les débats et les décisions de ces dernières semaines changeraient la politique européenne.

La vice-présidente du groupe parlementaire de Die Linke, Sahra Wagenknecht, a écrit sur le site Internet du groupe de Die Linke, « Syriza a remporté des succès remarquables ces dernières semaines. »

Elle a admis que le nouveau gouvernement devrait d’abord sacrifier « quelques promesses électorales » et ne pourrait pas « fournir d’argent pour la mise en œuvre de son programme. » Néanmoins, « la lutte contre la politique européenne de coupes sociales et de privatisation » n’est « pas perdue avec l’extension du plan d’aide, elle vient seulement de commencer ! »

Tout comme De Masi, Wagenknecht a plaidé en faveur de la politique de Syriza en invoquant « l’argent des contribuables allemands ». Elle a affirmé qu’une sortie grecque de la zone euro et un retour à une monnaie nationale plus faible, la drachme, auraient de graves répercussions.

« Nous pourrons alors récupérer en drachmes l’ensemble des 60 milliards d’euros d’argent des contribuables que l’Allemagne y a investi – et alors l’argent aura pratiquement disparu. Nous aurons stupidement gaspillé tout l’argent des contribuables, » a-t-elle dit à la chaîne de télévision Phoenix.

Il serait naïf et dangereux de croire que Die Linke tente simplement de tirer le meilleur parti d’une mauvaise situation et de minimiser la capitulation de son parti frère grec. En réalité, Die Linke est tout aussi déterminé que Syriza à défendre le capitalisme et ses institutions nationales et européennes, y compris l’Union européenne et l’euro.

Ce parti ne représente pas les intérêts de la classe ouvrière mais ceux de couches aisées de la classe moyenne et de secteurs de l’ancienne bureaucratie de la RDA (République démocratique allemande) qui se sont vus lésés lors de la réunification de l’Allemagne et qui réclament maintenant un accès aux râteliers et aux privilèges du pouvoir.

Die Linke et son prédécesseur, le Parti du socialisme démocratique (PDS), ont déjà prouvé ce dont ils étaient capables. Le PDS et Die Linke, qui de 2002 à 2011 avaient dirigé ensemble le Sénat de Berlin en coalition avec le Parti social-démocrate allemand (SPD), avaient joué un rôle de pionnier dans la destruction des emplois, la réduction des salaires dans le secteur public et la réalisation de coupes dans l’éducation et les programmes sociaux.

De par sa défense et sa justification de la capitulation de Syriza, Die Linke manifeste sa volonté de remplir une tâche identique au niveau de toute l’Allemagne.

(Article original paru le 26 février 2015)

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