Une mairie française refuse d'enterrer un bébé Rom

Le soir de Noël, Maria Francesca est décédée du syndrome de « mort subite de nourrisson » à l'âge de deux mois et demi. Elle résidait avec sa famille dans un campement de Roms à Champlan dans l'Essonne, près de Paris.

Quand Julien Guenzi, le gérant des pompes funèbres, a demandé au nom de la famille l'autorisation d'enterrer le nourrisson au cimetière municipal, il a reçu un coup de téléphone d'un employé de la mairie rejetant la requête sans « aucune explication », selon M. Guenzi.

Le maire de Champlan, Christian Leclerc, a expliqué au Parisien : « Nous avons peu de places disponibles ... La priorité est donnée à ceux qui paient leurs impôts locaux ».

La mère de Maria-Francesca a commenté, « On rajoute de la douleur à notre deuil ». Maria Francesca sera inhumée à Wissous, une commune avoisinante.

Si l'indignation des masses face à la décision horrible et cruelle de la mairie de Champlan est entièrement justifiée, le tollé politico-médiatique qui s'est ensuivi est d'une hypocrisie répugnante. La décision à Champlan est le produit d'un climat d'extrême-droite entretenu par l'ensemble de la classe politique française, qui incite la haine contre les Roms depuis 2010 pour justifier une politique d'épurer la France de l'ethnie Rom et d'en faire les boucs émissaires de la crise sociale.

Ceux qui ont le plus dénoncé et stigmatisé les Roms s'efforcent maintenant de critiquer bruyamment les préjugés anti-Roms qu'ils ont eux-mêmes attisés. Ainsi, le premier ministre Manuel Valls a déclaré sur Twitter : « Refuser la sépulture à un enfant en raison de son origine : une injure à sa mémoire, une injure à ce qu'est la France ».

En fait, la persécution ethnique est un principe affiché et défendu dans la France du Parti socialiste, qui mène contre les Roms une politique de déportation qui constitute une attaque frontale contre les principes démocratiques.

En tant que ministre PS de l'Intérieur, Valls a fait de la persécution ethnique des Roms son cheval de bataille politique depuis le début de la présidence de Hollande. « Les Roms ont vocation à retourner en Roumanie ou à y rester » a-t-il déclaré le 24 septembre 2013. Le lendemain, il confirmait sa préférence pour le départ des Roms de France : « Je n’ai rien à corriger, mes propos ne choquent que ceux qui ne connaissent pas le dossier ».

Valls a fait expulser de force 19.380 Roms de France cette année-là, contre 9.404 en 2012, la dernière année de la présidence de Sarkozy. Il a aussi continué la politique de Sarkozy de mettre à sac les campements des Roms pour les pousser à quitter la France.

Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, député UMP et porte-parole de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, elle a récemment traité l'attitude de la mairie de Champlan de « pitoyable, indéfendable, injustifiable ».

Par contre, Kosciusko-Morizet a très bien su défendre et justifier le bilan de Nicolas Sarkozy, dont la politique ultra-sécuritaire, visant à la fois à mater les tensions sociales et à fidéliser une couche de l'électorat FN, a inauguré la persécution française des Roms au 21e siècle.

Dans un article intitulé « Retour à Vichy », le WSWS a commenté ainsi les méthodes de plus en plus néo-fascistes de la bourgeoisie et la nécessité d'une mobilisation du prolétariat européen contre le capitalisme : « La politique et les méthodes que la population avait espéré voir une fois pour toutes disparaître avec les années 1930 et 1940 sont en train d'être ravivées par la bourgeoisie européenne qui cherche à gérer les conséquences de la crise économique mondiale. Il n’y a pas d’exemple plus évident que la déportation de masse des Roms, une population jadis ciblée par les nazis pour l’extermination. Les nazis et leurs collaborateurs tuèrent entre 250.000 et 500.000 Roms. Les autorités collaborationnistes françaises de Vichy avaient raflé les communautés roms et enfermé leurs habitants dans des camps d’internement tels Jargeau, près d’Orléans ».

En 2010, en France, de larges sections de la presse bien-pensante et les partis de pseudo-gauche tels le Nouveau parti anti-capitaliste (NPA) préparaient tous leur soutien plus ou moins ouvert à la campagne présidentielle du PS en 2012. Dans ce contexte, ils faisaient encore des critiques tactiques contre les méthodes sécuritaires et racistes déployées par l'IUMP contre les Roms, craignant qu'elles provoqueraient un mouvement politique d'opposition de la classe ouvrière.

S'inquiétant du fait que l'analogie avec Vichy ne relevait « plus de l'anachronisme » et que Sarkozy franchissait donc « une nouvelle étape, lourde de menaces pour la paix sociale en France et pour l'image du pays », Le Monde a attaqué « la volonté présidentielle de ciblage ethnique ... Il suffit de remplacer 'Roms' par n'importe quel adjectif désignant une origine ou une religion pour saisir ce qui est en cause ».

Ces critiques hypocrites se sont vite estompées quand le candidat PS victorieux, François Hollande, a dit lors de la campagne présidentielle de 2012 qu'il comptait enfermer les Roms non-citoyens français dans des camps. Ceci n'a pas empêché Le Monde de soutenir Hollande et la pseudo-gauche de donner une consigne de vote pour Hollande à peine masquée au second tour. Réfutant les déclarations cyniques du NPA, qui prétendait que Hollande tournait la page à la droite et que l'on pourrait « arracher » davantage d'avancées sociales sous le PS, Hollande n'a fait qu'accélerer les attaques, contre les Roms comme contre la classe ouvrière.

La presse et la pseudo-gauche se sont ainsi ralliées silencieusement au ciblage ethnique des Roms par Hollande qu'ils avaient traité de fasciste sous Sarkozy. C'est parce que ces forces suppriment l'opposition des masses ouvrières que le PS peut continuer ses attaques et que le FN peut avancer rapidement dans les médias, s'installant sans contestation en tant qu'élément du paysage de la politique bourgeoise.

Dans la frénésie des expulsions organisées en 2013 par Valls, les forces de l'ordre ont provoqué un scandale en stoppant un transport d'enfants pour enlever et déporter une écolière Rom de 15 ans, Leonarda Dibrani. Une série de manifestations de lycéens contre l'expulsion de Leonarda a rapidement exposé la profonde opposition populaire à la politique d'extrême-droite menée par le PS.

Le WSWS a écrit que l'arrestation de Leonarda et le mouvement des lycéens révélaient « le gouffre qui existe entre tous les partis de l’establishment politique et les sentiments ressentis par la grande majorité de la population. Des masses de gens rejettent la politique anti-immigration du ministre de l’Intérieur Manuel Valls qui a dit être d’avis que tous les Roms devraient quitter la France pour aller en Europe de l’Est ».

Ce gouffre, comme la colère populaire contre la persécution des Roms à Champlan, expose l'absence de tout soutien social réel pour la montée du populisme et du néo-fascisme. L'opposition perce même parmi des couches sociales qui auront pu voter pour le FN.

Ceci signale que l'époque qui s'ouvre est celle d'une crise révolutionnaire dans laquelle la classe ouvrière émerge en tant que défenseur des droits démocratiques, contre une classe capitaliste et un establishment politique de plus en plus ouvertement dictatoriaux.

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