Israël exonère ses forces armées de crimes de guerre

L'enquête officielle d'Israël sur l'invasion meurtrière de la bande de Gaza l'année dernière a conclu de manière prévisible que la Force de défense d'Israël (IDF) n'a pas enfreint la loi israélienne ou internationale. Aucune accusations criminelles ni mesures disciplinaires ne viseront ceux qui ont mené des frappes aériennes contre des civils en recevant les condamnations du monde entier. 

Le rapport de 250 pages publié par le ministère des Affaires étrangères d’Israël soutient que les mains d’Israël étaient propres, et que c’était le Hamas, le groupe militant palestinien qui gouverne la bande de Gaza, qui était responsable d’une grande partie des victimes civiles, parce que ses combattants étaient installés dans des maisons palestiniennes, des écoles, des mosquées ou des bâtiments des Nations Unies. 

Le ministère des affaires étrangères a également publié un rapport, une première pour l'armée israélienne, montrant une répartition du nombre de Palestiniens tués pendant cette guerre de 50 jours. Il affirme que 2125 Palestiniens ont été tués, dont 761 civils (36 pour cent), comprenant 369 enfants et 284 femmes. Ces chiffres sont beaucoup plus faibles que les estimations de l'ONU et d’autres sources crédibles qui mettent le nombre de civils tués à 1483 sur un total de 2205, dont 521 enfants et 283 femmes. En février dernier, le Hamas a déclaré à l'Associated Press que 400 de ses combattants avaient été tués, un chiffre bien inférieur à celui de l'IDF. 

Les rapports proviennent d’un certain nombre d’enquêtes menées par Israël pour se disculper et contester des enquêtes de la Cour pénale internationale ou des Nations Unies sur d’éventuels crimes de guerre, car celles-ci n’enquêteront pas si Israël mène ses propres enquêtes criminelles. La police militaire, sur instructions du Bureau du procureur général militaire, a lancé 13 enquêtes criminelles, en classant neuf sous prétexte qu'il n'y avait aucune preuve d'actes répréhensibles. L'armée a également ouvert des enquêtes sur 85 plaintes à propos d'« incidents exceptionnels. » 

Le choix du moment de la publication du rapport, qui affirme que l’armée israélienne avait mené une guerre défensive morale conforme au droit international et l’exonère de toute responsabilité pour les pertes civiles, n’est pas accidentel. Il intervient quelques jours avant la publication attendue des conclusions de l’enquête du Conseil des droits de l'homme (HCR) de l’ONU, à laquelle Israël a refusé de coopérer. Ces résultats vont à leur tour former la base de toute enquête de la Cour pénale internationale (CPI) saisie par les Palestiniens sur d’éventuels crimes de guerre. 

Fondamentalement, dans la mesure où Israël considère tout à fait légitime la pratique de viser des habitations civiles, des bâtiments et des infrastructures ainsi que le carnage qui en résulte, cela signifie que ces pratiques deviendront la routine de ses guerres contre les Palestiniens et dans toute la région. Le consentement tacite de l’impérialisme américain et de ses alliés européens à une telle barbarie signifie que leurs guerres aussi cibleront les infrastructures civiles, conduisant au massacre systématique de peuples sans défense. 

La semaine dernière, le procureur général de l’armée israélienne a publié un autre rapport qui lave l’IDF de sa responsabilité pour l’un des meurtres les plus flagrants de la guerre de Gaza : une attaque de missile qui a tué quatre enfants et blessé un certain nombre d’autres qui jouaient sur ​​la plage de Gaza. Le bureau du procureur a dit que ce n’était qu’un « accident tragique » qui avait touché un camp militaire du Hamas. Cela a été contredit par des témoins oculaires, dont les journalistes internationaux, qui ont décrit le bâtiment ciblé comme une petite cabane de pêcheur délabrée, sans présence de militants. 

Le Procureur général militaire a ordonné une enquête criminelle quelque cinq mois après l’incident, en déclarant : « Il y a des indices raisonnables laissant croire que l’attaque ne fut pas menée en conformité avec les règles qui incombent aux forces de Tsahal ». 

De toute évidence, tuer de jeunes enfants est entièrement en conformité avec les règles de l’armée israélienne. 

Israël et ses soutiens déploient beaucoup d’efforts pour contrer toute critique de sa conduite envers les Palestiniens. La semaine dernière, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon a succombé à la pression et a enlevé Israël de la liste noire des forces armées officielles accusées de violations graves des droits de l'enfant. Selon les responsables de l'ONU, Leila Zerrougui, l’envoyée spéciale de l'ONU pour les enfants dans les conflits armés, avait recommandé qu'Israël et le Hamas soient placés sur sa liste annuelle des « noms de la honte » des états et autres organisations qui recrutent, utilisent, tuent, mutilent ou commettent des actes de violence sexuelle contre les enfants, en citant la guerre de Gaza comme étant particulièrement préoccupante. 

Si Israël y avait figuré, il aurait rejoint des forces non étatiques telles que l’État islamique, Boko Haram et les Talibans en tant qu’auteur d’infractions graves aux droits de l’enfant.

Un autre rapport intitulé Fragmented Lives (Les vies fragmentées) du Bureau des Nations Unies pour la coordination des Affaires humanitaires (OCHA) a révélé qu’Israël a tué plus de Palestiniens en 2014 qu’à tout autre moment depuis la guerre de 1967 : 2314 Palestiniens ont été tués et 17 125 blessés en 2014, contre 39 morts et 3964 blessés en 2013. Si la plupart se sont produits au cours de la guerre de Gaza, il y a eu aussi une forte augmentation du nombre de tués en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, où 58 Palestiniens ont été tués et 6028 blessés. Ce fut le plus grand nombre de décès depuis 2007 et le plus grand nombre de blessures depuis 2005. 

Les forces de sécurité d’Israël utilisent de plus en plus des balles réelles, ce qui a causé presque tous les décès et 18 pour cent des blessures. Le rapport a noté que les incidents où les violences des colons font des morts et des blessés palestiniens avaient également augmenté. Les autorités israéliennes ont maintenu en détention administrative jusqu’à 24 pour cent de Palestiniens de plus en 2014 qu'en 2013. 

Les tentatives de l’élite dirigeante de blanchir ses crimes sont en contraste frappant avec les rapports de certains de ses propres soldats et des groupes de défense des droits de l’homme. En mai, le groupe Briser le Silence, un groupe de soldats israéliens, a publié un rapport montrant comment les règles d’engagement laxistes d’Israël combinées aux tirs d'artillerie aveugles ont été un facteur majeur du grand nombre de victimes civiles et des destructions massives causées par la guerre de l'été dernier contre Gaza. 

Le groupe des droits de l'homme Semelle avait déjà publié une enquête sur 70 frappes aériennes d'Israël sur des maisons à Gaza qui ont tué 606 personnes, dont 93 enfants de moins de cinq ans. Il a accusé Israël de violer le droit international humanitaire, et visait particulièrement la responsabilité des ministres, y compris le Premier ministre Benyamin Netanyahou, qui a autorisé l'attaque des maisons.

En avril dernier, suite à une enquête de l'ONU dirigée par un général britannique à la retraite, le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon a tenu Israël pour responsable du bombardement de sept sites des Nations Unies, dont cinq écoles, utilisés comme abris civils pendant la guerre. 44 Palestiniens y sont morts et 227 autres ont été blessés. Il a condamné ces attaques « comme une question de la plus haute gravité » et a insisté sur « l’inviolabilité » des locaux des Nations Unies. En cédant à de fortes pressions de Tel Aviv et de Washington, cependant, l'ONU a décidé de retarder sa publication jusqu’à ce qu’Israël ait achevé ses propres enquêtes.

 

(Article original paru en anglais le 18 juin 2015)

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