Le premier ministre du Canada appuie le régime de droite en Ukraine

Samedi dernier, le premier ministre du Canada Stephen Harper a visité la capitale de l'Ukraine, Kiev, pour réitérer l'appui d'Ottawa envers ce régime ultranationaliste et pro-occidental et la campagne des États-Unis dirigée contre la Russie.

Après s'être rendu à Kiev, Harper est ensuite allé en Allemagne au sommet du G7 où il a promis de se faire le défenseur du régime ukrainien: soit en faisant comme Washington et en exigeant le maintien des sanctions économiques, des déploiements militaires agressifs de l'OTAN et des menaces de guerre contre la Russie.

Lors d'une conférence de presse conjointe avec le président ukrainien Petro Poroshenko, Harper a déclaré: «Même si l'Ukraine n'a pas de siège au G7, je peux vous assurer M. le président que cette situation compte parmi les priorités du Canada.»

Dans une déclaration écrite publiée plus tôt, Harper avait tenté de dépeindre la Russie comme l'«agresseur». Avec la reprise des combats dans l'est de l'Ukraine, où la majorité de la population s'est rebellée contre Kiev avec l'appui de la Russie, Harper a déclaré: «Le Canada condamne sévèrement les actes d'agression de la Russie en Ukraine de l'Est et son annexion illégale de la Crimée et continuera d'être aux côtés du peuple de l'Ukraine contre la violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du pays.»

En fait, la réalité est tout le contraire. Ce sont les puissances occidentales, menées par les États-Unis et l'Allemagne, qui tentent de soustraire l'Ukraine à la sphère d'influence de la Russie et d'en faire une source de main-d’œuvre à bon marché et de ressources naturelles pour leur impérialisme ainsi qu'une zone où seront orchestrées des provocations contre la Russie. Ce sont les puissances de l'Occident, en réaction aux manœuvres prévisibles de l'élite dirigeante russe pour contrer cette menace existentielle, qui déploient des troupes près de la frontière de la Russie et des cuirassés dans la mer Noire, contrevenant à l'engagement qu'avait donné l'OTAN de ne pas stationner de forces en permanence en Europe de l'Est.

Le Canada joue depuis longtemps un rôle clé dans la campagne visant à exploiter l'Ukraine au profit de l'Occident, à isoler stratégiquement la Russie et à renverser Poutine – une campagne qui menace de provoquer une guerre totale entre des pays dotés de l'arme nucléaire

C'était la troisième visite de Harper à Kiev depuis le coup d'État de février 2014, organisé par les États-Unis et mené par des forces fascistes, qui a renversé le président élu de l'Ukraine Victor Ianoukovitch.

Le Canada participe aux déploiements de l'OTAN près de la frontière russe en envoyant des troupes et des avions de combat dans les États baltes et en Europe de l'Est et des navires de guerre dans la mer Noire. En août, 200 membres des Forces armées canadiennes seront déployés en Ukraine de l'Ouest pour former, en compagnie de forces américaines et britanniques, des unités de l'armée et de la Garde nationale de l'Ukraine.

Le Canada a appuyé à maintes reprises les demandes des États-Unis selon lesquelles leurs alliés européens devaient adopter une position plus agressive contre la Russie. À la réunion du G20 en novembre dernier, Harper avait snobé le président russe Vladimir Poutine en lui disant de «sortir de l'Ukraine», sous les éloges des médias canadiens.

À Kiev samedi dernier, Harper a annoncé que du financement et de l'équipement seraient envoyés pour une nouvelle force policière civile. Ottawa enverra aussi un contingent de policiers en Ukraine pour former cette force et conseiller ce que les médias appellent «d'autres institutions de sécurité». Cela fait probablement référence à la Garde nationale du régime de Kiev qui comprend de nombreux combattants de milices volontaires ultranationalistes et même fascistes.

Durant son voyage, Harper était accompagné de représentants du droitiste Congrès ukrainien canadien et de groupes affiliés dont Army SOS, qui fournit de l'équipement militaire et des armes à l'armée ukrainienne et à ses milices alliées.

Même si le gouvernement Harper prétend qu'il n'envoie pas d'équipement militaire létal au régime de Kiev – suivant la politique actuelle des États-Unis, de l'Union européenne et de l'OTAN – Army SOS, eux, le font, avec le soutien d'Ottawa. Grâce à son réseau de bénévoles au Canada, Army SOS a envoyé à l'armée de l'Ukraine et à ses milices alliées des uniformes, de l'équipement médical, de la technologie de surveillance dont des drones ainsi que des armes létales, dont des pièces de fusils pour tireur d'élite.

La participation des représentants d’Army SOS dans la délégation de Harper à Kiev le weekend dernier démontre le soutien que cette organisation reçoit aux plus hauts niveaux de l’État. Plus tôt cette année, deux députés conservateurs ont pris la parole lors d’un événement organisé par Army SOS à Toronto, qui avait permis d’amasser 50.000 dollars.

La veille du départ de Harper pour Kiev, le chargé d’affaires de l'Ukraine au Canada, Marko Shevchenko, a salué le rôle du Canada en affirmant que les relations de l’Ukraine avec le Canada «sont plus profondes et bien plus importantes qu’avec n’importe quel autre pays au monde».

Ce commentaire souligne les liens étroits entre le gouvernement ultranationaliste ukrainien, les conservateurs de Harper et la classe dirigeante canadienne plus généralement.

Shevchenko a salué l’aide militaire fournie par Ottawa. «Le gouvernement canadien, mené par Stephen Harper», a-t-il dit, «est le leader mondial dans l’approvisionnement de matériel non létal à l’Ukraine».

Dans un commentaire qui en dit long sur l’implication constante du Canada dans les guerres impérialistes au cours des dernières années, Shevchenko a dit que l’Ukraine allait grandement bénéficier de l’aide militaire canadienne. «Les Forces armées canadiennes ont une grande expérience dans les guerres contemporaines», a-t-il dit. «Les forces ukrainiennes n’avaient pas cette expérience jusqu’à l’an dernier.»

Les guerres dont parle Shevchenko incluent: le rôle dirigeant du Canada dans le bombardement de la Yougoslavie par l’OTAN en 1999; le déploiement de ses troupes pendant une décennie en Afghanistan; son rôle de premier plan dans le «changement de régime» de 2011 en Libye orchestré par l’OTAN; son déploiement actuel d’avions et de forces spéciales en Irak et en Syrie dans une guerre visant supposément à combattre l’EI, mais qui vise en fait à assurer l’hégémonie des États-Unis dans la plus importante région exportatrice de pétrole au monde.

Comme lors des interventions précédentes, l'appui donné au régime d’extrême droite ukrainien et la ligne agressive adoptée par le gouvernement Harper contre la Russie jouissent d’un appui massif de l’élite patronale et politique canadienne.

Jack Harris, le porte-parole en matière de défense nationale de l’Opposition officielle, le Nouveau Parti démocrate soutenu par les syndicats, a clairement exprimé l’appui de son parti pour les actions favorables de Harper à l’égard du régime de Kiev et des déploiements provocateurs de l’OTAN aux frontières de la Russie. Il a déclaré que «nous n’avons aucun problème avec ça».

Le porte-parole néo-démocrate aux affaires étrangères, Paul Dewar, est intervenu dans le débat, appelant à des sanctions supplémentaires contre la Russie en lien avec le cas de la pilote ukrainienne actuellement emprisonnée, Nadiya Savchenko. Il a ajouté: «Je veux rassurer le peuple ukrainien que de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes là pour aider le peuple d’Ukraine.»

James Bezan, le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale, Jason Kenney, a fait une référence révélatrice quant à l’intégration des activités de SOS Ukraine à celles de l’État canadien. Bezan a affirmé qu’«il y a aussi des gens là-bas qui ont fait un gros travail, comme Lenna Koszarny, qui est une Canadienne vivant en Ukraine… Elle travaille avec notre ambassadeur, Roman Waschuk… afin d’assurer… que notre équipement militaire se rende aux bonnes personnes et qu’il soit utilisé adéquatement.» Koszarny est un responsable d’Army SOS en plus d’être un membre dirigeant du Congrès ukrainien canadien.

Le débat à la Chambre des communes a aussi jeté une lumière sur l’implication directe d’Ottawa dans l’imposition brutale des mesures d’austérité aux travailleurs ukrainiens. Après avoir salué l’engagement de Poroshenko aux «importantes réformes structurelles et économiques de marché » visant à lier l’économie de l’Ukraine à l’Occident, le ministre du Commerce international, Ed Fast, s’est vanté que le Canada «joue un rôle de premier ordre dans ces réformes».

Le conseil consultatif en matière d’économie qu’a mis sur pied le président Poroshenko, poursuit Fast, «est en fait dirigé par un Canadien, M. Basil Kalymon de la Richard Ivey School of Business à la Western University».

(Article paru d'abord en anglais le 8 juin 2015)

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