Les chauffeurs de taxi bloquent Paris et Marseille pour manifester contre Uber

Près de 3.000 chauffeurs de taxi se sont mis en grève jeudi, en colère contre la casse de leur statut par l'application UberPop, interdite par décret gouvernemental en janvier.

Les CRS se sont violemment affrontés aux chauffeurs pour casser les différents blocages qu'ils avaient réalisés. L'intervention des CRS contre ceux-ci a eu lieu quelques jours après l'écrasement de la grève des marins de MyFerryLink et au milieu des fortes tensions sociales et politiques provoquées à travers l'Europe par la crise grecque. 

Les conducteurs de taxi sont hostiles à l'application UberPop, destinée aux chauffeurs non professionnels qui l'utilisent pour arrondir leurs fins de mois. Ces conducteurs improvisés ne payent pas de charges sur leurs revenus, à la différence des taxis et des VTC, qui leur reprochent des pratiques qui s'apparentent donc au travail au noir. 

Une quarantaine de chauffeurs munis de brassards jaunes a bloqué les différentes artères permettant d’accéder à la place Denfert-Rochereau à Paris, non loin des ateliers de la RATP. « UberPop est en train de casser le marché et de voler notre métier. Nous sommes au bord du gouffre, c’est notre survie qui est en jeu », a lancé un chauffeur adossé à son taxi. 

Dans le 16e arrondissement de Paris, alors que des centaines de taxis bloquaient la porte Maillot, les policiers ont lancé des bombes lacrymogènes contre les chauffeurs mobilisés. 

Courtney Love, la chanteuse et veuve du chanteur Kurt Cobain du groupe punk Nirvana, qui se trouvait à l'aéroport de Roissy ou trois terminaux furent bloqués, a utilisé l'application UberPop pour se rendre sur Paris. Son chauffeur fut sorti de force de sa voiture par des chauffeurs de taxis grévistes. Elle raconte : « Ils nous ont tendu une embuscade et pris notre chauffeur en otage. Ils frappent la voiture à coups de barre de fer ». 

Selon la presse, plusieurs chauffeurs de taxis avaient utilisé l'application UberPop pour frapper les chauffeurs d'UberPop et détériorer leurs véhicules. 

D'autres scènes d'affrontements violents se sont produits entre les CRS et les taxis à Marseille. Des heurts ont éclaté vers 16h30 selon La Provence qui rapporte que « Les CRS ont chargé pour débloquer la rue de Rome et la place castellane blessant au passage notre reporter Guillaume Ruopollo. ». Dans une vidéo postée sur le site de ce journal, on voit une cinquantaine de CRS asperger de gaz lacrymogène et frapper des chauffeurs de taxis. Des scènes similaires se sont produites dans les différentes zones bloquées par les taxis.

Ces affrontements montrent l'extrême tension qui existe entre le gouvernement PS et la population. Face à la montée de la colère sociale contre l'austérité, le PS a recours de manière systématique aux forces de l'ordre pour casser les conflits sérieux et imposer la régression sociale aux travailleurs et aux classes moyennes. 

Hollande a réagi à cette grève en attaquant les chauffeurs de taxi: « Il y a des violences qui sont inacceptables dans une démocratie, même si l'on peut comprendre qu'il y ait de l'exaspération ». Il a cependant aussi indiqué que le gouvernement cherchait à lâcher du lest sur le dossier en attaquant les chauffeurs Uber: « UberPOP doit être dissous et déclaré illégal et la saisie des véhicules devra être prononcée et effectuée ». 

Dans des conditions de crise économique, l'introduction d'applications telles qu'UberPop, l'ouverture du secteur des taxis aux VTC et la politique gouvernementale servent à attaquer les conditions de travail déjà difficiles des chauffeurs de taxi. Ceci fait partie d'un mouvement plus large pour libéraliser les professions réglementées et les ouvrir à la concurrence, comme le prévoit la Loi Macron avancée par le PS. 

Les chauffeurs de taxi, qui empruntent de larges sommes pour acheter une licence dont ils doivent répercuter le coût sur les voyageurs, souffrent d'une concurrence qui pratique des tarifs très bas. En 2009 ont été créées les Voitures de Transport avec Chauffeurs (VTC) rattachées à une entreprise qui les fera bénéficier d'une plate-forme de réservation, par exemple Uber, AlloCab, Chauffeur-privé ou encore Marcel Cab. 

Plusieurs témoignages cités dans la presse font état des difficultés quotidiennes rencontrées par les chauffeurs de taxi qui assurent tous avoir perdu de 40 à 50 pour cent de leurs revenus depuis le début de la crise. «De toute façon, même en travaillant, on ne gagne rien, se désole Mohamed, 59 ans. On se promène pour rien, ce serait mieux de rester chez soi devant la télé. Si je charge toutes les deux heures entre Gare du Nord et Gare de Lyon, ça va juste payer le gasoil.»

Daniel, 15 ans de métier, affirme gagner 1.700 euros par mois, « et en plus ça baisse. Normalement, les revenus, avec les années, ça monte, non ?» 

Fritznel, lui, est locataire de son taxi. « Mais je vais être obligé de le rendre. C’est une 308, elle est là, je la loue 135 euros par jour, plus l’essence. A la fin du mois, je gagne 500 euros, pour 16 heures de travail par jour! C’est ça le pays des droits de l’homme? Les plus souffrants, c’est nous, les locataires.». 

Un autre chauffeur affirme, «Ah, c’est sûr celui qui met 200 000 euros dans une licence, faut qu’il ait le moral.». 

L'Etat français est intervenu sur ce dossier pour tenter de limiter la diffusion de l'application UberPop. Uber, qui a d'abord fait passer UberPop pour un service de covoiturage, s'est fait taper sur les doigts par la justice française. En octobre 2014, le tribunal de Paris lui a dénié cette qualité, condamnant la start-up californienne à €100.000 d'amende. 

Le 1er janvier 2015, un décret a interdit UberPop en France. La police est donc désormais habilitée à contrôler des chauffeurs soupçonnés de travailler pour UberPop et de les sanctionner pour « travail dissimulé » et « exercice illégal d'une profession réglementée ». Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a ordonné que des contrôles soit effectués pour les chauffeurs suspectés d'utiliser UberPop. 

Ces manœuvres de l'Etat français pour attaquer les chauffeurs Uber n'ont en soi rien de progressif et ne mettront pas fin à l'oppression des chauffeurs de taxi. La seule façon d'aller de l'avant, en dernière analyse, est la nationalisation des différents services de taxis qui permettrait d'assurer un service de qualité aux voyageurs et des revenus convenables aux chauffeurs, libérés de la charge financière écrasante d'une licence.

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