L'UMP se renomme « les Républicains » à l'approche des élections de 2017

Le samedi 30 mai, l’ex-président Nicolas Sarkozy a organisé une réunion nationale à Paris pour changer officiellement le nom de l’Union de la droite pour un mouvement populaire (UMP) en Les Républicains (LR). Dans les jours précédant la réunion de Paris, les membres de l’UMP ont voté sur le changement via l’Internet ; 83 pour cent ont voté pour et 96 pour cent ont voté pour les nouveaux statuts. Cependant, moins de la moitié des membres de l’UMP a voté, et seuls les partisans de Sarkozy ont fait campagne.

Si ce changement de nom vise à donner à l’UMP un vernis démocratique, il reflète l’accélération du tournant antidémocratique de l’ensemble de l’establishment politique, symbolisée par la normalisation du Front national néo-fasciste (FN) de Marine Le Pen dans l’élite dirigeante.

Un objectif clé du changement de nom était de rendre impossible l’amalgame « UMPS » par lequel le FN dénonce à la fois l’UMP et le Parti socialiste (PS). Ce terme est devenu un symbole de la colère populaire contre les politiques réactionnaires d’austérité et de guerre avancée à la fois par l’UMP et le PS, qui sont presque impossibles à distinguer du point de vue des travailleurs.

Le Monde a cité Sarkozy : « Pas question d’utiliser le mot “parti” et encore moins un acronyme, afin d’empêcher le FN de dénoncer l’“UMPS”. “J’en ai assez des sigles qui ne veulent rien dire et permettent d’être caricaturés,” tonne l’ex-président. »

La présence croissante du FN dans les milieux de la culture et de la politique a conduit à un large débat sur la « tripolarisation » de l’établissement politique français, longtemps polarisé entre le PS et l’UMP. Le FN a fait des gains électoraux en s’appuyant sur le rejet généralisé des politiques d’austérité du premier gouvernement UMP de Nicolas Sarkozy (2007-2012) et maintenant contre le gouvernement PS du président François Hollande. Dans les dernières élections locales en France, le FN a eu plus de 30 pour cent des voix. Le changement de nom de l’UMP est une réaction tardive à ces événements.

Sarkozy a bâti ses campagnes présidentielles et sa présidence de 2007-2012 sur des appels chauvins à la loi et l’ordre en direction des électeurs du FN, pour détourner l’opposition populaire en stimulant le nationalisme et le racisme. Les autres principales factions dans l’UMP / LR, dirigées par les ex-Premiers ministres, Alain Juppé et François Fillon, proposent de leur côté une orientation vers des partis du « centre droit » comme l’Union des démocrates et indépendants (UDI), et éventuellement au-delà vers le PS.

Avec le changement de nom, Sarkozy tente de rétablir son emprise sur un parti profondément divisé. Au cours de la réunion de Paris, Juppé et Fillon ont subi des sifflements et des huées organisées par les partisans de Sarkozy quand ils montaient à la tribune.

Juppé a demandé que les primaires présidentielles de droite soient ouvertes aux partis de centre-droit comme l’UDI, sinon il n’y participera pas. « Si ce sont des primaires des Républicains, ce sera non. Il faut que ce soit des primaires de la droite et du centre... » Juppé veut un vote de « deux, trois, quatre millions de Français, comme le Parti socialiste l’avait fait » en 2011, avant les élections présidentielles de 2012. La presse spécule maintenant que Juppé pourrait se présenter comme candidat indépendant ; il a une cote de popularité de 72 pour cent dans les sondages d’opinion.

Depuis que Sarkozy a été élu le président du parti, il a maintenu une direction conjointe avec les représentants des autres tendances de l’UMP / LR, y compris Juppé et Fillon. Cependant, il y a eu beaucoup de confrontations, divisions et batailles très médiatisées dans les principaux comités du parti.

Les désaccords sur l’attitude du parti envers le FN sont devenus de plus en plus âpres au fur et à mesure que le soutien électoral du FN a augmenté. Le parti est embourbé dans d’innombrables scandales de financement et de corruption liés à la campagne de Sarkozy pour l’élection présidentielle de 2012 et à son rôle dans la guerre en Libye de 2011. (Voir aussi : les scandales autour des écoutes de l’ex-président français Sarkozy se développent)

Seulement quelques heures après la réunion de Paris, Sarkozy a annoncé un changement brusque de cap : la réorganisation des comités dirigeants afin de former une direction soudée et se préparer pour les élections présidentielles 2017. Le Monde a rapporté : « “Une refonte de l’organigramme est nécessaire,” a indiqué M. Sarkozy à un proche. “On a modifié le nom et le logo donc on ne va pas repartir avec la même équipe,” précise son entourage. »

Alors que la lutte entre factions à l’intérieur de l’UMP / LR est de plus en plus âpre, cela n’est pas lié à un plus grand soutien pour les droits démocratiques de la part de Juppé, Fillon, ou de toute autre faction de l’élite dirigeante. L’ensemble de l’élite dirigeante évolue de plus en plus vers des formes antidémocratiques de pouvoir. Le PS et l’UMP / LR ont tout deux repris des thèmes autoritaires classiquement associés au FN, y compris le nettoyage ethnique des Roms, l’interdiction de vêtements religieux musulmans comme la burqa, et la présence croissante de la police et de l’armée à travers la France.

Hollande a utilisé l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo afin de déployer des dizaines de milliers de soldats dans les rues de France. Le gouvernement a adopté des lois pour légaliser rétroactivement l’espionnage de masse illégal sur la population telle que le pratique la NSA aux États-Unis. Alors que les différentes factions de l’establishment politique affectent une posture plus démocratique en critiquant le FN, la classe dirigeante dans son ensemble est en train de bâtir l’infrastructure d’un État policier dans le dos des travailleurs.

Les divisions au sein de l’establishment politique portent de plus en plus sur la meilleure façon de présenter l’ordre du jour des banques sans provoquer une explosion de mécontentement dans la classe ouvrière. Malgré son impopularité monumentale, le président Hollande est en train d’essayer de gagner le soutien de l’élite dirigeant pour un autre mandat, en faisant valoir que si Sarkozy était réélu, il provoquerait la même colère que dans les derniers mois de son mandat de 2007 à 2012.

Dans un entretien récent, le président du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a fait valoir que : « François Hollande est plus en capacité de rassembler que Nicolas Sarkozy, ce sera sa force s’il est candidat en 2017. Il est un meilleur président pour gouverner en temps troublé que M. Sarkozy... Il a toujours tenté de trouver une voie qui ne mène ni à des mouvements sociaux ni à la sanction des marchés financiers. »

Pour Cambadélis, le mérite de Hollande par rapport à Sarkozy est qu’il travaille mieux avec les syndicats et les partis de pseudo-gauche comme le Nouveau Parti Anti-capitaliste (NPA) pour arrêter les grèves et étouffer l’opposition populaire, tout en continuant à imposer des politiques d’austérité et de guerre exigées par les marchés financiers.

(Article original paru le 5 juin 2015)

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