Les étudiants de l’Université libre de Berlin adoptent une résolution critiquant les professeurs droitistes de l’Université Humboldt

Le mois dernier, le parlement étudiant de l’Université Humboldt de Berlin avait adopté une résolution présentée par les Étudiants et jeunes internationalistes pour l’égalité sociale (EJIES) en défense du droit de critiquer le militarisme et le révisionnisme de l’histoire promu par les professeurs Herfried Münkler et Jörg Baberowski. Trois semaines plus tard, les étudiants de l’Université libre de Berlin ont exprimé leur soutien à cette résolution.

Le 2 juillet, le parlement étudiant (StuPa) de l’Université libre – la plus grande université de Berlin qui compte plus de 35.000 étudiants – a approuvé à une écrasante majorité cette résolution. Quarante-cinq membres du parlement ont voté en sa faveur et seulement trois se sont abstenus.

Le texte de la résolution est actuellement publié sur le site web de l’AStA (Allgemeiner Studierenden Auschuss, Comité général des étudiants) de l’Université libre sous le titre «Le parlement de l’Université libre de Berlin soutient à l’unanimité les critiques émises par les étudiants de l’université Humboldt concernant le professeur Münkler.»

Ce texte, qui a été voté le 11 juin par une grande majorité du parlement étudiant de l’Université Humboldt, «désapprouve» les tentatives entreprises pour censurer le blogue «Münkler-Watch» et l’EJIES pour avoir critiqué les propositions droitistes de Münkler et Baberowski. Il désigne les deux professeurs par leur nom et appelle les étudiants «à s’exprimer politiquement, à remettre en question les formes d’autorité et à s’opposer aux courants qui visent à banaliser l’histoire inhumaine de l’Allemagne, notamment pour ce qui touche le contenu de l’enseignement universitaire».

Le parlement étudiant de l’Université libre vient maintenant d’exprimer sa «solidarité» avec la résolution votée à l’Université Humboldt, en appuyant en particulier «la possibilité et la valeur primordiale d’exprimer ses points de vue sous couvert de l’anonymat».

«Concernant les critiques formulées par les étudiants de l’Université Humboldt de Berlin à l’encontre du professeur Herfried Münkler, des positions de ce dernier, de ses liens étroits avec la politique, de l’armée et des médias, ainsi que de la campagne médiatique qui s’en ait suivie contre les étudiants de l’Université Humboldt, le 34e parlement étudiant de l’Université libre a, lors de sa réunion du 2 juillet, adopté à l’unanimité une résolution exprimant sa solidarité avec les étudiants de l’Université Humboldt et souligne l’importance des critiques émises contre le travail de Münkler. »

La déclaration précise, «Le Comité général des étudiants de l’Université libre soutient ces positions et condamne tout particulièrement le comportement répressif et inacceptable adopté par l’Université Humboldt vis-à-vis des critiques émises et de ceux qui les ont formulées.»

Avant la tenue du vote à l’Université libre, une représentante de l’EJIES était intervenue devant les représentants des étudiants pour expliquer le contenu et l’importance du conflit à Humboldt.

Elle a abordé tout d’abord le contexte politique. «Début 2014, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, le gouvernement avait annoncé la fin de la retenue militaire allemande et n’a cessé depuis d’appliquer une politique étrangère agressive. Les universités jouent en cela un rôle important», a-t-elle remarqué.

À l’Université Humboldt, les professeurs Münkler et Baberowski sont des défenseurs acharnés de la nouvelle politique étrangère allemande, a-t-elle indiqué. Ils entretiennent d’étroites relations avec le gouvernement et les forces armées. Ils promeuvent publiquement leurs points de vue politiques dans des talk-shows et des entretiens radiophoniques, dans des articles de journaux et des débats en public.

Parallèlement, les professeurs s’efforcent à réécrire l’histoire, a expliqué la représentante de l’EJIES. Pendant que Münkler se concentre sur la banalisation de la responsabilité allemande dans l’éclatement de la Première Guerre mondiale, Baberowski essaie de justifier les crimes de guerre des nazis en tant que réaction légitime à la «violence bolchevique» - fidèle à la tradition de l’historien et apologiste des nazis, Ernst Nolte.

La représentante de l’EJIES a fait référence à certaines des affirmations et prises de position des deux professeurs. Münkler, par exemple, est un fervent défenseur des drones de combat. Dans son dernier livre, Macht in der Mitte [Puissance du milieu], il demande que l’Allemagne une fois de plus «assume le rôle qui est le sien» et devienne le «maître de discipline de l’Europe».

Baberowski, qui est un historien de l’Europe de l’Est, ne fait pas que soutenir Nolte, mais il minimise aussi les crimes commis par Hitler. Il est cité par l’hebdomadaire Der Spiegel disant: «Historiquement, il avait raison» et «Hitler n'était pas un psychopathe, et il n'était pas cruel.»

La porte-parole de l’EJIES a ensuite fait état de la manière dont les deux professeurs, avec l’assistance de la direction de l’université et des médias, ont cherché à étouffer toute critique des étudiants à l’égard de leurs points de vue politiques de droite. Le blogue «Münkler-Watch», où les étudiants publient et critiquent de manière anonyme les conférences des professeurs, est devenu la cible d’une campagne médiatique agressive.

«Notre groupe, l’EJIES, avait déjà été confronté à la censure et l’intimidation politiques», a-t-elle ajouté. «Nous avons régulièrement exposé, lors de réunions et dans des déclarations, que la remilitarisation de la politique étrangère allemande est étroitement liée à un virement idéologique vers la droite qui s’opère dans les universités en expliquant le rôle joué par des professeurs tels Münkler et Baberowski.»

À la fin de son intervention, la représentante de l’EJIES a exhorté le parlement étudiant à soutenir la résolution. «Il est important de défendre les droits démocratiques fondamentaux», a-t-elle dit. «Vous devez défendre le principe démocratique fondamental comme quoi les étudiants ont le droit et même le devoir de critiquer des professeurs, notamment si ceux qui mettent en avant des positions dont les conséquences politiques et leur terrible histoire sont bien connues, surtout en Allemagne.»

L’adoption à l’unanimité de la résolution par les étudiants de la deuxième université de Berlin n’est pas seulement un autre coup asséné à Münkler et Baberowski. C’est un coup porté à l’ensemble de l’élite dirigeante. Après deux guerres mondiales, les projets de la classe dirigeante allemande d’établir une fois de plus l’Allemagne comme une puissance militaire en en faisant le «maître de discipline de l’Europe» ne trouvent aucun appui au sein des gens ordinaires et se heurtent à une opposition grandissante.

(Article paru d’abord le 8 juillet 2015)

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