Alors que les marchés mondiaux chutent

La fermeture des banques aggrave la misère pour la population grecque

Lundi, les bourses ont clôturé en forte baisse en Asie, en Europe et aux Etats-Unis alors que prenait effet la fermeture d’une semaine des banques destinée à éviter l’effondrement du système bancaire grec et que les responsables de l’Union européenne (UE) multipliaient les menaces d’expulser la Grèce de la zone euro.

L’indice japonais Nikkei a chuté de 2,9 pour cent. L’indice Shanghai Composite a perdu 3,34 pour cent malgré un coup de pouce des autorités chinoises sous forme d’une réduction d’urgence des taux d’intérêt.

Les marchés européens ont chuté fortement; les valeurs bancaires furent affectées par la crainte qu’une sortie de la Grèce de la zone euro nuise aux grandes banques partout en Europe. L’indice allemand DAX a baissé de 3,56 pour cent, le CAC-40 français de 3,74 pour cent, le FTSE-MIB italien de 5,17 pour cent; en Espagne l’Ibex a chuté de 4,56 pour cent et le FTSE-100 britannique a perdu 1,97 pour cent.

Les taux d’intérêt sur la dette souveraine européenne ont augmenté bien que restant inférieurs aux taux record atteints en 2012. Le rendement des obligations à dix ans de l’Espagne et de l’Italie ont grimpé de 0,2 pour cent à 2,31 et à 2,36 pour cent respectivement. Celui du Portugal est passé de 0,3 pour cent à 3.05 pour cent.

A New York, l’indice boursier Dow Jones Industrial Average (DJIA) a perdu 350 points, une baisse de 1,95 pour cent. L’indice Nasdaq a chuté plus fortement encore perdant 2,4 pour cent.

La bourse d’Athènes a été fermée pour éviter une panique alors que des millions de Grecs connaissent le premier jour de fermeture des banques; celle-ci fut imposée pour empêcher qu’une fuite des capitaux de banques à court de liquidités ne provoque un effondrement total du secteur financier. Les retraits individuels sont limités à 60 euros par jour et de nombreux retraités n’ont pu toucher leur retraite. Les retraits en liquide pourraient être réduits à 20 euros seulement par jour.

Les banques restant fermées, les conséquences sont l’accroissement de la misère sociale et l’incertitude économique dans toute la Grèce.

« Je suis arrivé ici à 4 heures du matin parce que je devais toucher ma retraite, » a dit un retraité devant sa banque à Thessalonique. « Je n’ai pas de carte, je ne sais pas ce qui se passe, nous n’avons même pas assez d’argent pour acheter du pain. On ne sait rien. Un employé de banque est arrivé à 8 heures et nous a dit, ‘Vous n’aurez pas d’argent,’ mais à ce qu’il parait 70 filiales seront ouvertes. »

« Actuellement la limite est de 60 euros. Ensuite, ils bloqueront complètement les distributeurs de billets. Et quand nous voudrons retirer de l’argent, on nous donnera des drachmes, » a prévenu un officier de l’armée, Yiorgos Aggelopoulous, à Athènes.

« Quoiqu’il arrive, les choses ne se présentent pas bien en Grèce, » a dit une retraitée, Ionna Koufopoulou. « Nous disons à nos enfant et à nos grands-enfants de quitter le pays, d’aller à l’étranger, dans des pays plus stables et des sociétés plus égales. »

Dans l’incertitude régnant sur l’avenir de la monnaie grecque il y eut aussi des avertissements que des produits importés essentiels comme le carburant et les médicaments pourraient venir à manquer. En Crète, les stations d’essence sont vides et les grandes compagnies pharmaceutiques ont averti du danger d’une pénurie de médicaments essentiels.

« Dans le cas de figure le plus pessimiste d’un Grexit, nous croyons que l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement en médicaments pourrait être en danger, créant un risque pour la santé publique, » a écrit dans une lettre à la Commission européenne, la Fédération européenne d’Associations et d’Industries pharmaceutiques. Elle a prévenu qu’après un retour à une monnaie en drachme moins chère, les traders pourraient s’approprier les médicaments bon marché en Grèce et essayer de faire des bénéfices en les revendant à l’étranger, entraînant ainsi une pénurie en Grèce.

La crise financière et les conditions en Grèce devraient encore s’intensifier. Des responsables grecs ont confirmé hier qu’ils prévoyaient de faire défaut hier sur un prêt de 1,6 milliard d’euros au Fond monétaire international (FMI).

La crise est l’aboutissement d’une politique d’austérité réactionnaire que l’Union européenne (UE) a menée après la crise financière mondiale de 2008 et qui a drastiquement réduit le niveau de vie des travailleurs et miné les économies de toute l’Europe.

Les négociations ont échoué entre responsables grecs et de l’UE sur les mesures d’austérité à imposer en échange de fonds de renflouement de l’UE, après que le premier ministre grec Alexis Tsipras ait convoqué un référendum pour le 5 juillet sur l’approbation ou non du plan d’austérité de l’UE. Après que le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, ait été renvoyé d’une réunion des ministres des Finances de la zone euro, les responsables de l’UE ont officiellement mis fin au plan de sauvetage et menacé de forcer la Grèce hors de l’euro.

S’exprimant lundi soir à la télévision nationale, Tsipras a appelé à voter « non » au référendum en disant que ceci renforcerait sa position dans les négociations avec l’UE. Il a dit être confiant que la Grèce ne serait pas expulsée de la zone euro parce que le coût d’un Grexit serait « énorme » pour celle-ci.

Les assurances de Tsipras ne valent rien. Chaque promesse et chaque assurance qu’il a faite, tant avant et qu’après avoir été porté au pouvoir par un vote contre l’austérité, s’est transformée en poussière. Syriza n’a rien vu venir. Sa perspective de défense de l’UE et de respect du plan de renflouement tout en négociant un régime d’austérité un peu moins brutal s’est révélée être en faillite.

Entre-temps, le gouvernement mené par Syriza a imposé des millions d’euros de coupes sociales supplémentaires à la classe ouvrière grecque tout en permettant aux oligarques de sortir leur argent des banques pour le placer sur des comptes offshore dans des paradis fiscaux.

Tsipras a suggéré dans son allocution télévisée qu’en cas de vote contre lui au référendum, il démissionnerait et organiserait de nouvelles élections. « Si le peuple grec choisit de rester sous l’austérité, nous respecterons ce choix, mais nous ne pouvons pas assurer un tel mandat, » a-t-il déclaré.

La décision de Tsipras d’envisager d’abandonner le pouvoir souligne encore davantage la faillite politique de Syriza. L’appel au référendum est en soi un stratagème visant à fournir une couverture politique pour imposer davantage d’austérité exigée par l’UE.

Ce week-end, le ministre des Finances Varoufakis a reconnu que Syriza avait initialement prévu de poursuivre les négociations avec l’UE, de conclure un accord de dernière minute sur la base de concessions limitées de la part de l’UE et de faire campagne pour que la population grecque vote sur cette base en faveur du plan de l’UE. « Si le peuple grec voulait que nous apposions notre signature, nous le ferions – même si cela signifiait un remaniement ministériel ou quelque reconfiguration au niveau du gouvernement » dit-il

Cependant, face à la ligne dure adoptée par l’UE et à l’échec des négociations, Tsipras essaye d’adapter le contenu du référendum qu’il a lui-même réclamé de façon à transformer un vote « non » en une justification pour relancer de nouvelles négociations avec l’UE sur l’austérité. Les responsables européens laissent toutefois entendre qu’ils n’ont pas l’intention de faire de concessions.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a appelé à voter « oui » au référendum en Grèce et affirma de manière absurde que « le peuple grec lui tenait à cœur ». Dans un pays où 11.000 personnes se sont suicidées pour échapper à la détresse imposée par l’UE, Juncker a plaidé contre un « non » et dit au peuple grec qu’il ne fallait pas « choisir le suicide parce qu'on a peur de la mort » .

D’influents politiciens des principales économies de la zone euro ont clairement fait savoir qu’ils considéraient un « non » au référendum comme un motif d’expulser la Grèce de la zone euro. Sigmar Gabriel, le chef du Parti social-démocrate allemand, partenaire de coalition de l’Union chrétienne démocrate de la chancelière Angela Merkel, a dit qu’une victoire du « non » au référendum grec « serait une décision manifeste contre un maintien dans l’euro. »

Le président François Hollande et le premier ministre italien Matteo Renzi ont répété les propos de Gabriel et déclaré que le référendum grec ne concernait pas la politique de l’UE mais la question de savoir si la Grèce resterait dans la zone euro.

(Article original paru le 30 juin 2015)

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