Perspectives

Dans sa stratégie de domination du monde, l'armée des États-Unis vise la Russie et la Chine

Le département de la Défense des États-Unis a rendu publique mercredi sa Stratégie nationale militaire de 2015, un document de 24 pages qui résume la perspective du Pentagone pour de futures opérations militaires. La lecture du document donne froid dans le dos.

«Les futurs conflits surviendront plus rapidement, dureront plus longtemps et prendront place sur un champ de bataille beaucoup plus ardu techniquement. Ils auront des répercussions croissantes à l'intérieur des frontières des États-Unis.» Tels sont les mots de la préface du général Martin Dempsey, Chef d'état-major interarmées des États-Unis.

Le rapport se penche sur quatre pays comme cibles potentielles pour l'intervention militaire des États-Unis: la Russie, l'Iran, la Corée du Nord, et la Chine. Parmi ces pays, trois sur quatre possèdent l’arme nucléaire, et la Russie et la Chine ont les deuxième et troisième plus importantes réserves, étant seulement précédées par les États-Unis eux-mêmes.

La guerre nucléaire fait partie de la stratégie du Pentagone. L'un des passages indique: «En cas d'une attaque, l’armée des États-Unis répliquera en causant des dégâts d'une telle magnitude qu'ils obligeraient l'adversaire à cesser les hostilités ou le rendraient incapable d'autres agressions. La guerre contre un adversaire important demanderait la pleine mobilisation de tous les instruments de la force nationale ...» [c’est nous qui soulignons]

La dernière phrase suggère le retour de la conscription afin d'enrôler les effectifs nécessaires pour mener une guerre contre la Russie ou la Chine.

Le rapport commence en divisant les nations du monde en deux catégories: «La plupart des États de nos jours – menés par les États-Unis, leurs alliés et partenaires – appuient les institutions établies et les processus dédiés à la prévention de conflits, le respect de la souveraineté et l'avancement des droits de l'homme. Certains États par contre, tentent de réviser des aspects clés de l'ordre international et agissent d'une façon qui menace nos intérêts de sécurité nationale.»

Cette catégorisation des pays est absurde. Dans la poursuite de ses intérêts, Washington bafoue l'autorité d'institutions internationales et viole le droit international couramment, incluant les Conventions de Genève. En ce qui concerne «la prévention de conflits, le respect de la souveraineté et l'avancement des droits de l'homme», il faudrait demander aux peuples torturés de l'Afghanistan, de l'Irak, de la Syrie, du Yémen, de la Libye et de l'Ukraine de l'Est ce qu'ils pensent des conséquences des invasions américaines, des bombardements et des attaques de drones, les activités de subversion de la CIA et les guerres par procuration et les guerres civiles lancées et appuyées par Washington.

Le Pentagone sépare le monde en deux camps: ceux qui courbent l'échine devant les États-Unis, la puissance mondiale dominante, et ceux qui osent s'opposer, d'une façon quelconque, à l'empire américain.

La Russie «ne respecte pas la souveraineté de ses voisins et est prête à utiliser la force pour arriver à ses fins», prétend le rapport. L'Iran «poursuit l'acquisition de technologies nucléaires et de systèmes de lancement de missiles» et est un «État qui appuie le terrorisme». La Corée du Nord menace ses voisins «en tentant d’acquérir l’arme nucléaire et des systèmes de missiles balistiques». Les actions de la Chine «augmentent les tensions dans la région de l'Asie-Pacifique».

Cette hypocrisie dépasse presque l’entendement! Aucun des quatre pays accusés n'est en guerre avec quiconque, tandis que les États-Unis mènent actuellement des guerres en Afghanistan, en Irak et en Syrie, dirigent des attaques missiles de drones dans une demi-douzaine de pays et déploient des forces militaires dans plus de 100 pays à travers le monde.

Le document du Pentagone admet que, l’«On estime qu'aucune de ces nations ne désire entrer en conflit militaire direct avec les États-Unis et nos alliés.» Mais il ajoute: «Néanmoins, ils posent tous d’importants risques de sécurité ...»

Le rapport souligne indirectement le contenu de ces «risques». Il déclare, «les États-Unis sont la nation la plus puissante au monde, bénéficiant d'avantages uniques technologiques, énergétiques, en alliances et partenariats et démographiques. Par contre, ces avantages sont mis au défi.»

Le Pentagone fait l'équivalence entre la paix, la démocratie, les droits de l'homme, etc., et ce qu'il appelle «un ordre international qui suit des règles sous la direction des États-Unis». Ceci est un euphémisme pour décrire l'hégémonie impérialiste américaine sur toute la planète, où Washington détermine les règles et tout le monde doit s'y plier.

La classe dirigeante américaine est profondément consciente du fait que son pouvoir décline relativement aux puissances rivales, en particulier la Chine, et que la supériorité militaire des États-Unis est elle-même menacée par le déclin de la position économique du capitalisme américain et la croissance d'antagonismes sociaux, qui rendent le maintien d'interventions militaires outre-mer plus difficile.

Le document déclare, «Nous appuyons la montée de la Chine et l'encourageons à devenir un partenaire pour une plus grande sécurité internationale», mais il présente ensuite la stratégie des États-Unis visant à encercler le pays militairement et économiquement. Il est écrit: «[Nous] irons de l'avant avec le pivot vers la région de l'Asie-Pacifique en plaçant nos systèmes les plus avancés et en plus grand nombre sur cette scène vitale. Nous renforcerons nos alliances avec l'Australie, le Japon, la République de Corée, les Philippines, et la Thaïlande. Nous approfondirons également notre relation en matière de sécurité avec l'Inde et développerons nos partenariats avec la Nouvelle-Zélande, Singapour, l'Indonésie, la Malaisie, le Vietnam, et le Bangladesh.”

Les opérations militaires américaines de la dernière décennie visaient ce que le rapport désigne de «réseaux extrémistes violents» ou REV, le nouveau terme du Pentagone pour des groupes terroristes, incluant l'EI, Al-Qaïda, les talibans en Afghanistan et d'autres groupes islamistes à travers le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.

«Mais aujourd'hui et dans un avenir prévisible», le rapport continue, «nous devons faire plus attention aux défis posés par des acteurs étatiques». De plus, «de futurs conflits entre États pourraient s'avérer imprévisibles, coûteux, et difficiles à maîtriser».

Le rapport conclut, «Aujourd'hui, la probabilité d'une participation des États-Unis dans une guerre entre États avec une grande puissance est jugée faible, mais elle grandit. Par contre, si un tel conflit devait avoir lieu, les conséquences seraient immenses.»

Ceci est une déclaration que les perspectives d'une guerre des États-Unis avec la Chine ou la Russie augmentent, même si le résultat d'une telle guerre serait dévastateur, pour les deux pays impliqués et toute l'humanité, qui ferait face à l'extinction nucléaire.

La perspective décrite par le document du Pentagone a beau être absurde, prévoyant une guerre mondiale entre puissances nucléaires, mais son absurdité découle de conditions objectives bien réelles. C'est le résultat de la crise mondiale du système capitaliste. L'expression la plus toxique de cette crise est l'impérialisme américain qui tente de maintenir sa position de dominance mondiale à travers des moyens militaires.

La même crise, toutefois, crée les conditions pour que la classe ouvrière internationale impose sa solution, sur laquelle le destin de la civilisation humaine dépend. Cette solution est la révolution socialiste internationale.

(Article paru en anglais le 2 juillet 2015)

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