Perspectives

Parasitisme, ploutocratie et dépression économique

Sept ans depuis la crise financière de 2008, l'économie des États-Unis demeure enlisée dans la stagnation et le parasitisme financier. Cette réalité a été soulignée par la publication le mois dernier de données montrant que l'économie avait presque cessé toute croissance dans le premier trimestre de cette année, réfutant les affirmations sans cesse répétées par le gouvernement Obama selon lequel l'économie des États-Unis est en train de se rétablir.

Le ministère du Commerce américain a annoncé que le produit intérieur brut a augmenté de seulement 0,2 pour cent entre janvier et mars, chutant de 2 points de pourcentage depuis le trimestre précédent. Depuis la fin officielle de la récession en 2009, l'économie des États-Unis a augmenté à une moyenne annuelle de seulement 2,2 pour cent, comparativement à la moyenne de 3,2 pour cent durant les années 1990 et 4,2 pour cent dans les années 1950.

La stagnation économique aux États-Unis est l'un des éléments de la crise mondiale qui continue à affecter l'économie mondiale. Le mois dernier, le Fonds monétaire international a averti dans ses Perspectives de l'économie mondiale qu'il était peu probable que la croissance mondiale revienne aux taux de croissance qui existaient avant l'effondrement de 2008.

Il a averti, «la croissance potentielle dans les économies avancées demeurera probablement à des taux inférieurs à ceux d'avant la crise, et l'on prévoit à moyen terme un déclin supplémentaire dans les économies de marché émergentes». Le rapport a ajouté que, «peu après que la crise ait frappé en septembre 2008, l'activité économique s'est effondrée et, plus de six ans après la crise, la croissance est toujours plus faible que ce qui avait été prévu avant la crise.»

Le FMI a remarqué que l'investissement des entreprises est à un plancher record, bien en dessous du niveau de toute reprise économique depuis la Seconde Guerre mondiale.Ce constat provient du rapport sur la croissance économique des États-Unis du ministère du Commerce qui indique que l'investissement fixe des entreprises a chuté de 3,4 pour cent au cours du trimestre précédent.

Le marasme de l'investissement dans la production prend place pendant que les grandes sociétés détiennent la plus importante réserve de liquidités dans l'histoire: les sociétés américaines à elles seules détiennent 1,4 billion de dollars.

Au lieu d'utiliser cet argent pour investir, embaucher des travailleurs et augmenter les salaires, les grandes sociétés américaines l'utilisent pour racheter des actions, augmenter les dividendes et procéder à des fusions des et acquisitions.

General Motors, qui a réduit de 50 pour cent le salaire des nouveaux employés lors de la restructuration du secteur de l'automobile en 2009 et qui cherche à réduire les coûts de la main-d’œuvre encore plus dans la prochaine convention collective, a annoncé un programme de rachat d'actions, en utilisant ses vastes sommes accumulées de liquidités pour enrichir encore plus ses actionnaires riches.

Pendant ce temps, le géant de l'énergie Shell, qui plus tôt cette année a déjà mené une impitoyable lutte contre les travailleurs des raffineries de pétrole qui ont fait la grève pour une augmentation de salaire et des améliorations pour la sécurité au travail, a annoncé qu'il achèterait le producteur de pétrole britannique BG au prix de 70 milliards de dollars.

Cette année s'annonce comme étant l'une des plus importantes de l'histoire pour les fusions et acquisitions: des sommes records de 4,3 billions de dollars seraient disponibles pour des activités de fusion, d'après Crédit Suisse.

Parmi les fusions les plus importantes figurent celles entre les producteurs de produits alimentaires Kraft et Heinz (qui entrainera probablement la perte de 5000 emplois), Staples et Office Depot (qui causera la fermeture de 1000 magasins et la suppression de milliers de postes). RadioShack est en train de conclure un accord avec Standard General qui entrainerait la fermeture de plus de 2000 magasins et la suppression de 20.000 postes.

Les marchés boursiers ont célébré chacun de ces bains de sang corporatifs. Le mois dernier, l’indice boursier NASDAQ a éclipsé la pointe atteinte en 2000, au plus fort de la bulle informatique. Le NASDAQ a presque quadruplé depuis 2009, tandis que le Dow Jones, l’indice boursier industriel, a triplé en valeur.

En raison de la hausse fulgurante des marchés boursiers, les 400 individus les plus riches aux États-Unis ont vu leur richesse doubler depuis 2009 – l’ère d’Obama. Ils ont maintenant un avoir combiné net de 2,29 billions $, soit plus que la valeur de la production annuelle des 130 pays les plus pauvres du monde.

La richesse grandissante de l’oligarchie financière est le pendant de l’appauvrissement continuel des travailleurs. Un enfant américain sur quatre vit officiellement dans la pauvreté; un sur cinq n’a pas assez à manger; et la moitié des élèves du réseau public a accès, en raison de sa situation économique, à des repas gratuits ou à prix réduit.

L’État américain ne travaille pas pour améliorer cette inégalité grandissante, mais plutôt pour faciliter l’enrichissement continuel des aristocrates financiers et du monde des affaires.

Les institutions qui sont censées «réguler» le système financier ne font guère plus que masquer et faciliter ses crimes. Cette réalité élémentaire s’est reflétée dans l’accord conclu le mois dernier entre les États-Unis et la Deutsche Bank, dans laquelle la banque allemande a reçu une amende, qui équivaut à une tape sur les doigts, pour avoir clairement aidé à falsifier le LIBOR, le taux d’intérêt directeur mondial, pour son propre enrichissement.

Wall Street récompense généreusement le soutien et la protection qu’il reçoit des prétendus régulateurs financiers. Un bon exemple est celui de Ben Bernanke, l’homme qui en tant que président de la Réserve fédérale a supervisé le sauvetage des banques et les mesures d’ «assouplissement quantitatif» qui ont permis de transférer des billions de dollars vers les bilans financiers de Wall Street.

C’est maintenant jour de paye pour Bernanke: il a été embauché non pas par une, mais par deux institutions financières: le fonds d’investissement Citadel et Pimco, l'un des plus grands négociateurs d’obligations dans le monde. Tous deux le paieront généreusement pour services rendus.

Ces traits dominants de la vie économique dans la période actuelle ne sont pas des aberrations, mais plutôt le caractère essentiel du système capitaliste, qui a été identifié pour la première fois par Karl Marx et Friedrich Engels il y a 170 ans: des crises, la stagnation économique et des inégalités sociales toujours croissantes.

La seule façon de mettre fin à ce parasitisme et au marasme économique et d’assurer un niveau de vie décent pour tous est de rompre la camisole de force politique de l’oligarchie financière. Cela est inséparable de la lutte pour renverser le système capitaliste archaïque et parasitaire et le remplacer par le socialisme, qui représente la réorganisation rationnelle de la société dans l’intérêt de la grande majorité de la population.

(Article paru d'abord en anglais le 2 mai 2015)

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