Première publicité de la campagne de Bernie Sanders: de «révolution politique» à «réel changement»

Le 2 novembre, la campagne de Bernie Sanders a dévoilé sa première publicité vidéo de la campagne présidentielle. Le camp de Sanders rapporte avoir dépensé plus de 2 millions de dollars pour diffuser la vidéo en Iowa et dans le New Hampshire, les lieux des primaires démocrates au début de l'an prochain.

La publicité de 62 secondes est révélatrice autant pour ce qu'elle omet que pour ce qu'elle comporte. La rhétorique populiste des grands rassemblements organisés par la campagne Sanders partout dans le pays est presque entièrement absente de la publicité. La publicité ne mentionne pas les slogans de Sanders contre la «classe milliardaire» ni son appel à la «révolution politique».

Au lieu de donner à Sanders une image de «marginal» socialiste, la publicité tente de le présenter sous un jour plus conventionnel: en tant qu'ancien maire de Burlington au Vermont et membre du Congrès qui a reçu les éloges des grands médias tels que les magazines Newsweek et Time.

Le gros de la publicité montre Sanders sous un angle familial et personnel, le présentant comme un homme de famille de milieu modeste qui est devenu un politicien accompli. «Bernie Sanders. Époux. Père. Grand-père. Un leader honnête – construire un mouvement avec vous pour nous donner un avenir en lequel nous pouvons croire», accentue le narrateur à la fin de la publicité qui montre des portraits de famille de Sanders. Considérant l'esprit général de la publicité, elle ne serait pas déplacée dans n'importe quelle campagne primaire menée par l'un ou l'autre des partis de la grande entreprise.

Au point culminant de la publicité, Sanders s'adresse à une foule lors d'un rassemblement de masse qui avait eu lieu précédemment: «Les gens n'en peuvent plus de la politique officielle et ils veulent un réel changement!» Le slogan «réel changement» est répété dans le titre de la version YouTube de la publicité mise en ligne par la campagne Sanders.

Ce slogan de «réel changement» est manifestement une reprise du slogan de «changement» d'Obama de 2008 comme beaucoup de commentateurs dans les médias l'ont noté. L'usage courant de ce slogan d'un seul mot vague, ainsi qu’«espoir» et «oui, nous le pouvons», avait été conçu pour lui donner une apparence de réformateur «progressiste» tout en ne l’engageant à absolument rien.

Ces phrases n'ont pas empêché le candidat Obama, une fois élu, d'être à la tête du plus grand transfert de richesse des pauvres vers les riches dans l'histoire des États-Unis, d'augmenter fortement les pouvoirs répressifs de l'appareil d'État, de continuer la guerre en Afghanistan et de lancer de nouvelles guerres en Libye, en Syrie et encore en Irak, et de lancer les États-Unis sur une trajectoire où une confrontation est inévitable avec les puissances nucléaires que sont la Russie et la Chine.

Le recyclage des vieux mensonges de la campagne d'Obama, rassurant implicitement le spectateur que cette fois-ci, c'est «pour vrai», en dit plus sur la campagne de Sanders que ce qui était probablement voulu. Il démontre une fois de plus la réelle fonction de Sanders dans la campagne électorale de 2016: garder l'aliénation grandissante et le dégoût envers les deux partis de la grande entreprise et le système capitaliste lui-même dans l'orbite inoffensive du Parti démocrate.

L'équipe de campagne de Sanders est composée de vétérans des sondages et campagnes pour le Parti démocrate et elle est dirigée par eux. Elle a recruté Devine Mulvey Longabaugh, une entreprise de consultation médiatique alignée sur le Parti démocrate qui a travaillé sur plusieurs campagnes dans le passé. Parmi les clients actuels et passés mentionnés sur le site web de l'entreprise, on peut citer: l'ancien vice-président et candidat démocrate à la présidence en 2000 Al Gore; l'ancien sénateur et candidat à la présidence en 2004 et actuel secrétaire d'État John Kerry; le sénateur décédé Ted Kennedy; et le banquier et ancien sénateur Jon Corzine.

La campagne sur les médias sociaux est dirigée par Revolution Messaging qui, d'après son site web, est une entreprise «dirigée par des vétérans Obama» qui a joué un rôle important dans la campagne de 2008 pour rejoindre le vote des jeunes à travers Internet. «Nous sommes enthousiastes d'avoir à nos côtés l'équipe derrière les opérations innovatrices sur les médias sociaux, les plateformes mobiles et numériques de 2008», a déclaré le conseiller de campagne Tad Devine dans un communiqué de presse au mois de mai.

Récemment, Sanders a embauché Ben Tulchin, le sondeur pour la campagne présidentielle de 2004 de l'ancien gouverneur du Vermont Howard Dean, qui avait été initialement en tête lors de la course à la nomination en utilisant l'opposition de masse à la guerre en Irak. Tout comme Sanders, Dean a servi de paratonnerre pour rediriger l'opposition sociale et politique derrière le Parti démocrate, où elle a été dissipée et étouffée.

La journée après le dévoilement de la publicité vidéo, Politico rapportait dans un article de fond que Sanders cherchait à «adoucir son image» en «abandonnant presque entièrement ses méga-rassemblements» qui ont attiré des milliers de personnes et éclipsé les foules présentes lors des rassemblements publics de tous les autres candidats des deux partis. Au lieu de cela, d'après des sources provenant de son équipe de campagne, Sanders prévoit paraître dans des émissions d'actualité et de débats, tout en «visitant des cafés et restaurants dans les États qui seront les premiers à voter».

Le fait que Sanders tente maintenant d'éviter les rassemblements de masse est absurdement présenté par les médias comme une tentative d'élargir sa base au-delà des «blancs, libéraux universitaires», comme si les minorités et les femmes étaient indifférentes aux questions telles que la pauvreté et l'inégalité. Une explication plus crédible est que Sanders et le Parti démocrate s'inquiètent que le mécontentement populaire et la radicalisation politique qu'exploite Sanders puissent échapper à son contrôle. Une autre cause est l'intérêt grandissant de cercles de la classe dirigeante en la possibilité d'utiliser Sanders pour renforcer leur système politique largement discrédité et dominé par le patronat. Il est peut-être préparé pour de plus «grandes choses».

Mardi dernier, Sanders s'est formellement déclaré un démocrate tout en s'enregistrant au scrutin pour les primaires du New Hampshire, mettant fin à la charade qu'il a perpétuée pendant plus de trois décennies. «Je suis un démocrate et devrait être sur le scrutin, je ne pense pas avoir besoin d'en dire plus», a dit Sanders. D'après MSNBC, Sanders a été accompagné au bureau du secrétaire d'État par le président du Parti démocrate, qui a promis «de surmonter tous les défis» pour ajouter Sanders au scrutin.

(Article paru d'abord en anglais le 10 novembre 2015)

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