La France prépare une refonte drastique du Code du travail

Après l’annonce, le 4 novembre, par le premier ministre Manuel Valls que la réforme controversée du Code du travail serait encore remaniée dans l’intérêt du patronat, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, a vanté la réforme dans une série d’interviews durant le week-end.

Un rapport, intitulé « Simplifier, négocier, sécuriser le Code du travail pour le 21e siècle », expose une attaque draconienne des droits fondamentaux gagnés par la classe ouvrière au cours du 20e siècle. Les mesures sont largement basées sur le rapport Combrexelle, soumis au gouvernement du Parti socialiste (PS) en septembre, et donneraient des pouvoirs étendus aux syndicats et aux employeurs pour négocier des contrats au niveau de l’entreprise qui violeraient le Code national du Travail. Cela rendrait le Code du Travail effectivement caduc.

Le document justifie les mesures prises ainsi: « Il s’agit à la fois de donner plus de place à l’accord d’entreprise, lieu le plus proche du terrain, et de renforcer le rôle de la négociation au niveau de la branche... Cela correspond à l’objectif du gouvernement des trois dernières années de renforcer le rôle des partenaires sociaux », à savoir les syndicats et la direction.

Une réduction du nombre de branches professionnelles ou de groupes d’industrie de 700 à 200 donnerait également plus de pouvoirs aux syndicats et aux patrons pour réécrire les contrats existants. Après une consultation ministère du Travail-patrons-syndicats, un projet de loi sera présenté au début de l’an prochain sur l’adaptation des heures de travail aux exigences de l’entreprise, qui doit être adopté à la mi-2016.

Le rapport dit encore : « Il est nécessaire de repenser la manière dont la société protège ses salariés tout en redonnant confiance aux entreprises dans leur capacité à s’adapter pour investir et créer de l’emploi. »

En fait, les responsables du Parti socialiste (PS) comme la presse ont clairement dit que les employeurs et une bureaucratie syndicale corrompue court-circuiteraient les protections offertes par le Code du travail et imposeraient aux travailleurs tout ce qu’on leur laisserait imposer.

Manuel Valls, qui s’est vanté à maintes reprises de la dévotion du PS aux besoins du patronat, a salué la réforme du Code du travail comme une « révolution ». Il a décrit la façon dont une entreprise pouvait l’utiliser pour se soustraire à la loi qui fixe techniquement la semaine de travail à 35 heures.

Il a dit: « Imaginez une entreprise souhaitant lancer un nouveau produit nécessitant de faire travailler ses équipes 48 h par semaine pendant douze semaines. Aujourd’hui, c’est impossible, sauf à être dans un secteur très spécifique et avec l’autorisation de l’Administration. Demain, si un accord d’entreprise le prévoyait, cela serait possible. »

La réforme du Code du travail suit la mise en œuvre, depuis 2012, par le PS de mesures d’austérité radicales et de réformes pro-business qui ont sapé le niveau de vie des travailleurs et produit une flambée du chômage ces trois dernières années. En vertu du soi-disant « pacte de responsabilité », le PS a imposé plus de 50 milliards d’euros de coupes sociales et 40 milliards d’euros de coupes dans les impôts des entreprises.

Comme elle continue néanmoins d’être à la traîne sur le plan économique par rapport à ses concurrents, la classe dirigeante française voit la réforme Code du travail comme un moyen essentiel pour renforcer considérablement sa compétitivité, au détriment des travailleurs. La presse salue la réforme comme une attaque sociale à l’échelle des lois Hartz IV imposée en 2005 en Allemagne par le gouvernement social-démocrate de Gerhard Schröder ou des attaques sur les travailleurs américains et britanniques pendant l’offensive libérale des années 1980.

Le Monde a écrit : « Comme souvent, nous nous sommes mis à espérer. Avec le rapport Combrexelle, la France socialiste va s’attaquer au Code du travail. Enfin un mouvement pour combattre cette préférence nationale qu’est le chômage! Nul besoin de remonter aux combats mythiques des débuts de la révolution néolibérale: le licenciement de 11.000 aiguilleurs du ciel par Reagan en août 1981 ou l’interminable grève qui vit en mai 1985 la défaite des mineurs britanniques face à Margaret Thatcher. La France s’attaque, veut-on espérer, au sujet comme l’ont fait toutes les social-démocraties apaisées de la vieille Europe. En passant en force. Courageusement. »

Pour imposer cette mesure d’une impopularité flagrante, qui revient à une manœuvre pseudo-juridique pour violer la loi dans l’intérêt financier des super riches, la classe capitaliste dépend, contre les travailleurs, de la collaboration de la bureaucratie syndicale. Depuis les années 1980, les syndicats français ont été intégrés dans les directions et ont de plus en plus acquis la nature sociale d’une force de police de la classe moyenne dirigée contre les travailleurs.

Les syndicats cherchent à tout prix à empêcher les luttes ouvrières puisqu’ils sont majoritairement financés par l’État et la grande entreprise. Le gros de leurs finances (90 pour cent) vient des subventions des entreprises et de l’État, les cotisations des membres ne représentent elles, que 3 à 4 pour cent de leur budget. Leur dépendance financière de l’Etat et des entreprises reflète l’effondrement sur des décennies de leur base dans la classe ouvrière; aujourd’hui, seulement 7 pour cent de la force de travail française sont syndiqués.

La principale fédération patronale française (le Medef) a salué la réforme et appelé à modifier encore plus la réglementation du travail en faveur de l’entreprise. Son président Pierre Gattaz a dit, « Les annonces d’aujourd’hui vont dans le bon sens mais doivent aller plus loin. »

Tout en raillant « l’illisibilité du Code du travail et son obésité, » Gattaz a appelé à une collaboration plus étroite avec les syndicats: « Ayons enfin le courage de passer d’une culture de la méfiance et de la contrainte à une culture du dialogue et de la confiance! »

Les syndicats ont réagi positivement à ses commentaires. La Confédération française démocratique du travail (CFDT), proche du PS, a ouvertement salué la réforme, cyniquement saluée comme « un progrès social pour les salariés » qui pouvait « assurer une meilleure clarté du droit du travail pour les salariés et renforcer le dialogue social. »

La Confédération générale du travail (CGT), stalinienne, a fait quelques critiques inoffensives de la réforme qu’elle a appelée « un nouveau cadeau au Medef. » Mais la CGT a l’intention de continuer à réprimer l’opposition de classe à l’agenda social réactionnaire du PS, comme elle le fait depuis l’élection de Hollande comme président, en 2012.

Les exigences patronales sont d’ailleurs tout à fait conformes à la politique générale des syndicats. Ces dernières années, ils ont signé de nombreuses offres allongeant le temps de travail sans compensation. En 2013, ils ont signé avec le constructeur Renault un accord de réduction des effectifs, de gel des salaires et d’augmentation de 6,5 pour cent des heures de travail, qui équivalait à un don à l’entreprise de €500 millions annuels. En septembre, ils ont approuvé une semaine de travail de 39 heures payées seulement 37 heures chez Smart, une filiale de Mercedes-Daimler, à Hambach.

(Article paru d’abord en anglais le 9 novembre 2015)

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