Obama soutient un projet de loi de finances qui donne 607 milliards de dollars au Pentagone et interdit la fermeture de Guantanamo

La Maison-Blanche a indiqué mardi que le président Barack Obama va signer un projet de loi de dépenses du Pentagone qui augmente considérablement le budget de base de la machine de guerre américaine tout en interdisant la fermeture du camp de détention de la base navale de la baie de Guantánamo à Cuba, ou le transfert de ses détenus vers des installations américaines. 

Ce Projet de loi d’Autorisation de la Défense nationale (NDAA) prévoit un budget de base du Pentagone (hors dépenses des opérations actives militaires en Irak, en Afghanistan et en Syrie) de 548 milliards de dollars, plus que toute autre année depuis la fin de la Guerre froide. 

En plus du budget de base, le projet de loi de financement comprend 50,9 milliards de dollars pour les « opérations d’urgence à l’étranger », qui vont payer les interventions militaires en cours en Afghanistan, en Irak, en Syrie et ailleurs, en baisse par rapport aux 64,2 milliards du dernier exercice. Avec quelques autres petites augmentations, cela porte le total des dépenses militaires à 607 milliards de dollars pour l’exercice qui a commencé le 1er octobre.

Au cours des 15 dernières années, le budget de base du Pentagone a augmenté de 42,7 pour cent, en croissance constante depuis qu’Obama a remplacé Bush. La guerre en Irak a été réduite puis relancée, et la guerre en Afghanistan a été intensifiée et ensuite revue à la baisse.

La Maison-Blanche a indiqué que Barack Obama approuverait cette loi. « Je m’attends à ce que le président signe le NDAA quand il arrivera sur son bureau », a dit le porte-parole de la Maison-Blanche Josh Earnest lors d’une annonce à la presse.

Le budget militaire de l’exercice 2016 envoyé à la Maison-Blanche a été adopté par le Sénat des États-Unis par un vote écrasant de 91 contre 3 mardi, après l’adoption d’un projet de loi similaire par la Chambre des représentants la semaine dernière par 370 voix contre 58, permettant aux dirigeants républicains du Congrès de prétendre avoir un soutien bipartite claire pour maintenir ouvert le tristement célèbre camp de détention de Washington à l’étranger. 

Le mois dernier, Obama a opposé son veto à une version antérieure du projet de loi, citant les considérations budgétaires comme son premier souci, son second étant les réformes insuffisantes des achats militaires et l’interdiction de la fermeture de Guantánamo ne figurait qu’en troisième position. 

La direction républicaine avait tenté de maintenir les plafonds de dépenses imposés dans une mesure de réduction budgétaire de 2011 appelée « séquestration [sequester] », tout en augmentant le budget réel du Pentagone en transférant des augmentations de crédits vers une caisse noire de prévoyance des opérations à l’étranger (OCO) utilisé pour payer les interventions militaires américaines en cours outremer. 

Dans le cadre d’un accord budgétaire sur deux ans conclu entre la Maison-Blanche et le Congrès, les deux plafonds de dépenses ont été augmentés, permettant une augmentation du budget de base du Pentagone de presque 7,7 pour cent, passant de 496 milliards de dollars à 548 pour l’exercice de 2016. 

L’augmentation des dépenses militaires est la conséquence primordiale de l’acquisition de nouveaux systèmes d’armements visant à préparer la guerre contre une autre puissance majeure ; en premier lieu, la Russie et la Chine. 

Le budget prévoit $5,7 milliards pour que l’armée de l’Air achète encore 44 avions de combat F-35 multi-rôle à Lockheed Martin, poursuivant le programme d’acquisition d’armes le plus cher de l’histoire américaine. 

La marine est en passe de prendre la première place avec un programme de construction de 12 nouveaux sous-marins lance-missiles nucléaires au coût de 6 milliards de dollars chacun. Le plan global pour la construction de navires de guerre dans les 30 prochaines années présenté par la marine prévoit des dépenses supérieures de plus d’un tiers à ce qui a été dépensé au cours des 30 dernières années, avec un coût annuel estimé à plus de 20 milliards de dollars. 

Le budget du Pentagone comprend également près de 11 milliards de dollars pour le Joint Special Operations Command de l’armée, qui rassemble 71 000 combattants spéciaux déployés dans quelque 80 pays. Pour augmenter la portée de ces escadrons de tueurs, le budget prévoit des fonds pour l’achat d’une nouvelle génération de drones armés Reaper utilisés dans les « assassinats ciblés ». 

Le NDAA comprends encore 300 millions de dollars d’aide militaire au régime d’extrême-droite anti-russe en Ukraine pour la formation continue des forces de sécurité, y compris les bataillons tirés directement de forces néo-fascistes, et la fourniture de « l’assistance létale telle que les systèmes d’armes anti-blindés, des mortiers, des armes lourdes et des munitions, des lance-grenades avec munitions et des armes légères avec leurs munitions ». 

Ce qui est très significatif c’est que le projet de loi de financement du Pentagone comprend des dispositions qui transfèrent une partie importante du contrôle sur ​​les programmes et les acquisitions d’armes du ministre de la Défense aux chefs en uniforme des forces armées, érodant encore plus le contrôle civil sur l’armée. 

La hausse du budget du Pentagone est lancée dans des conditions où les dépenses militaires des États-Unis sont déjà près de trois fois plus que celles de la Chine et plus de sept fois plus que celles de la Russie. En 2015, Washington a dépensé plus pour son armée que les sept pays suivants combinés, parmi lesquels cinq sont des alliés des États-Unis. 

La seule explication pour un tel renforcement est que l’impérialisme américain se prépare à une escalade majeure de ses agressions militaires à l’échelle mondiale. 

Cette éruption du militarisme américain va de pair avec l’assaut contre ​​les principes et les droits démocratiques de base, ce qui fait des dispositions pour maintenir le camp de détention de Guantánamo un corollaire logique à la loi de finance du Pentagone. 

Les médias ont fait du battage sur le thème d’Obama confronté à une remise en cause de son « héritage » parce qu’il ne serait pas parvenu à supprimer les dispositions sur Guantánamo de la loi de financement. 

Lors de la première journée complète de son mandat, le président démocrate avait annoncé un décret promettant de fermer ce camp de détention dans l’année. Ce sera le sixième budget du Pentagone de suite qu’il a signé excluant cette fermeture. Les restrictions ont d’abord été mises en vigueur par la Chambre de représentants et le Sénat les deux contrôlés par les démocrates. 

Cette nouvelle loi interdit non seulement le transfert de prisonniers vers États-Unis, mais interdit également leur renvoi vers des pays tiers, y compris la Libye, la Syrie, le Yémen et la Somalie. 

À l’approche de la fin de son second mandat, Obama n’a toujours pas présenté un plan au Congrès pour la fermeture de Guantánamo, et il y a la spéculation qu’il pourrait émettre un executive order [décret présidentiel] qui affirmerait son pouvoir en tant que « commandant en chef » de déterminer le sort des détenus sans l’approbation du Congrès. 

Étant donné qu’Obama s’est soumis aux restrictions du Congrès depuis les sept dernières années, il est discutable que les tribunaux confirment une telle ordonnance. Les tribunaux fédéraux ont récemment bloqué son décret limitant les expulsions de sans-papiers. 

En outre, il est hautement improbable qu’Obama intervienne au sujet de Guantánamo dans la période précédant l’élection de novembre 2016. 

Il y a encore 112 détenus dans les cellules de Guantánamo. Plus de 800 hommes ont été incarcérés dans cette prison depuis son ouverture en 2001 en tant qu’installation d’outremer où les personnes enlevées par les agences militaires et de renseignement des États-Unis pouvaient être détenues arbitrairement sans inculpation ou procès et soumises à des interrogatoires sous la torture. 

Seulement dix de ceux actuellement détenus font l’objet d’accusations criminelles devant des commissions militaires. Les 102 autres n’ont jamais été inculpés, bien que certains soient détenus depuis 13 ans. Parmi eux, 53 ont fait l’objet d’une autorisation remise en liberté il y a 5 ans, la plupart des Yéménites, mais ils demeurent emprisonnés, même si Washington admet qu’ils ne constituent pas une menace. 

Parmi les autres se trouvent ceux que l’on appelle les Forever prisoners [prisonniers pour toujours], qui ne peuvent pas être poursuivis devant un tribunal civil par les États-Unis parce que les prétendues preuves contre eux ont été acquises sous la torture et par d’autres méthodes illégales. 

La proposition d’Obama est de transférer ces prisonniers dans une prison de sécurité maximale des États-Unis, en pratique un « Guantánamo du Nord ». Des propositions de sites ont été indiquées à Leavenworth, Kansas, dans le Colorado et ailleurs. 

Les affirmations d’Obama qu’un tel transfert serait en quelque sorte en cohérence avec les « valeurs » américaines sont totalement hypocrites. En réalité, il aurait pour effet d’institutionnaliser encore plus un système illégal d’emprisonnement arbitraire sur le sol américain, créant un précédent pour la détention indéfinie de citoyens américains aussi.

(Article paru le 12 novembre 2015)

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