Le bombardement de l’hôpital de MSF à Kunduz était prémédité

De nouvelles révélations des médias ont confirmé que les frappes aériennes des États-Unis contre un centre médical de Médecins Sans Frontières (MSF) à Kunduz, en Afghanistan, étaient préméditées et délibérées et constituent un crime de guerre flagrant. Ce bombardement qui s’est étendu sur près d’une heure et demie a tué au moins 22 civils, dont 12 employés de l’hôpital et 10 patients. 

Citant un ancien responsable des renseignements resté anonyme, l’Associated Press a rapporté jeudi que les analystes américains d’opérations spéciales en Afghanistan avaient collecté des renseignements sur l’hôpital les jours précédant sa destruction, le 3 octobre. Il affirme qu’ils « avaient assemblé un dossier contenant des cartes avec l’hôpital clairement marqué dessus, » soi-disant parce qu’ils croyaient qu’un agent des renseignements pakistanais était en train de coordonner les activités des talibans depuis l’intérieur de l’hôpital.

Le rapport de l’AP indique: « le renseignement suggérait que l’hôpital était utilisé comme centre de commande et de contrôle des talibans et pouvait contenir des armes lourdes. » Après l’attaque, « certains analystes américains ont estimé qu’[elle] était justifiée, » tout en concluant « que le pakistanais soupçonné d’avoir travaillé pour la direction de l’Inter-Service Intelligence de son pays avait été tué. »

Mais MSF a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’y avait ni d’hommes armés, ni armes, ni munitions dans son établissement. En outre, aucune des victimes tuées par les frappes aériennes n’a été identifiée publiquement comme pakistanaise et MSF dit qu’aucun membre du personnel de son hôpital n’était pakistanais.

Meinie Nicolai, président de la direction opérationnelle de MSF, a déclaré: « Il n’y avait que le personnel afghan et neuf membres du personnel international qui travaillaient à l’hôpital, aucun d’entre eux n’était originaire du Pakistan. Il n’y a absolument rien qui indiquait à aucun niveau, y compris au plus haut niveau, qu’un membre quelconque de notre personnel travaillait pour les renseignements pakistanais. »

Nicolai a souligné que ces nouveaux détails confirmaient « que l’hôpital a été intentionnellement ciblé, tuant au moins 22 patients et membres du personnel de MSF... Cela revient à un massacre prémédité. »

NBC News a également indiqué jeudi que « les enregistrements du cockpit révélaient que l’équipage avait effectivement demandé si le raid arien était légal » alors qu’ils effectuaient les cinq frappes à la mitrailleuse lourde. Le Daily Beast a rapporté que, lors de séances d’information classifiées au Congrès la semaine dernière, l’armée avait refusé de fournir l’audio et la vidéo de l’intérieur du cockpit, « même quand un député a demandé directement à écouter l’audio. »

Le ministère de la Défense a donné comme raison de ne pas donner accès aux enregistrements son enquête interne en cours, une indication de plus que l’armée fonctionne comme au-dessus des lois. Les enregistrements pourraient contenir un dialogue compromettant où la hiérarchie ordonne à ses pilotes qui soulèvent des questions de commettre un crime de guerre prémédité.

Dans les déclarations officielles sur le bombardement de l’hôpital, les commandants militaires américains ont changé leur histoire plusieurs fois. Pendant les trois jours qui ont suivi l’attaque, l’armée a omis d’indiquer que des civils innocents avaient été tués. Le Pentagone a refusé de reconnaître un quelconque méfait et cherché à placer le blâme sur les forces afghanes, allant même jusqu’à cacher le fait que les frappes aériennes avaient été menées par les États-Unis. Un porte-parole de l’armée américaine en Afghanistan a qualifié la destruction délibérée de l’hôpital de « dommage collatéral. »

Quelques jours plus tard, le général américain John Campbell déclarait aux journalistes que « les forces afghanes ont indiqué qu’on leur tirait dessus à partir de positions ennemies et ont demandé un soutien aérien des forces américaines... Une frappe aérienne a ensuite été appelée pour éliminer la menace des talibans et plusieurs civils ont été accidentellement frappés. »

Le lendemain, devant le Senate Armed Services Committee, Campbell a finalement reconnu la responsabilité américaine de l’attaque, déclarant: « Pour être clair, la décision... était une décision américaine faite dans la chaîne américaine de commandement. Un hôpital a été frappé par erreur. » Campbell a déclaré : « Nous ne viserions jamais intentionnellement un établissement médical protégé. »

Interrogé sur la présence de troupes américaines sur le terrain, Campbell dit, « Nous avions une unité d’opérations spéciales à proximité qui parlait à l’avion pendant qu’il effectuait les frappes. » La présidente de MSF Joanne Liu a plus tard décrit ces remarques comme l’« aveu d’un crime de guerre. »

Nicolai a contesté le récit américain ostensiblement inventé et dit à l’AP que le personnel de MSF « avait signalé une nuit calme et qu’il n’y avait ni combattants armés ni combats en cours dans ou depuis l’enceinte avant les frappes aériennes. » Les Afghans qui travaillaient à l’hôpital ont également dit à l’AP qu’aucune arme n’avait fait feu depuis l’intérieur de l’enceinte de l’hôpital.

Les dernières révélations montrent que toutes les assertions précédentes de l’administration Obama et des responsables militaires étaient des mensonges. Le ciblage délibéré d’un hôpital est un crime de guerre découlant d’une guerre prédatrice qui dure depuis quatorze ans.

Les révélations de l’AP sont arrivées le jour où Obama a annoncé que les États-Unis allaient maintenir 10.000 soldats en Afghanistan, probablement au moins jusqu’à la fin de sa présidence.

(Article paru d'abord en anglais le 16 octobre 2015)

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