L’universitaire allemand Jörg Baberowski attise la haine contre les réfugiés

Dans plusieurs articles et interviews publiés récemment, le professeur Jörg Baberowski, qui dirige le Département d’histoire d’Europe orientale à l’université Humboldt de Berlin, a plaidé en faveur d’une restriction drastique du droit d’asile. Pour ce faire, il a recouru au genre d’arguments caractéristiques des milieux d’extrême droite. Le professeur s’était précédemment fait un nom en défendant l’apologiste de Hitler Ernst Nolte et en banalisant la guerre d’anéantissement menée par le régime nazi. Actuellement, il intervient avec ses conceptions d’extrême droite dans les débats sur l’actualité politique journalière.  

Baberowski a débuté le 14 septembre par une tribune au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ). Il y a critiqué les « discours sur la ‘culture de la bienvenue’ » et vivement attaqué, par la droite, la politique du gouvernement allemand pour les réfugiés. « Bien sûr, qu’il est possible de gérer techniquement une immigration de 500.000 personnes par an, » a-t-il écrit. « Mais, voulons-nous la gérer? Personne n’a posé cette question. » 

Baberowski répond à cette question par un non clair et net. Il prétend que les immigrants issus de cultures étrangères sapent le fondement de la société. « L’intégration de plusieurs millions de personnes en un laps de temps très court perturbe la continuité de notre patrimoine traditionnel qui est garant de stabilité et de cohérence sociale. »

« Le vécu commun, ce que nous avons lu et vu ensemble, » a-t-il ajouté « forme le ciment qui avait jadis maintenu ensemble notre tissu social. »

Le racisme qui sous-tend cette hostilité envers d’autres cultures est si flagrant que même le parti fasciste NPD (Parti national démocrate allemand) en a pris note. Sa section locale de Neuruppin (Brandebourg) s’est dite d’accord avec le passage en question et l’a publié sur sa page Facebook. Dans sa dernière édition, le mensuel du NPD Deutsche Stimme (Voix allemande) a consacré un article à la défense de Baberowski contre la critique de gauche.

D’une manière typique pour l’extrême droite, Baberowski cherche à dresser les couches les plus pauvres de la société contre les immigrés. « Les secrétaires, les ouvriers du bâtiment, les mères de famille qui, dans leurs vieux jours, n’ont qu’un peu d’argent, les coiffeurs qui ne peuvent trouver d’appartement parce qu’ils ne gagnent pas assez, ne comprennent pas pourquoi le filet de la sécurité sociale doit être accessible à ceux qui n’ont pas contribué à son financement, » écrit-il, et demande : « Pourquoi un immigré obtiendrait-il gratuitement ce pour quoi ceux qui sont déjà ici ont travaillé si durement pendant des décennies ? »

Baberowski incite quasiment à la violence contre les réfugiés. Lors d’une discussion le 24 septembre sur la chaîne de télévision 3sat, il a déclaré, « Chaque fois qu’un grand nombre de gens viennent de pays étrangers et que la population ne participe pas à la résolution de tous ces problèmes, cela débouche naturellement sur de l’agression. » Selon les chiffres officiels, soixante et un incendies criminels visant des foyers de réfugiés eurent lieu dans les neufs premiers mois de cette année, plusieurs foyers étant totalement détruits. Dans ce contexte, Baberowski explique qu’« Au vu du problème que nous avons actuellement avec l’immigration en Allemagne, je pense que c’est plutôt bénin. »

La tentative de faire des réfugiés et des immigrés des boucs émissaires pour les bas salaires, les coupes sociales et le chômage constitue le répertoire habituel de l’extrême droite. Il représente une importante partie de la propagande du Front national (FN) en France, du Parti de la liberté autrichien (FPÖ), du Parti du peuple suisse (SVP) et du NPD allemand. En adoptant ces arguments, Baberowski s’identifie clairement à l’extrême droite politique.

Dans l’interview à 3sat, il a ouvertement plaidé en faveur de la construction d’un tel parti en Allemagne. Selon Baberowski, il est à noter « que dans les pays où il y a des partis qui formulent ce problème, comme en Autriche, en Suisse ou en France, la violence contre les immigrés est bien moindre. Nous devrions peut-être réfléchir au fait que cela pourrait aider si les gens avaient tout simplement un moyen de s’exprimer et de parler de ces problèmes. »

Les conclusions politiques qu’en tire Baberowski proviennent également de l’arsenal de l’extrême droite. Il appelle à l’élimination quasi-totale du droit d’asile qui fut inscrit dans la constitution allemande en réaction aux crimes du régime nazi. Baberowski affirme qu’avec le droit d’asile, l’Allemagne « renonce à sa souveraineté nationale » en laissant le soin aux « immigrants illégaux de décider qui peut entrer et qui peut rester dans le pays ». Il exige qu’on parle d’« immigrants illégaux » au lieu de « réfugiés », que l’immigration soit strictement limitée et qu’on ne laisse entrer dans le pays que ceux qui seraient utiles en rejetant tous ceux qui « ne seraient qu’un fardeau. »

Baberowski veut avant tout tenir éloigné les « analphabètes ». Avec arrogance il pose la question, « Est-ce que chaque immigrant est un enrichissement? » avant de répondre: « Quiconque jette un regard sur Duisburg-Marxloh ou sur le parc de Görlitz à Berlin-Kreutzberg, sera détrompé. »

Baberowski est parfaitement conscient qu’il avance des positions d’extrême droite bien qu’il essaye de le nier. Il dénonce furieusement tous ceux qui critiquent ses points de vue réactionnaires ou veulent seulement défendre des principes moraux et la solidarité. Il s’en prend avec grossièreté à ses ennemis mais se présente lui-même comme la victime d’une campagne. Là aussi il emploie les méthodes de l’extrême droite qui insiste en permanence pour dire qu’elle s’exprime pour le peuple, la majorité des gens, la raison, et que pour cela on la réprime. La formule « on a encore le droit de dire ce qu’on pense » est le refrain de toutes les tirades racistes de l’extrême droite.

Dans un article paru le 27 septembre dans le Neue Zürcher Zeitung (NZZ), Baberowski décrit l’Allemagne comme une « république vertueuse » où quiconque viole la convention « est banni dans une Allemagne des ténèbres. » Il dit, « La sagesse et la rationalité sont interdites dans le royaume des prêcheurs de morale que les médias ont fait de l’Allemagne. Quiconque renvoie au bon sens risque d’être marginalisé et frappé d’ostracisme. »

Venant de Baberowski, cette accusation est absurde. Le professeur de l’université Humboldt a non seulement à sa disposition une importante chaire professorale jouissant de financements externes, il est aussi un habitué des « talk-shows », des tables de discussion, des journaux et des chaînes de télévision. Ses livres sont largement médiatisés. Personne ne l’a empêché de propager ses vues réactionnaires.

En même temps, Baberowski est connu pour exclure ses critiques de réunions publiques et de museler ceux qui le contestent. L’été dernier, il avait réagi aux critiques émises par des étudiants en exigeant que l’université exclue de tels « cinglés » de son enceinte et les poursuive en justice.

Les incitations publiques de Baberowski à la haine des réfugiés confirment ce que le PSG (Parti de l’égalité sociale) et l’EJIES (Etudiants et jeunes internationalistes pour l’égalité sociale) ont documenté au cours de la dernière année et demie: sa banalisation des crimes du national-socialisme et de la guerre d’anéantissement menée par la Wehrmacht.

Dans une entrevue au magazine Der Spiegel Baberowski avait, en février 2014, soutenu l’apologiste du nazisme Ernst Nolte et déclaré, « Hitler n’était pas un psychopathe, il n’était pas cruel. » S’appuyant sur ces déclarations et d’autres, tout comme sur une analyse attentive de ses livres, le PSG et l’EJIES ont montré comment Baberowski se servait systématiquement de sa fonction de chargé de cours pour poursuivre un programme profondément réactionnaire.

« De telles falsifications historiques n’étaient auparavant formulées que dans les milieux d’extrême droite et fascistes. Sa promotion actuelle est étroitement liée aux tentatives entreprises par le gouvernement allemand de ressusciter le militarisme allemand, » écrivons-nous dans la préface du livre Recherche ou propagande de guerre qui documente le conflit avec Baberowski et son collègue, Herfried Münkler. Ouvrage que nous recommandons fortement à nos lecteurs.

L’administration de l’université et les médias ont réagi par un déluge de diffamations sans répondre ou réfuter une seule des accusations, bien documentées, portées contre Baberowski. La chaire d’histoire et l’administration de l’université ont accusé le PSG et l’EJIES d’avoir « diffamé » et « noirci » Baberowski et déclaré qu’elles ne toléreraient plus dorénavant la critique des déclarations publiques de Baberowski « dans les locaux de l’université Humboldt. »

Le rédacteur du FAZ, Jürgen Kaube, s’en est pris au PSG et à l’EJIES dans un article intitulé « Harcèlement, façon trotskyste ». Friederike Haupt, écrivant pour ce même journal, a comparé les critiques à des « menaces à la bombe et des appels au meurtre. » Plus d’une dizaine d’articles sont parus dans NZZ et d’autres organes de presse, qui tous soutenaient Baberowski.

Les mêmes journaux qui avaient défendu Baberowski ouvrent à présent leurs pages à cette agitation xénophobe. Ce fait souligne que ces réseaux soutiennent Baberowski non pas en tant qu’universitaire soi-disant respectable mais plutôt en tant qu’agent politique au programme droitier. Ce dont il s’agit, c’est d’essayer de transformer les universités « en pépinières, régies par l’Etat, de cadres pour les idéologies droitières et militaristes, » comme nous l’écrivions dans l’introduction précitée. On relativise au moyen de la falsification historique les crimes de l’impérialisme allemand et on prépare de nouvelles guerres.

Loin d’être un universitaire authentique, Baberowski est en réalité un idéologue de droite. Le contenu scientifique de ses déclarations est sans valeur. Alors qu’il est professeur depuis plus de dix ans à l’université Humboldt, il n’a encore présenté aucun travail digne de susciter une attention internationale. Ses livres sont truffés d’erreurs, de falsifications et d’incohérences. Il doit entièrement sa position dans le monde universitaire à des réseaux politiques qui ont jugé utile de l’engager comme agitateur de droite.

Le fait qu’un idéologue d’extrême droite comme Baberowski enseigne à l’une des universités les plus connues d’Allemagne, qu’il soit défendu par les dirigeants de l’université, ceux des diverses facultés et des journalistes influents est un net avertissement. L’élite dirigeante travaille d’arrache-pied pour remilitariser la politique étrangère allemande et instaurer des formes autoritaires de gouvernement. Des figures telles que Baberowski ont pour tâche de préparer le terrain au militarisme – comme ce fut le cas avant les deux Guerres mondiales.

(Article original paru le 3 octobre 2015)

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