Les partis canadiens unanimes pour une hausse des dépenses militaires

La politique de défense s'est imposée comme question majeure de la campagne électorale canadienne, après que le dirigeant libéral Justin Trudeau eut dit qu'il annulerait les plans d'acquisition d'une flotte d'avions chasseurs F-35 s'il devenait premier ministre.

En 2010, l'actuel gouvernement conservateur avait annoncé son intention d'acheter 65 avions chasseurs furtifs de « cinquième génération » de Lockheed Martin au prix de $9 milliards. Mais aucun contrat n'avait été signé pour confirmer l'entente, et suite aux critiques subséquentes selon lesquelles le processus d'acquisition était mal géré et les coûts des F-35 grandement sous-estimés, les conservateurs ont lancé un nouvel appel d'offres pour un avion chasseur. Le F-35 demeure néanmoins le candidat favori.

Trudeau a dit qu'un gouvernement libéral remplacerait la flotte existante de CF-18 avec des chasseurs moins coûteux sans capacités « furtives » afin de libérer des fonds pour investir dans de nouveaux navires pour la Marine royale du Canada. Soulignant que l'annulation de l'achat des F-35 ne signifiait aucunement l'intention de réduire la puissance militaire canadienne, le dirigeant libéral a critiqué les conservateurs pour avoir failli à leur promesses concernant l'achat d'armes.

L'intention de Trudeau d'annuler l'achat des F-35 a été immédiatement rejetée par le premier ministre Stephen Harper. Le dirigeant conservateur a tenté de se présenter en tant que défenseur des emplois canadiens, avertissant que l'exclusion de Lokheed Martin de la compétition pour l'achat d'avions de chasse empêcherait les entreprises canadiennes de l'aérospatiale d'obtenir davantage de contrats de sous-traitance pour le F-35.

Fait significatif, le dirigeant du NPD, Thomas Mulcair, a également attaqué Trudeau. Démontrant que le NPD veut dépenser des milliards afin de donner aux Forces armées canadiennes une plus grande force de frappe, et rejetant les réserves des libéraux sur la base de leur refus de suivre le processus établi pour de nouveaux achats militaires, Mulcair a dit de Trudeau : « Quand il dit des choses pareilles, il ne fait que monter son manque total d'expérience. Ce n'est pas ainsi que ces choses fonctionnent. »

Mulcair et le NPD ne veulent pas exclure l'achat du F-35, disant qu'il devrait faire partie d'une série d'avions chasseurs à inclure dans un nouvel appel d'offres.

L'acquisition du F-35 est fortement appuyée par une grande partie de l'élite dirigeante du Canada et les cercles dirigeants de l'armée et des services de renseignement. Ils la perçoivent comme étant importante pour renforcer l'alliance avec l'impérialisme américain qui a servi pendant des décennies de base pour la politique étrangère et militaire de la bourgeoisie canadienne.

Adopter l'avion de chasse améliorerait la coopération entre les forces armées canadiennes et américaines, qui collaborent déjà étroitement dans des déploiements stratégiques clés dans le monde. Le gouvernement conservateur a envoyé des troupes et des avions pour la guerre menée par les États-Unis en Syrie et en Iraq, a fourni des ressources maritimes, terrestres, et aériennes pour les opérations de l'Otan dans la Baltique et l'Europe de l'est visant la Russie, et a intégré le Canada dans le « pivot vers l'Asie » qui a pour but l'isolement et l'affaiblissement économique, géopolitique, et militaire de la Chine.

Peu importe les désaccords concernant le F-35, les quatre principaux partis – les conservateurs, le NPD, les libéraux, et les verts – sont entièrement en faveur d'un renforcement des capacités des Forces armées du Canada afin de pouvoir continuer en tant que partenaire majeur du pentagone. Dans des déclarations de politique de défense préparées pour le magazine militaire Esprit de Corps, tous les trois partis de l'opposition ont critiqué le gouvernement pour avoir mis de côté des projets d'achat et pour avoir réduit les dépenses militaires après 2011 dans le cadre de ses mesures d'austérité.

Jack Harris, le critique néo-démocrate pour la défense, a soutenu que $2.7 milliards avaient été coupés du budget de la défense depuis 2011, pendant que Joyce Murray pour les libéraux et la dirigeante du parti vert Elizabeth May ont déploré que les dépenses militaires du Canada ont chuté sous la barre du 1 pour cent du PIB.

Aucun des partis n'a daigné observer qu'en 2011 les dépenses militaires du Canada avaient atteint leur plus haut niveau en dollars réels depuis la seconde guerre mondiale, ou que les conservateurs avaient annoncé une nouvelle augmentation du budget militaire plus tôt cette année.

Le NPD, expliquait Harris dans son article d'Esprit de Corps, est voué à la révision de la politique de défense, afin d'assurer « que notre armée puisse défendre le Canada, protéger les canadiens, et contribuer à la paix internationale et à la sécurité avec une force agile, bien équipée, de premier rang. »

L'intention du NPD de moderniser l'armée et d'en faire une « force de premier rang, agile, et bien équipée » ne devrait pas surprendre. Les sociaux-démocrates du Canada ont depuis longtemps abandonné leur opposition, même verbale, à la guerre, et l'ont remplacée par un appui aux interventions impérialistes canadiennes. Depuis la guerre de 1999 de l'OTAN contre la Yougoslavie, le NPD a appuyé le rôle de premier plan du Canada dans une série de guerres dirigées par les États-Unis, y compris la guerre en Afghanistan, le renversement du président élu d'Haiti Bertrand Aristide en 2004 et la guerre de « changement de régime » en Libye.

L'opposition déclarée du NPD à la guerre en Syrie et en Iraq se limite à des désaccords purement tactiques. Le NPD se range entièrement derrière les initiatives agressives des conservateurs en alliance avec l'impérialisme américain contre la Russie en Europe de l'est. Plus tôt ce mois-ci, alors que 200 soldats des Forces armées du Canada arrivaient en Ukraine, Mulcair réitérait l'appui du NPD pour leur mission de formation de l'armée ukrainienne et sa garde nationale.

Afin de justifier les interventions militaires canadiennes dans le monde, Harper a sauté sur toutes les occasions pendant son mandat en tant que premier ministre pour promouvoir les forces armées et un nationalisme canadien belliqueux. En marquant le 100ème anniversaire du début de la première guerre mondiale, il a qualifié le Canada de « une nation guerrière » et répandu le mensonge réactionnaire selon lequel les Canadiens doivent leurs droits démocratiques à l'armée. La promotion du militarisme par les conservateurs a été accompagnée d'un assaut massif sur les droits démocratiques, dont la loi C-51 n'est que l'exemple le plus récent et flagrant.

Aucun des autres partis n'a soulevé d'objections à la promotion du militarisme par Harper. En fait, le NPD s'y est associé en proposant de faire un jour férié national du jour du Souvenir – non pas pour encourager la réflexion sur l'immense perte de vies causée par les guerres impérialistes, mais pour permettre que la population soit mobilisée derrière le patriotisme et la glorification de l'armée.

Dans sa déclaration pour Esprit de Corps, le ministre de la défense Jason Kenney vante la création par le gouvernement de nouvelles installations militaires dans la région de l'Arctique, où Ottawa a des disputes territoriales avec la Russie, les États-Unis, le Danemark, et la Norvège. D'après Kenney, un gouvernement conservateur réélu augmenterait les dépenses militaires de 3 pour cent par année à partir de 2017, ce qui ferait augmenter le budget de la défense de $11 milliards sur dix ans.

La porte-parole pour la défense du PLC Joyce Murray, a soulevé la possibilité d'une forte augmentation des déploiements militaires intérieurs et à l'étranger, écrivant: « À l'étranger, de sévères intempéries comme par exemple des inondations, des canicules, des sécheresses, ou des typhons exigeront l'assistance militaire et humanitaire du Canada au-delà des capacités actuelles de déploiement. Chez nous, les troupes canadiennes ont déjà été mobilisées en réponse à un incendie intense au Saskatchewan. »

En d'autres mots, un gouvernement libéral chercherait à utiliser la moindre occasion pour déployer les forces militaires pour défendre les intérêts impérialistes canadiens sous le prétexte d'une aide humanitaire. Cette approche s'inscrit dans la tradition des gouvernements libéraux précédents qui ont plongé le Canada dans la guerre en Yougoslavie en 1999 et en Afghanistan en 2001. En 2001, le gouvernement libéral a également pris l'initiative d'établir la commission internationale sur les interventions militaires qui a donné naissance à la doctrine de la « Responsabilité de protéger ». Celle-ci a été utilisée à plusieurs reprises comme prétexte pour la guerre impérialiste.

Elizabeth May du parti Vert, qui a rédigé la réponse de son parti à Esprit de Corps, a adopté une position similaire à celle des libéraux. Les dépenses militaires sont «dirigées par un manque d'intérêt national à long terme», a-t-elle soutenu. Elle a également noté l'intervention militaire au Saskatchewan cet été, suggérant qu'il fallait s'attendre à de nouvelles opérations au sein du pays dans le futur. Les verts réclament l'élaboration d'un plan complet pour la sécurité afin de mieux coordonner les activités entre la GRC et le Service canadien du renseignement de sécurité, l'agence douanière, et d'autres agences de sécurité et de renseignement.

May a souligné l'importance de l'Arctique, se plaignant du fait que la Russie détient 16 ports le long de sa côte arctique alors que le Canada n'en détient aucun.

Elle a continué ainsi: « le Canada est bien placé pour contribuer à des moyens pratiques et novateurs de coopération civile-militaire et pour fournir un appui essentiel permettant d'offrir une aide humanitaire dans des zones de conflit complexes. Nous devrions également appuyer la doctrine de la 'responsabilité de protéger' des Nations unies. »

May a dû admettre que la guerre de l'OTAN menée en Libye était justifiée par la responsabilité de protéger – l'affirmation injustifiée selon laquelle le dirigeant Mouammar Gaddafi préparait un massacre de civils à Benghazi servant de prétexte à l'établissement d'une « zone d'exclusion aérienne » qui s'est rapidement transformée en campagne pour un « changement de régime. » Sans pouvoir nier le fait que ce qui en a résulté est la destruction de la Libye et qu'elle-même a voté en faveur de la participation du Canada à la guerre contre la Libye, May a tenté de tracer arbitrairement une ligne de séparation entre les stades initiaux de la mission, supposément motivés par la responsabilité de protéger, et les développements subséquents, quand, d'après May, le Canada et ses alliés ont décidé de « redéfinir le but comme étant le changement de régime. »

De tels sophismes ne peuvent déguiser le fait que, peu importe la propagande employée par les États-Unis et ses alliés, la mission libyenne fut une guerre impérialiste dès le début. En tentant de nier cette réalité, May reprend le rôle joué par les partis verts à l'échelle internationale en fournissant des justifications humanitaires pour des interventions militaires agressives qui visent à consolider les intérêts économiques et géopolitiques des puissances impérialistes, y compris le Canada.

 

 

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