Belgique: les syndicats tentent d’étouffer la vague croissante des grèves

Des sections de plus en plus importantes de travailleurs, de lycéens et d’étudiants belges réagissent avec colère au programme d'austérité du gouvernement de droite. Les syndicats y répondent en faisant tout pour isoler les nombreuses grèves et manifestations et pour y mettre fin.

Une préoccupation centrale des syndicats dans leur sabotage des luttes des travailleurs en Belgique est le mouvement qui a lieu en France, juste de l'autre côté de la frontière, contre l'austérité et la loi travail réactionnaire imposées par le gouvernement PS (Parti socialiste) de François Hollande. Pour les bureaucraties syndicales nationalistes des deux pays, la possibilité d'une lutte commune des travailleurs belges et français est vue comme une menace mortelle pour le système capitaliste qu'ils défendent. 

A son élection en 2014, le gouvernement de droite du premier ministre Charles Michel a présenté un programme de coupes dans la sécurité sociale et les services publics. Il a proposé de repousser l'âge de la retraite en augmentant le nombre minimum d'années de travail nécessaires pour une pension. Les pensions et les augmentations de salaire des travailleurs du secteur public ne seraient plus indexées sur l'inflation et les travailleurs prenant leur retraite ne seraient pas remplacés. Le gouvernement veut également rendre plus facile aux employeurs l’embauche des travailleurs sur des contrats à court terme et à temps partiel. 

En réponse à la colère des travailleurs contre le programme d'austérité du gouvernement Michel, les syndicats ont organisé en 2014 et 2015 quinze manifestations dans toute la Belgique, chacune d’environ 100.000 manifestants. En octobre 2015, la fédération syndicale belge a lancé une contestation judiciaire de la suppression de l'indexation des pensions et des salaires sur l'inflation, limitant ainsi toute activité aux tribunaux et bloquant toute mobilisation de la classe ouvrière. 

Le ministre de l'Emploi Kris Peeters a répondu en introduisant une loi travail qui mine les conditions de travail et les acquis sociaux. Elle porte la semaine de travail à 45 heures, avec une journée de travail de 9 à11 heures, elle permet aux employeurs d'aviser les travailleurs des horaires de travail avec de 24 heures de préavis seulement. Le travail de nuit et du week-end sera augmenté, et l'annualisation du temps de travail permettra d'imposer des heures supplémentaires non rémunérées. 

Le mois dernier, des conducteurs de train de la société ferroviaire nationale SNCB ont commencé une grève sauvage. HR Rail [employeur juridique du personnel ferroviaire belge] cherche à supprimer les jours de rémunération pour les périodes de maladie ou de vacances et prône un accord d'augmentation de la productivité. La grève a principalement affecté le sud francophone du pays, bien que les travailleurs du syndicat flamand ACOD aient également été impliqués dans le nord.

Après que la grève a été terminée le 3 juin, la Confédération des syndicats chrétiens (CSC/ACV) et la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB/ABVV) discutent à présent d'une période de négociation pour l'accord de productivité. La Centrale générale des services publics (CGSP) et les syndicats CSC Transcom et ACOD ont ordonné à leurs membres de retourner au travail la semaine dernière. Le syndicat ferroviaire chrétien a déclaré qu’il n'avait même jamais appelé à une action.

La CGSP avait annoncé une semaine d’action à partir du 12 juin. La menace a ensuite été brandie d'étendre l’action jusqu’au 26 juin. Mais le 9 juin, le négociateur des cheminots de la CGSP, Serge Piteljon, a dit à la presse: « Il faut protéger nos membres. Mais, à ce stade, il n'est pas encore question d'une grève effective de deux semaines ». Le lendemain, le syndicat a demandé à ses membres de ne pas faire grève comme prévu – « pour le moment ». Il a annoncé qu'il avait rédigé une liste de propositions à négocier. Michel Abdissi le président de la CGSP a appelé ceci « un dernier rameau d'olivier » tendu à la direction, affirmant que le syndicat espérait que « ce geste sera apprécié ».

Quelques jours auparavant Abdissi avaient avoué, « Chaque fois que nous faisons une concession ils demandent toujours plus ».

Le préavis de grève reste en vigueur pendant les deux semaines, mais toute grève officielle est peu probable avant le 19 juin.

Ludo Sempels de l’ACOD a dit qu'il avait « pris acte » de la position de ses collègues francophones, et a annoncé que le syndicat participerait à la réunion avec la direction jeudi « avec une attitude constructive… et espère que nous pourrons en sortir avec une proposition que nous pourrons présenter à notre base. » Les responsables syndicaux ont quitté cette réunion se disant surpris que la direction n'ait pas bougé par rapport à ses demandes initiales. Celle-ci a déclaré: « Chaque partie est engagée à mettre en œuvre les nouvelles méthodes de travail bien que rien n'ait encore été signé ».

Marianne Lerouge, une fonctionnaire de la CSC Transcom a déclaré, « Nous avons accepté une augmentation de 2,33 jours de productivité et ce, pour le même salaire ».

Les syndicats ont déjà annulé des grèves dans les dépôts de bus à Charleroi et à Liège. Le 10 juin, l’annonce que la grève des éboueurs à Mons-Borinage avait pris fin est intervenue avant la réunion proprement dite au cours de laquelle les syndicats devaient trouver un accord avec la société, Hygea.

Les éboueurs avaient reçu un large soutien. De même, les étudiants et lycéens francophones et néerlandophones ont exprimé leur solidarité avec les cheminots en grève, rejetant les tentatives faites par certaines organisations étudiantes d’utiliser des perturbations dans les transports pendant les examens comme argument contre la grève. Les étudiants ont également exprimé leur soutien aux enseignants grévistes des écoles primaires et secondaires publiques à Mons cette semaine.

Le syndicat FGTB-CGSP avait appelé à ces grèves contre l’abolition de l'indexation des salaires sur l'inflation, mais d'autres syndicats n’avaient pas soutenu l'appel, permettant aux écoles de rester ouvertes.

D'autres mouvements sociaux apparaissent dans tout le pays.

Des piquets de grève ont été mis en place autour des centres de tri à partir de dimanche soir pour une grève de 24 heures chez B-Poste, contre le manque de personnel, les demandes d'augmentation de productivité et l'utilisation de personnel indépendant.

La semaine dernière a vu l’arrêt total pendant 30 minutes du système judiciaire dans tout le pays contre le projet de transfert du contrôle du budget d'une commission élue à un inspecteur du comité des Finances. Le budget de la justice sera réduit d'environ 20 pour cent.

Une grève des gardiens de prison est en cours. Trois prisons reprendront le travail la semaine prochaine, mais les conflits continuent à Forest, Ittre, Jamioulx, Namur, Andenne et Tournai. Deux syndicats ont appelé à la reprise du travail; le SLFP signera les nouveaux contrats acceptés par les syndicats flamands l'été dernier.

On ne peut laisser la direction de la lutte contre l'austérité aux syndicats qui ont prouvé à maintes reprises que leur seule préoccupation était leur statut d’organismes de négociation au sein du capitalisme. Pour les syndicats, le mot-clé est l'appel du ministre de l’Emploi Peeters au « dialogue social ». En 2014, Peeters avait dit qu'on l’avait « chargé de prendre contact discrètement avec les syndicats. » Ceux-ci ont loué son offre de négocier et Marie-Hélène Ska de la CSC l'a décrite comme « une initiative visant à rétablir la confiance. » En avril de cette année, les syndicats ont écrit à Peeters et à Michel, les suppliant d’apporter une attention renouvelée à ce « dialogue social ».

(Article paru en anglais le 13 juin 2016)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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