La mobilisation contre la loi travail du PS monte dans toute la France

La journée de mobilisation nationale organisée hier, la première contre la loi travail du PS au mois de juin, a révélé que la combativité et la détermination continuent de monter parmi les travailleurs contre la politique de reculs sociaux imposée dans toute l'Union européenne. 

Malgré les tentatives du PS de casser les grèves et les blocages pour démoraliser les travailleurs, les cortèges dans plusieurs villes étaient nettement plus importants que lors des manifestations précédentes. Une cinquantaine de manifestations étaient prévues sur Paris et en province. Selon la presse, entre 6.000 et 20.000 personnes ont défilé à Toulouse, 4000 à Rennes. Dans la deuxième ville de France, Lyon, entre 3.800 et 10.000 personnes se sont rassemblées. 

Des trains et des convois de bus affrétés pour la manifestation ont fait monter des dizaines de milliers de travailleurs de province sur Paris afin de grossir les défilés. La police tablait sur 50.000 manifestants voire plus sur Paris, le chiffre annoncé par les syndicats était d'un million. 

Les travailleurs ont bravé la répression organisée par le PS et les forces de l'ordre dans le cadre de l'état d'urgence, ainsi que le chantage des médias qui insistaient que l'Euro de football devait imposer une pause à la lutte des travailleurs contre la loi travail. Dans la crainte des manifestations, 130 personnes ont été préalablement interdites de manifester sur ordre du préfet de Paris. 

Les CRS ont scindé la manifestation de Paris en deux afin de réprimer une centaine de manifestants qui étaient dans les cortèges des syndicats. Des affrontements ont eu lieu entre manifestants et CRS, pendant lesquels les forces de l'ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser les manifestants. Les débordements ont duré plus d'une heure. On dénombre sur Paris 6 manifestants blessés ainsi que 20 policiers, et 15 interpellations. 

Même plus que le grossissement des cortèges, c'était avant tout la force et l'étendue des revendications avancées par les travailleurs en lutte qui traduisaient la radicalisation et le tournant vers la gauche qu'effectue le mouvement contre le PS. 

Les manifestations contre la loi travail vont bien au-delà de cette mesure réactionnaire. Les travailleurs manifestent leur hostilité à l'ensemble des politiques du PS, à savoir l'austérité, l'état d'urgence et les interventions impérialistes à l'extérieur. Le mouvement des travailleurs est de plus en plus nettement à gauche des tendances politiques et syndicales qui ont essayé jusqu'ici d'encadrer le mouvement. 

L'écart se creuse en particulier, entre l'opposition des travailleurs au gouvernement PS et la volonté de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, de négocier un accord avec le PS sur la loi, qui satisferait prétendument les revendications sociales et politiques des travailleurs. Alors que les dirigeants du PS insistent pour dire qu'ils ne toléreront aucune modification substantielle de la loi travail, les travailleurs en lutte insistent sur le fait qu'ils n'accepteront que le retrait de la loi. 

Les reporters du WSWS sont intervenus aux manifestations à Paris et à Marseille. A Paris, Solène, travailleuse à l'hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, a dit au WSWS: « Je suis venue manifester contre la loi travail, contre ces ministres qui n'en font qu'à leur tête, qui n'écoutent pas l'avis du peuple, et ça commence à bien suffire parce que là ce n'est pas possible. Déjà qu'on fait des heures sup, voilà qu'on ne peut même pas récupérer, ils veulent encore nous augmenter le quota d'heures autorisé à faire. Il n'est pas question qu'on se tue au travail. La vie ce n'est pas le travail, la vie c'est la vie de famille avant tout ... On en a marre. Aujourd'hui je suis dans la rue pour dire non à la loi El Khomri, qu'elle retire cette loi pourrie, voilà. » 

Solène fait part de son hostilité envers la répression et les attaques contre les droits démocratiques des travailleurs: « L'état d'urgence, il a bon dos, l'état d'urgence. Ils voudraient bien qu'on arrête de manifester, mais on continuera à manifester, quoi qu'il en coûte, quoi qu'il en soit. ». Et poursuit, « Le 49-3 [article 49-3 de la Constitution dont s’est servi le gouvernement pour faire passer la loi sans vote du parlement] c'est l'exemple, nous revenons en 1789, bienvenue les rois, voilà. Comme ils ne veulent pas entendre la voix des salariés, ils passent tout en force. ... Ils ne savent plus quoi faire, ils ne savent plus comment faire, de toute façon ce sont des incompétents, des irresponsables, et voilà ils utilisent le 49-3 pour dire, fermez vos bouches. »

Les reporters du WSWS ont aussi rencontré Badjindé Coulibaly, délégué syndical à la CGT né au Mali. Il a expliqué, « On est là aujourd'hui pour une cause, une cause réelle et sérieuse. Parce qu'on est là pour l'article et la loi travail que le gouvernement socialiste nous impose. C'est très grave pour nous, nos enfants, et nos petits-enfants. ». 

Coulibaly a également dénoncé l'intervention militaire lancée par la France au Mali en 2013: « Cette guerre-là, c'est une guerre politique. Ce sont les Occidentaux et d'autres pays qui ont monté la guerre contre nous, notre pays. Avec l'aide de Dieu, on arrivera jusqu'au bout. On luttera aussi, avec l'aide de Dieu le Tout puissant, la guerre va finir. » 

La manifestation sur Marseille a rassemblé 150.000 personnes d'après la CGT, alors que la préfecture de police annonçait 5.000 manifestants. Des cortèges de travailleurs portuaires, du secteur pétrolier, d'Air Liquide, et de la fonction publique ont participé à la manifestation. 

Julien, éducateur spécialisé dans la protection de l'enfance, a dit au WSWS qu'il « attend le retrait de la loi El Khomri. Il y a un gouvernement qui n'entend pas le peuple qui refuse une politique de précarité. On attend que le gouvernement prenne acte de ce que l'on fait et de la tournure que prennent les évènements. On rentre dans une impasse et comme on ne lâchera rien il faut qu'il entende que 70 pour cent des français sont contre cette loi. » 

« Aujourd'hui est un gros test, je pense que si on est plus nombreux que la dernière fois cela montrera le réel rapport de force, ce n'est pas un baroud d'honneur », a-t-il dit. Julien a ajouté qu'il y avait un durcissement de la situation qu'il ne souhaite pas, mais qui est inévitable. 

Sur la fin des grèves dans les raffineries de Normandie, Julien a dit: « après 25 jours de grève, c'est normal que les camarades aient besoin de manger et aient décidé d'arrêter. Il y a eu une belle mobilisation aujourd'hui, les raffineries ne tourneront pas. La bataille des carburants n'est pas perdue, à Dépôts Pétrolier de France, il y a trois jours de grève stratégique, plus de camions sortent. » 

De nombreuses personnes sans parti ni syndicat étaient aussi présentes. Julia, assistante maternelle qui affirme manifester contre tout ce qui se passe en France, a critiqué les médias qui parlent de l'essoufflement de l'opposition des travailleurs : « Les manifestants sont toujours là, tout le monde ne peut pas faire grève parce qu'il faut nourrir les gosses, mais nous sommes là. Ce n'est pas un problème des gens, c'est qu'ils n'ont pas le choix que de reprendre le travail ». 

Elle a ajouté : « On est là pour dire que l'on ne lâchera pas malgré l'Euro... ce n'est pas parce que l'on essaie de nous faire peur que l'on va abandonner la rue. ».

 

Quand les reporters du WSWS ont évoqué la nécessité des travailleurs français d'unifier leur lutte avec les travailleurs européens qui sont aussi en lutte contre l'austérité, elle a répondu : « C'est ce qu'il faut, car l'arnaque est internationale ».

 

 

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