France: alors que commence l’Euro 2016 de football, le gouvernement menace de casser les grèves

Le président François Hollande et le premier ministre Manuel Valls ont lancé, sur fond d’opération massive de sécurité en aval de l'ouverture de l’Euro 2016, des menaces sans précédent de casser les grèves en cours contre la loi travail régressive et impopulaire du Parti socialiste.

Certains conducteurs des lignes B et D du RER qui desservent le Stade de France étaient en grève vendredi. Seule la moitié des trains ont circulé sur ces lignes, entraînant des retards pour les fans se rendant à ce stade, ainsi que pour les voyageurs locaux. Des articles de presse indiquaient cependant que les services de train étaient presque revenus à la normale à temps pour transporter les fans au match d'ouverture de la compétition, France-Roumanie.

Hollande et Valls ont fait allusion à la possibilité de réquisitionner les conducteurs grévistes, autrement dit de les forcer à reprendre le travail sur ordre de l’Etat sous peine de lourdes sanctions juridiques, afin d’assurer l’acheminement des fans jusqu’au Stade de France.

Valls a dit: « Je n'exclus par principe aucune hypothèse. Ce que je souhaite, c'est qu'on fasse en sorte de pouvoir acheminer dans les meilleures conditions de sécurité et de confort les 80 000 spectateurs. »

Si Hollande a dit que « pour l’instant, » il n’avait pas l’intention de réquisitionner les grévistes, il a précisé que le gouvernement PS était prêt à le faire. « Si l’Etat doit faire son devoir, il le fera et prendra toutes les mesures nécessaires » pour accueillir et transporter les gens et pour que la compétition puisse avoir lieu dans la plus grande sécurité possible.

Malgré l’effort de Hollande de présenter la menace d'une intervention de l'Etat pour casser les grèves comme une hypothèse future, le PS mobilise déjà les forces de sécurité pour attaquer de nouveau les grévistes après une première attaque des piquets de grève bloquant les installations pétrolières de Fos, près de Marseille.

Jeudi 10 juin, après une intervention de la police pour casser un piquet bloquant deux dépôts de camions-poubelle à Ivry-sur-Seine dans la banlieue parisienne, la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, s’est vantée de ce que les ordures étaient de nouveau ramassées dans capitale. « Dès hier soi [jeudi] nous avons pu faire sortir une cinquantaine de camions de plus pour ramasser les ordures normalement et essayer de récupérer le surplus. » « Ce matin [vendredi], nous avons trente camions de plus dans Paris. »

En plus de l'escalade de la répression et des menaces du gouvernement PS, les grévistes font face à l’isolement et aux critiques publiques des bureaucraties syndicales. Dans des conditions où une minorité de cheminots, de 10 à 30 pour cent selon diverses estimations, sont toujours en grève, les syndicats tentent de mettre fin à la grève, veulent éviter l’entrée en lutte de couches plus larges de travailleurs hostiles au PS, et bloquent une lutte politique de la classe ouvrière pour faire tomber le gouvernement PS.

Avec des degrés divers de franchise, ils mettent en avant la perspective d'obtenir dans une négociation avec le PS des modifications mineures de loi Travail, pour justifier une fin des grèves.

Les conducteurs de train en grève ont été la cible d'une attaque explicite de Philippe Martinez, secrétaire général de la stalinienne Confédération générale du travail (CGT), le plus important syndicat du secteur ferroviaire. « Je ne suis pas sûr que bloquer les supporters soit la meilleure image que l'on puisse donner de la CGT », ajoutant « La CGT souhaite que l’Euro se déroule comme une vraie fête populaire dans les stades comme dans les fan-zones »

Hier, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, qui a présenté la loi au parlement et lui a donné son nom, a annoncé qu'elle inviterait Martinez pour des entretiens vendredi prochain, pour tenter d'arrêter les blocus de piquets de grève partout dans le pays. L’invitation est venue après que Martinez eut confirmé à la télévision qu’il était en pourparlers « secrets » avec Valls, et eut refusé d’en révéler le contenu.

Pour sa part, SUD-Rail, un syndicat soutenu par le petit-bourgeois Nouveau parti anticapitaliste, a avertit le PS, après la répression des grévistes à Fos, qu'il ne devait pas lancer d’attaques contre les grévistes de peur d'une réaction incontrôlée de couches plus larges de travailleurs.

« Dans tous les cas, » écrit-il « si le gouvernement aux abois venait à insister dans cette voie, il devrait assumer les conséquences d’une forte pression imposée sur des agents assurant des métiers de sécurité. Une telle violence ne saurait laisser sans réactions les cheminot-es. »

Les commentaires de Martinez soulignent le cul-de-sac que représente une tentative de lutter contre la loi Travail et un gouvernement PS ayant derrière lui le soutien de toute l'Union européenne à travers les bureaucraties syndicales et leurs alliés de la pseudo-gauche. Ces organisations, qui ont appelé à voter Hollande à la présidentielle de 2012 et soutiennent le gouvernement PS, sont non seulement incapables, mais franchement hostiles à une mobilisation de l'opposition massive à la loi travail existant dans la classe ouvrière. 

L’Euro 2016 de football ne doit pas servir de prétexte à mettre fin aux grèves contre une tentative du PS de ramener des décennies en arrière le niveau de vie et les conditions de travail de la classe ouvrière. Cela doit impérativement servir d’avertissement que la lutte doit être retirée des mains des bureaucraties syndicales, qu’il faut mobiliser dans une lutte politique des couches plus larges de la classe ouvrière en France et au plan international. Cela mettra inévitablement les travailleurs en conflit avec le renforcement permanent de l’appareil sécuritaire par le gouvernement français, de concert avec les gouvernements de toute l' Europe.

Les opérations de sécurité pour l'Euro 2016 ont été lancées le 10 juin dans le cadre de l'état d'urgence décrété par le PS après les attentats terroristes du 13 novembre à Paris. Elles impliquent la mobilisation de 100.000 agents dans les villes de tout le territoire, dont 42.000 policiers, plus de 30.000 gendarmes et forces paramilitaires, 5.000 pompiers et agents de sécurité civile, 10.000 soldats et 13.000 agents de sécurité privés.

Le 10 juin un déploiement de dernière minute de 3.000 gendarmes supplémentaires a été annoncé à Paris, où de nombreux convois de police anti-émeutes (CRS) circulaient dans Paris. De vastes opérations de sécurité ont été mises en place autour des sites du tournoi, avec fouilles de voitures à l’entrée des parkings, les fans devant passer de multiples points de contrôle aux abords des stades.

L'utilisation des forces de sécurité mobilisées dans le cadre de ce vaste déploiement pour réprimer les grèves soulignent les questions politiques impliquées dans la décision du PS d'imposer l'état d'urgence. Celui-ci n’est pas principalement une mesure contre le terrorisme de réseaux islamistes, qui sont en fait bien connus des services de l’Etat dû à leur rôle de force par procuration des puissances de l' OTAN, dont la France, dans les guerres de Syrie et de Libye.

Alors qu’on a permis à ces réseaux de se propager et de se développer dans le contexte des guerres du Moyen-Orient, l'état d'urgence a servi à justifier une vaste mobilisation policière dirigée surtout contre l'opposition de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 11 juin 2016)

 

 

 

 

 

 

 

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