États-Unis : montée des luttes ouvrières à l’approche de l’élection présidentielle

Une série de grèves et d’autres luttes ouvrières ont éclaté aux États-Unis à l’approche des élections présidentielles américaines. Le large éventail de travailleurs des secteurs public et privé impliqués dans ces luttes révèle l’ampleur de l’opposition sociale aux États-Unis contre la détérioration des conditions de vie, les atteintes aux soins de santé et aux retraites ainsi que les records historiques d’inégalités sociales dans la septième année de la « relance » économique d’Obama. 

Lundi, près de 5000 infirmières dans la région de Minneapolis et St-Paul au Minnesota ont massivement rejeté un ultimatum de l’opérateur hospitalier Allina Health, et ont voté pour prolonger leur grève d’un mois. Allina veut dépouiller les infirmières de leur couverture des soins de santé traditionnelle et les forcer à adopter des plans inférieurs et plus coûteux gérés par les entreprises. 

Le vote « non » retentissant constituait une remise en question de l’Association des infirmiers du Minnesota et du National Nurses United (syndicat national des infirmiers), qui avaient remis au vote les mêmes demandes de l’entreprise que les infirmiers ont déjà rejeté à trois reprises. Les infirmiers prennent une position courageuse contre Allina, qui a supprimé leur assurance médicale le week-end dernier et a dépensé 40 millions de dollars pour amener 1000 briseurs de grève dans les Villes Jumelles. 

Partout dans le pays, les infirmiers et autres soignants subissent le coût de la mal nommée Loi sur les soins abordables (Affordable Care Act – ACA) d’Obama, qui a non seulement transféré les coûts des soins de santé des employeurs vers les travailleurs, mais a également entraîné une hausse du nombre de patients dans les hôpitaux déjà en pénurie d’effectifs sans que le personnel augmente. Pendant ce temps, l’ACA a stimulé les profits des monopoles qui dominent l’industrie des soins de santé, qui ont engrangé 1600 milliards de recettes l’an dernier. 

« Tout le monde en a marre de la façon dont les choses se passent dans ce pays », a dit une infirmière expérimentée de l’United Hospital à St. Paul. « Avec toute cette richesse, ces entreprises opèrent au niveau mondial, et elles se servent de ça pour mettre en concurrence les travailleurs de différents pays les uns contre les autres ».

D’autres sections de travailleurs sont également entrées dans des batailles importantes ces derniers jours : 

  • Mardi, 750 travailleurs des services alimentaires ont débrayé à l’Université de Harvard à Cambridge, Massachusetts pour réclamer de meilleurs salaires et des emplois à temps plein et pour résister à la hausse des contributions aux soins de santé. Le débrayage de travailleurs des réfectoires, la première grève à cette université d’élite (Ivy League) depuis 30 ans, a gagné le soutien des étudiants des écoles de médecine, dentaire et de droit de l’université, ainsi que du Conseil des étudiants du premier cycle de licence de Harvard.

  • Le 30 septembre, des centaines de musiciens de l’Orchestre de Philadelphie et de l’Orchestre symphonique de Pittsburgh ont débrayé pour s’opposer aux demandes d’un gel virtuel des salaires et à des coupes dans les retraites. Les musiciens de Philadelphie dont l’orchestre est de renommée mondiale ne sont toujours pas remis des concessions qu’ils ont perdues au cours de la faillite d’avril 2011. Les musiciens sont également actuellement en grève à l’Orchestre de Fort Worth dans le Texas. 

  • Des milliers de membres du corps professoral de 14 universités d’État devraient se rassembler dans la capitale de l’État à Harrisburg, en Pennsylvanie jeudi après avoir travaillé pendant un an et demi sans un nouveau contrat. Le syndicat des professeurs a fixé un préavis de grève jusqu’au 19 octobre pour 5000 professeurs, chercheurs et assistants d’enseignement qui s’opposent à des réductions de salaire, à la hausse des franchises de soins de santé et des contributions, et aux demandes qu’ils fonctionnent comme des « machines à enseigner » avec des augmentations de la charge de travail allant juqu’à 20 pour cent. 

  • Le 22 septembre, les enseignants de Cleveland ont voté par 1830 voix contre 1730 pour rejeter un accord conclu par le Syndicat des enseignants de Cleveland et les Écoles de l’agglomération de Cleveland qui comprenait une augmentation salariale insultante de deux pour cent et la poursuite des évaluations fondées sur des épreuves pour déterminer la rémunération des enseignants ou bien leur licenciement. Dans un effort désespéré pour empêcher une grève, la Fédération américaine des enseignants a organisé aujourd’hui un « walk-in » et prône une hausse d’impôts régressive pour les résidents dans l’une des plus pauvres grandes villes de l’Amérique.

  • Le CTU (Syndicat des enseignants de Chicago) a lancé un préavis de grève pour le 11 octobre après un vote de 95,6 pour cent pour autoriser une grève des 30 000 enseignants et personnels. Les enseignants travaillent sans une nouvelle convention collective depuis 15 mois. Ils ont déjà défait un effort par le CTU et le maire du Parti démocrate Rahm Emanuel pour augmenter les coûts de couverture médicale et imposer une baisse effective de sept pour cent des salaires pour financer les retraites.

  • Plus de 750 travailleurs d’une usine 3M de produits chimiques à Cottage Grove, Minnesota ont voté la grève après un mois de prolongement de leur contrat de 3 ans qui expire samedi prochain. Le conglomérat du Minnesota, qui fabrique des adhésifs industriels et pour les particuliers, des composants d’automobile et d’autres produits, veut diminuer les taux de rémunération pour les week-ends, et mettre en œuvre plus de « flexibilité » dans la réglementation et les avantages du travail. 

L’accroissement de la lutte des classes aux États-Unis fait partie d’un processus international. Dans tous les pays, les sociétés transnationales et les gouvernements cherchent à faire payer la classe ouvrière pour la crise économique mondiale et les budgets militaires qui explosent à mesure que les gouvernements se préparent à la guerre.

Dix mille travailleurs canadiens de l’automobile à Fiat Chrysler Automobiles (CAF) se tiennent prêts à faire grève à partir de minuit le 10 octobre alors que l’opposition monte contre le contrat type pour l’industrie automobile qui a été signé par le syndicat des travailleurs de l’automobile Unifor avec General Motors Canada. Ce contrat enlève aux nouveaux embauchés une retraite à prestations déterminées, conserve le système haï de rémunération à deux vitesses et continue l’érosion du niveau de vie pour les travailleurs actuels et les retraités. Les patrons de l’automobile et le syndicat Unifor utilisent la menace de fermetures d’usines et de licenciements massifs comme un moyen de venir à bout de la résistance des travailleurs déterminés à récupérer les concessions passées quand les constructeurs automobiles font des profits records.

Ces derniers jours ont témoigné également de l’apparition de manifestations de masse et des affrontements d’étudiants avec la police en Afrique du Sud qui revendiquent un enseignement gratuit et une aide contre le fardeau des prêts étudiants, et des manifestations par les travailleurs en Pologne contre les lois réactionnaires interdisant les avortements.

Les médias américains ignorent délibérément les signes de conflits de classe grandissants tout en écrivant sans cesse sur la fracture infranchissable supposée entre « l’Amérique noire » et « l’Amérique blanche ». Mais la résistance montante des travailleurs de toutes ethnies, de genres et nationalités, révèle que la division fondamentale dans la société est le conflit irrépressible entre les deux principales classes sociales – la classe ouvrière et les capitalistes.

Comme la rébellion des travailleurs américains de l’automobile en 2015 et les grèves sauvages des enseignants de Detroit, ces luttes rentrent de plus en plus en conflit direct avec les syndicats officiels, qui fonctionnent comme des outils du patronat et sont alliés à Clinton, Obama et au Parti démocrate. 

Comme l’a fait remarquer le World Socialist Web Site, le soutien populaire pour Bernie Sanders – qui s’était auto-proclamé socialiste – dans les primaires du Parti démocrate était une expression grandissante du sentiment anticapitaliste. Sanders n’est pas socialiste, et sa « révolution politique » bidon s’est transformée en une campagne pour Clinton, une belliciste et une porte-parole de la « classe des milliardaires ». Tandis qu’il faisait la promotion de Clinton mardi à Minneapolis, Sanders n’a pas dit un seul mot au sujet de la lutte des infirmières dans le Minnesota. 

Malgré les forts efforts de Sanders, la radicalisation politique des travailleurs et des jeunes aux États-Unis ne sera pas confinée dans le système bipartite capitaliste. Les aspirations des travailleurs pour obtenir les droits sociaux les plus élémentaires, pour des emplois sûrs et bien rémunérés, les retraites, les soins médicaux, l’éducation et un avenir pour la prochaine génération qui soit exempt de la pauvreté et de la guerre, poussent des masses de travailleurs dans une lutte contre l’élite patronale et financière qui contrôle l’ensemble du système économique et politique.

Clinton et Trump sont tous les deux déterminés à intensifier la guerre contre la classe ouvrière américaine. Ils soutiennent la violence militaire des États-Unis dans le monde entier pour sécuriser les marchés, les matières premières et les bénéfices des sociétés transnationales basées aux États-Unis et pour empêcher toute concurrence économique de la part de ses rivaux étrangers. 

Cela est souligné dans un article du dernier numéro de Foreign Affairs signé de Mac Thornberry, le président républicain de la Commission des forces armées du Congrès, et du stratège militaire Andrew F. Krepinevich. Les deux appellent à une vaste expansion des dépenses militaires pour se préparer à la guerre contre la Russie et la Chine et font l’éloge du soutien bipartite pour les coupes budgétaires des programmes sociaux de base comme Medicare (l’assurance maladie des retraités) et la sécurité sociale. Les difficultés financières du pays « ont peu à voir avec les dépenses militaires », affirment les deux auteurs, déclarant que les « principaux coupables sont de plus en plus l’accélération de la dette du gouvernement et le coût croissant des allocations sociales ». Ainsi, « c’est sur le front intérieur que les choix difficiles devront être faits afin de défendre la sécurité de la nation et le bien-être économique ». 

Des masses de gens en ont marre des guerres sans fin qui ont coûté d’innombrables vies et environ 15 mille milliards de dollars depuis 2001. De plus en plus, les travailleurs vont se rendre compte que la lutte pour défendre leur niveau de vie est inséparablement liée à un combat contre la guerre et le système d’exploitation capitaliste qui la produit. 

(Article paru en anglais le 6 octobre 2016)

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