La ministre du Travail valide le licenciement d'un syndicaliste d'Air France

Le licenciement d'un syndicaliste CGT d'Air France par la ministre du Travail Myriam El Khomri le même jour que l'annonce de l'adoption définitive de la loi El Khomri début août, après plusieurs mois de contestation de la part des travailleurs, est une claire décision du gouvernement PS de François Hollande pour intimider l'opposition des travailleurs et des jeunes au gouvernement. 

Le syndicaliste licencié, Vincent Martinez, est la cinquième personne licenciée depuis l'affaire dite de la « chemise déchirée », où des grévistes d’Air France avaient pris à partie des dirigeants de la compagnie aérienne lors d’un comité central d’entreprise en octobre dernier. La compagnie avait annoncé le plan Perform 2020, visant à améliorer la compétitivité de la compagnie aérienne en supprimant 2900 emplois, le quatrième projet de restructuration en quatre ans. Ces restructurations ont éliminé 15.000 emplois, soit le quart des 63.000 salariés d’Air France, depuis 2012. 

Les salariés d'Air France avaient envahi la salle où se tenait le comité central d’entreprise et les chemises du DRH d'Air France, Xavier Broseta, et Pierre Plissonnier, le chef de l'activité long-courrier de la compagnie avaient été déchirées. L'intervention des salariés d'Air France avait été dénoncée par les médias, les partis politiques et par les syndicats. 

El Khomri justifie ainsi le licenciement dans un communiqué : « A l'issue d'une analyse longue et minutieuse des faits survenus le 5 octobre 2015 en marge du comité central d’entreprise du groupe Air France, et sur la base des éléments portés au dossier, il ressort que la faute reprochée est d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement du salarié protégé ». 

Le licenciement du délégué syndical avait été annulé au début de l'année par l’inspection du travail, qui avait décidé qu’il avait plutôt protégé les deux dirigeants d’Air France pris à partie par les salariés. Il avait pu reprendre son poste en mai. 

Martinez a lui-même déclaré à Europe1 : « J'avais fourni une vidéo où on montrait clairement mon rôle modérateur, c'est-à-dire que je n'étais pas venu là pour casser mais plutôt pour essayer de protéger. J'ai bien montré cette vidéo à l'inspection du travail, je l'ai montrée aussi (...) au ministère du Travail mais (...) il y avait une décision qui était prise depuis longtemps, une décision un peu politique ». 

« On ne voulait pas que le CCE soit envahi », a dit le secrétaire général adjoint de la CGT Mehdi Kemoune à l'AFP, soulignant l'étroite collaboration entre la CGT et la direction d'Air France. Selon lui, la CGT a « prévenu » la direction de la colère des salariés et imploré la direction de renforcer le dispositif de sécurité contre les travailleurs et est intervenue pour protéger Broseta.

Ceci est confirmé par une enquête menée par le journaliste indépendant Geoffrey Le Guilcher, qui révèle que la direction d’Air France avait installé secrètement des caméras de surveillance supplémentaires, la veille du comité central d’entreprise (CCE) en question. 

Alors qu'il existait une opposition populaire massive à la loi El Khomri et plus largement à la politique d'austérité, de guerre et d'attaque des droits démocratiques, et la menace d’interdire les grèves, les syndicats d’Air France ont fait en sorte que les revendications des travailleurs en grève de la compagnie reste limitées au cadre des négociations sur la baisse de salaire des pilotes. 

La CGT a organisé des manifestations nationales contre la loi travail non pour s’opposer au gouvernement mais pour contrôler politiquement l’opposition. La menace d'interdiction des grèves par le premier ministre Manuel Valls en avril et mai de cette année a été un prétexte pour la CGT et FO de négocier la capitulation. FO appela à ne plus manifester et la CGT a mis fin progressivement au mouvement qu'elle avait initié. 

Le secrétaire de la CGT, Philippe Martinez, a déclaré à propos du licenciement: « C'est une décision qui va à l'encontre de celle prise par l'inspection du travail » et y voit « une décision politique et revancharde de la part du gouvernement par rapport au mouvement social à Air France et au mouvement social que nous menons contre la loi travail ». Il a déclaré que la CGT étudierait « tous les recours possibles ». Elle s’adressera donc surtout à l’appareil judiciaire, entre autre, en formant un recours de la décision de la Direction générale du travail devant le tribunal administratif. 

La CGT fait à présent appel à l’appareil judiciaire pour régler la situation de ce délégué parce que la perspective de la bureaucratie syndicale est dépendante de l'Etat et qu'elle cherche à faire croire que la justice bourgeoise est garante des droits des travailleurs. 

La bureaucratie syndicale et la pseudo gauche n’ont pas agi dans les manifestations et les grèves avec blocage dans l'intention de mobiliser les travailleurs en une lutte politique contre la politique d'austérité menée à travers l'Europe. Ceci sous-tend également la réaction tiède et poltronne de la CGT face au licenciement de Vincent Martinez. Elle ne veut pas mobiliser une lutte plus large pour défendre son délégué ou contrer la politique d'intimidation menée par le PS contre les travailleurs en lutte. 

Malgré l'arrêt des manifestations durant l'été par les organisations syndicales soutenues par les partis de pseudo gauche tels que le Nouveau parti anticapitaliste, l'opposition des travailleurs et des jeunes uu gouvernement Hollande fait craindre à ce dernier, et à la bureaucratie syndicale, qu’une explosion sociale plus importante n’éclate à la rentrée contre la loi travail, ou qu'une grève dans une entreprise ne se développe en une mobilisation sociale explosive. 

La CGT tente cyniquement de présenter le licenciement de Martinez comme une attaque du gouvernement contre elle. Mais l'hostilité évidente de la CGT à la mobilisation de toute la classe ouvrière a clairement fait le jeu du gouvernement. Celui-ci craint plutôt qu'un mouvement de la classe ouvrière à la rentrée ne déborde les bureaucraties syndicales. 

La victimisation de Vincent Martinez n'est pas dirigée contre la CGT, mais surtout contre l'opposition de la classe ouvrière à la politique d'austérité. En licenciant ce syndicaliste, le PS veut lancer surtout un avertissement aux travailleurs tentés d'imiter le geste des travailleurs d'Air France. 

Mais ce n'est pas l'intimidation que manie El Khomri qui étouffera la colère des travailleurs à l'encontre du gouvernement, exprimée lors du conflit de plusieurs mois contre la loi travail malgré la répression féroce dirigée par le PS. La défense des intérêts des travailleurs passera par une rupture avec la bureaucratie syndicale et la pseudo gauche pour construire une lutte politique indépendante contre le PS et tous les gouvernements de l'Union européenne.

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