Les médias allemands accentuent l'agitation anti-russe

Mardi 17 août, pratiquement tous les grands journaux allemands ont publié des dénonciations du gouvernement russe, l'accusant d'attiser les conflits en Syrie et en Ukraine. 

La veille, le gouvernement de la chancelière Angela Merkel (CDU, Union chrétienne-démocrate) a critiqué le président russe Vladimir Poutine en termes particulièrement sévères. Le secrétaire de presse de Merkel, Steffen Seibert, a déclaré que les gouvernements russes et syriens étaient responsables de la catastrophe humanitaire dans la ville d'Alep. La proposition de la Russie de mettre en place un couloir d'approvisionnement pour la nourriture, l'eau et les médicaments, et de garantir un cessez-le-feu quotidien de trois heures, n’était, selon Seibert, « pas motivée par la bonne volonté, mais par le cynisme ».

« Le gouvernement allemand a rarement critiqué la Russie aussi violemment sur la guerre en Syrie », a commenté le Süddeutsche Zeitung dans son article de tête. Le journal soutient la position du gouvernement allemand. 

Sur la page d'opinion du même journal, Stefan Kornelius écrit: « A Alep le monde sera témoin de crimes contre l'humanité où la Russie est fortement impliquée. Moscou alimente un conflit militaire qui rappelle les massacres dans les décombres de la Seconde Guerre mondiale ». Les « paroles de mise en garde » de Berlin étaient bienvenues, mais les mots « ne suffisent jamais à faire entendre raison à un camp belligérant ». 

Berthold Kohler a présenté des arguments similaires dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ). Le Kremlin utilisait la retenue de l'Amérique pour dicter le cours des événements en tant que partie prenante dans la guerre. La catastrophe humanitaire d’Alep était une occasion pour le gouvernement russe. Le « cynisme de Moscou » ne se montrait pas seulement en Syrie. Les « déclarations du Kremlin dans le conflit en Ukraine sont également pleines de mensonges, de moquerie et de dérision ». 

La politique étrangère allemande devait montrer au Kremlin « que la coopération fonctionnera en sa faveur, pas la confrontation », écrit le rédacteur en chef adjoint du FAZ. Suivait une critique voilée du ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier: « Certaines voix en Occident, allemandes même, ont été et sont, cependant, susceptibles de laisser Moscou supposer le contraire ». Le « déni de réalité et les vœux pieux » derrière tout cela ne font qu'encourager le « cynisme moscovite » écrit Kohler. 

Lundi, Steinmeier a profité de sa visite à Ekaterinbourg dans l'Oural pour discuter avec son homologue russe Sergueï Lavrov de la dernière escalade du conflit entre la Russie et l'Ukraine et de la guerre à Alep. 

Suite à la discussion, Steinmeier a déclaré que « la pluie continue de bombes » devait cesser. « Cela ne peut et ne doit pas continuer ». Il a dit qu'il avait été déçu par le refus de la Russie d'un cessez-le feu durable, mais voulait bientôt reprendre les discussions. 

Si Steinmeier a apporté son aide à l'encerclement de la Russie par l'OTAN, il a tenté de maintenir ouvertes les lignes de communication avec le Kremlin pour pouvoir aussi exercer une pression politique sur la Russie. C’est pourquoi il enveloppe la politique agressive de l'OTAN dans des formulations diplomatiques et modérées. 

Cela ne plaît pas à certains bellicistes des médias, qui exigent une politique étrangère allemande encore plus agressive. Un représentant typique de cette attitude est Thomas Roth, présentateur de l'émission d'actualités Tagesthemen, dont les reportages anti-russes unilatéraux éclipsent ceux des autres médias . 

Lundi 16 août, Roth a introduit son rapport sur la réunion des ministres des Affaires étrangères à Ekaterinbourg avec les mots: « Bien entendu, parler est mieux que tirer ». Mais tous les participants devraient aussi le vouloir, a-t-il ajouté. À Ekaterinbourg, les Russes ont déjà choisi le tir au lieu de la discussion « tout comme les bolcheviks de Lénine ont abattu la famille du tsar en juillet 1918, » a continué Roth. 

Le compte-rendu de Roth fut suivi d'un rapport tendancieux de Golineh Atai sur la situation en Ukraine. Le correspondant a cité une source des plus douteuses le « militant des Tatars de Crimée » Ilmi Umerov comme témoin principal pour réfuter les allégations russes que le gouvernement de Kiev avait monté une provocation terroriste contre la Crimée sous contrôle russe. Umerov est un adversaire reconnu du gouvernement russe, qui a été temporairement détenu par les services secrets russes au printemps.

Il y a deux ans, les compte-rendus de Golineh Atai sur le putsch en Ukraine et les manifestations du Maidan étaient complètement biaisés : il présentait les événements comme un mouvement démocratique en dépit de la participation clairement visible des bandes d’extrême droite et de fascistes. La couverture de Tagesthemen était si tendancieuse qu'elle fut critiquée par le conseil consultatif de la chaîne de télévision ARD, le service qui le diffuse.

Depuis une semaine, l'agitation médiatique anti-russe s’est nettement intensifiée. Jeudi dernier, Spiegel Online déclarait: « Nous dédions cette journée à la guerre en Syrie, le conflit décisif de notre époque. » Les ruines et les morts d'Alep étaient « une honte pour le monde ». Les gens y étaient dans une situation désespérée, « les bombes syriennes et russes frappent les hôpitaux, des centaines de milliers de civils sont menacés ».

Une douzaine d’articles de propagande ont suivi: « Les médecins d'Alep demandent de l'aide à Obama », « Lignes rouges, occasions manquées, terres perdues, » « Des médecins rapportent de nouvelles attaques au gaz toxique contre Alep », et ainsi de suite. Sous le titre « Le successeur d'Obama va intervenir de manière plus décisive en Syrie, » Spiegel Online a publié une interview avec l'ancien responsable du département américain de la Défense Anthony Cordesman qui a souligné que l'Allemagne devait décider, « tôt ou tard, » si elle était prête « à assumer sérieusement une responsabilité partagée ».

Le même jour, Die Welt écrivait en gros titres: « L'Occident doit enfin arrêter Poutine ». Une semaine plus tôt, ce journal écrivait: « Alep est encore pire que Srebrenica » Le massacre de Srebrenica, où des milliers de Bosniaques ont été assassinés en 1995, joua un rôle important pour justifier la guerre de l'OTAN contre la Yougoslavie.

Le « magazine de débat » European a publié dans son numéro d'août un article intitulé: « L’axe des criminels de guerre Moscou-Damas-Téhéran ». Le magazine affirme que la Russie, la Syrie et l'Iran mènent une «guerre génocidaire sans regard pour les conséquences » et « le monde occidental » s’est rendu lui-même « complice de la barbarie. »

Avec leur bellicisme anti-russe, les médias aggravent le danger d'un conflit armé entre les deux principales puissances nucléaires, conflit qui coûterait des millions de vies en Europe et signifierait peut-être la fin de la civilisation humaine. Cette folie est leur réponse à l'intensification dramatique de la crise internationale du capitalisme.

Comme dans les années 1930, lorsque la classe dirigeante allemande nomma Adolf Hitler chancelier pour réprimer toute opposition sociale et politique et préparer la soumission violente de l'Europe et de l'Union soviétique, la classe dirigeante allemande s’engage à nouveau sur le chemin du militarisme, du renforcement de l'appareil d’État et de la promotion de la xénophobie pour intimider toute résistance et prendre part à la course aux matières premières et aux marchés.

Elle suit en cela le chemin des États-Unis qui encerclent systématiquement la Russie et la Chine et ont détruit une grande partie du Moyen-Orient pour défendre leur position hégémonique mondiale.

L'affirmation que la Russie est « une puissance agressive et expansionniste » (FAZ) est une déformation grotesque des faits. Depuis la dissolution de l'Union soviétique il y a 25 ans, l'OTAN s’est rapprochée sans cesse des frontières de la Russie. Presque tous les pays d' Europe de l'Est autrefois alliés à l'Union soviétique, ainsi que les anciennes républiques soviétiques baltes, ont rejoint des alliances militaires occidentales.

La crise en Ukraine a été délibérément provoquée par les puissances occidentales. Au début de 2014, Washington et Berlin ont organisé un putsch contre le président pro-russe Viktor Ianoukovitch, en étroite collaboration avec les forces fascistes, et l’ont remplacé par l'oligarque pro-occidental Petro Porochenko. Depuis, le pays a été plongé toujours plus avant dans la guerre civile et la corruption, et la situation de la population a considérablement empiré.

La guerre en Syrie est elle aussi le résultat des tentatives de changement de régime de Washington – avec les mêmes conséquences désastreuses pour la population. Les soi-disant rebelles se composent essentiellement des milices associées à Al-Qaïda et d'autres groupes islamistes et sont fournies en armes et en fonds par la CIA, l'Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie. Maintenant, les médias allemands se plaignent parce que l'intervention de la Russie dans le pays a en bonne partie détruit et affaibli ces forces meurtrières.

Le régime de Poutine n'a pas de réponse progressiste à cette agression impérialiste. Il s’appuie sur des oligarques criminels qui se sont enrichis avec la propriété d'Etat suite à la dissolution de l'Union soviétique. Ils ne peuvent pas faire appel à la classe ouvrière internationale et oscillent entre des tentatives de se concilier l'Occident à tout prix et les menaces de représailles militaires. Cela rend la situation d'autant plus dangereuse et explosive.

(Article paru en anglais le 17 août 2016)

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