Cinquante quatre personnes tuées dans l’attentat suicide visant un mariage en Turquie

Cinquante quatre personnes sont mortes et soixante-neuf ont été blessées, le 20 août, lors d’un attentat suicide horrifiant visant un mariage kurde dans la ville turque de Gaziantep, proche de la frontière syrienne. De nombreuses victimes grièvement blessées luttent encore contre la mort.

Le Parti démocratique populaire (HDP) pro-kurde a confirmé que le mariage était celui d’un de ses membres. La noce tirait à sa fin et les invités commençaient à partir quand le kamikaze, identifié comme un garçon âgé de 12 à 14, a fait sauter sa veste explosive. « Les célébrations touchaient à leur fin et il y eut une grosse explosion, » a dit l’un des invités, « il y avait du sang et des débris humains partout. »

Il y avait beaucoup d’enfants parmi les victimes, apparemment parce qu’ils s’étaient rassemblés d’un côté de la danse folklorique à la noce et se trouvaient donc plus proches de l’explosion.

Les deux mariés, Besna et Nurettin Akdogan, ont été blessés. « Ils ont transformé notre mariage en bain de sang, » a dit la mariée à l’Agence de presse turque Anadolu après avoir quitté l’hôpital.

Le couple se serait enfui de la ville de Siirt et réfugié à Gaziantep afin d’échapper aux combats entre l’armée turque et les milices ethniques kurdes en Turquie. L’offensive du gouvernement contre les séparatistes kurdes s’est intensifiée lorsque les milices kurdes du côté syrien ont commencé à jouer un rôle plus important dans la guerre.

Des funérailles de masse ont eu lieu dimanche pour les victimes de l’attentat, bien que les autorités aient dit que d’autres tests ADN étaient nécessaires pour identifier toutes les victimes dont beaucoup ont été déchiquetées.

Plusieurs chefs d’État ont fait des déclarations condamnant l’attentat. Le président russe Vladimir Poutine l’a appelé « scandaleusement cruel et cynique, » et le président français François Hollande l’a dénoncé comme une « attaque terroriste infâme. » La chancelière allemande Angela Merkel a adressé une lettre au premier ministre turc Binali Yıldırım regrettant qu’« Encore une fois, des hommes, des femmes et des enfants innocents aient été victimes d’une violence lâche et perfide. »

Le président américain Barack Obama s’est fait remarquer par son silence ; ses relations avec le président turc Recep Tayyip Erdo&;an se sont effondrées depuis qu’Erdo&;an a attaqué Washington publiquement pour avoir soutenu le coup d’État militaire manqué contre lui le mois dernier.

A l’heure de l’écriture de cet article, personne n’avait revendiqué la responsabilité de l’attentat de Gaziantep ; les médias internationaux et plusieurs responsables turcs ont attribué l’atrocité à l’État islamique en Irak et en Syrie (EI) qui aurait recruté des enfants pour les utiliser comme kamikazes.

« Les premières données suggèrent que c’était une attaque de l’EI, » a déclaré Erdo&;an lors d’une visite à Gaziantep après l’attaque qu’il a appelé un crime « odieux ». Déclarant que les attaquants visaient à « provoquer les gens en abusant des sensibilités ethniques et sectaires, » il a ajouté, « Notre pays et la nation ont un seul message à ceux qui nous attaquent : vous ne réussirez pas. »

L’atrocité de Gaziantep est le produit d’années d’incitation par Washington et ses alliés impérialistes européens à la terreur islamiste et au carnage ethnique dans la région dans le cadre de leur guerre par procuration de changement de régime en Syrie. Depuis 2011, les puissances de l’OTAN et leurs alliés du Moyen-Orient acheminent des milliards de dollars et de vastes quantités d’armes aux milices islamistes et nationalistes kurdes combattant en Syrie. Des centaines de milliers de Syriens sont morts et plus de 10 millions ont fui leurs foyers, déclenchant la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale.

Les tentatives d’Erdogan de suivre les méandres de la politique impérialiste ont eu des conséquences catastrophiques pour la Turquie, surtout depuis que Washington et ses alliés européens ont commencé à attaquer l’EI en 2014, après son expansion en Irak et menacé de renverser le régime fantoche soutenu par les États-Unis à Bagdad. L’EI a développé un réseau logistique important en Turquie et riposte depuis l’an dernier par une série d’attentats terroristes à l’intérieur de la Turquie.

Parmi ces attaques, il y a l’attentat d’octobre 2015 à Ankara, qui a tué cent cinq personnes et ceux de mars 2016 sur l’avenue Istiqlal à Istanbul. Tous deux avaient été planifiés par les forces de l’EI à Gaziantep.

La dernière attaque a été menée en représailles d’un changement encore plus large dans l’alignement des forces dans la guerre syrienne, qui a intensifié le conflit entre le gouvernement Erdo&;an et l’EI. Comme l’intervention militaire russe l’an dernier a fait pencher la balance de la guerre en faveur du président syrien Bachar al-Assad, le gouvernement turc a constamment changé sa politique. Se trouvant isolé après avoir, de façon irresponsable, abattu un bombardier russe au-dessus de la Syrie à l’automne dernier, et face à la perspective d’une défaite des forces soutenues par les États-Unis en Syrie, il a réorienté sa politique vis-à-vis de Moscou et du régime Assad.

Cette réorientation s’est accélérée le mois dernier après que Moscou eut prévenu Erdo&;an du coup d’État préparé contre lui par des agents turcs agissant depuis la base aérienne turque d’Incirlik, une plaque tournante critique pour les frappes aériennes des États-Unis et de l’OTAN en Syrie et en Irak.

Tant Washington que l’EI sont furieux des liens qui se développent entre la Turquie, la Syrie, la Russie et maintenant la Chine qui a promis la semaine dernière de commencer à élargir son aide au régime d’Assad.

Peu avant l’attentat de Gaziantep, le premier ministre turc, Binali Yıldırım, a précisé que son gouvernement envisageait de prendre l’initiative sans précédent de permettre à Moscou d’utiliser la base aérienne d’Incirlik pour bombarder l’EI. Cette base a été traditionnellement utilisée par Washington pour faire avancer ses desseins contre Moscou. Les remarques de Yıldırım ont confirmé les rumeurs qui ont circulé depuis qu’Igor Morozov, un membre de la chambre haute russe, a appelé Moscou à passer un « accord avec Erdo&;an que nous obtenions la base de l’OTAN à Incirlik comme notre principale base aérienne. »

Yıldırım a déclaré à la presse, « La Turquie a ouvert la base aérienne d’Incirlik pour lutter contre les terroristes de l’EI. Elle est utilisée par les États-Unis et le Qatar. D’autres pays pourraient également souhaiter utiliser cette base que les Allemands utilisent aussi actuellement. » A la question spécifique de savoir si Moscou pouvait également utiliser la base aérienne d’Incirlik, Yıldırım a répondu : « Si nécessaire, la base Incirlik peut être utilisée. »

Les responsables américains sont de plus en plus furieux de ces changements qui menacent de séparer la Turquie de l’OTAN et de créer un large réalignement des grandes puissances contre les États-Unis en Eurasie. Ces derniers répondent par une escalade irresponsable des menaces d’action militaire contre les forces gouvernementales russes et syriennes, au risque de provoquer une guerre mondiale.

La semaine dernière, après que les Forces aériennes d’Assad ont bombardé la milice kurde où se trouvaient des Forces spéciales américaines « embarquées » opérant illégalement en Syrie, le porte-parole du Pentagone a averti que les États-Unis étaient prêts à attaquer quiconque menaçait ses troupes, au risque d’un affrontement direct avec la Russie, l’Iran ou les forces syriennes.

Samedi 20 août, le commandant des forces américaines en Irak et en Syrie, le lieutenant-général Stephen Townsend, a lancé une menace plus officielle d’entreprendre une action militaire contre la Syrie et la Russie. Il a dit à CNN : « Nous avons informé les Russes où nous en sommes... [Ils] nous disent qu’ils ont informé les Syriens, et je dirais simplement que nous allons nous défendre si nous nous sentons menacés. »

« Si les Syriens tentent cela de nouveau, ils sont en grand danger de perdre un avion, » a déclaré un haut fonctionnaire militaire américain resté anonyme à CNN.

Les commentateurs de CNN ont ajouté que la situation « augmente la probabilité d’un conflit direct » entre les forces américaines d’une part, et Moscou et Damas de l’autre.

(Article paru d’abord en anglais le 22 août 2016)

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