Affrontements militaires entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabakh

Au cours du week-end de violents combats ont éclaté entre forces azéries et arméniennes à propos de la région contestée du Haut-Karabakh. Celle-ci est située au sud-ouest de l'Azerbaïdjan, près de l'Arménie orientale dans le sud du Caucase et avait proclamé son indépendance en 1991. Les affrontements auraient fait en tout 30 morts parmi les soldats et causé des pertes civiles. 

Les deux pays se sont renvoyé la responsabilité des combats et il est difficile de savoir comment ils ont commencé. Samedi, l'Azerbaïdjan a déclaré que douze soldats azéris avaient été tués et un hélicoptère Mi-24 abattu durant les combats. Selon le gouvernement arménien, dix-huit de ses combattants ont été tués et 35 blessés. 

L'Arménie a accusé l'Azerbaïdjan d'avoir lancé vendredi 1er avril au soir une « attaque massive le long de la ligne de front du Karabakh avec des chars, de l'artillerie et des hélicoptères ». Pour sa part, l'Azerbaïdjan a déclaré qu’il avait riposté après avoir essuyé des tirs d'« artillerie de gros calibre et de lance-grenades ». 

Le conflit menace de dégénérer en guerre plus large entre la Russie, principal soutien de l'Arménie, et la Turquie, alliée de l'Azerbaïdjan, et ayant derrière elle toute l'alliance de l'OTAN. La Turquie soutient l'Azerbaïdjan où les Azéris turcophones sont l'ethnie majoritaire; les relations entre la Turquie et l'Arménie sont particulièrement conflictuelles en raison du massacre des Arméniens par l'empire ottoman en 1915. 

Dans ce contexte, il est significatif que des journaux américains aient attribué la responsabilité des combats aux Azéris. Le Wall Street Journal écrit, « Dans la nuit de vendredi, les forces azéries ont lancé une offensive afin de saisir des positions au Haut-Karabakh, une enclave de population majoritairement arménienne située à l'intérieur des frontières de l'Azerbaïdjan et prise par l'Arménie au cours d'une guerre de six ans ayant pris fin avec un cessez-le-feu en 1994 ». 

Les responsables azéris ont indiqué vouloir une solution militaire plutôt que diplomatique du conflit. L'ambassadeur d’Azerbaïdjan en Russie Polad Bulbuloglu a déclaré à Russia Today, qui appartient à l'Etat russe, « Les tentatives de trouver une solution pacifique à ce conflit durent depuis 22 ans. Combien de temps faudra-t-il encore? Nous sommes prêts à une solution pacifique de la question. Mais si on ne la résout pas pacifiquement, nous la résoudrons par des moyens militaires ». 

Dimanche, bien que l'Azerbaïdjan ait annoncé une trêve unilatérale dans la lutte contre les forces arméniennes, l'Arménie a dénoncé l’annonce de Bakou, déclarant que les combats se poursuivaient et que l'Arménie se préparait à intervenir. 

« L'Arménie a violé toutes les normes du droit international. Nous ne renoncerons pas à notre position principale. Mais en même temps nous respecterons le cessez-le feu et après, nous essaierons de résoudre le conflit pacifiquement », a déclaré le président, Ilham Aliyev. 

« La déclaration de l’Azerbaïdjan est un piège à informations et ne constitue pas une trêve unilatérale », a déclaré Artsrun Hovhannisyan, porte-parole du ministère arménien de la Défense. Le ministre adjoint de la Défense David Tonoyan a dit que l'Arménie était prête à fournir « une aide militaire directe » aux forces du Haut-Karabakh si nécessaire. 

Les combats entre les deux pays au sujet de la région contestée sont les plus intenses depuis le cessez-le-feu de1994 négocié par la Russie et ayant mis fin à la guerre entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie.

Le Haut-Karabakh, région montagneuse à population majoritairement arménienne à l'intérieur de l'Azerbaïdjan, s’était déclarée indépendante en 1991. Le conflit du Haut-Karabakh a commencé en 1988 quand l'Azerbaïdjan et l'Arménie faisaient encore partie de l'Union soviétique et a dégénéré en guerre à grande échelle au début des années 1990, après que la bureaucratie stalinienne a dissous l'Union soviétique, en 1991. La guerre entre troupes azéries et séparatistes arméniens avait tué quelque 30.000 personnes jusqu’à la trêve de 1994. 

Le conflit actuel survient au milieu d'une escalade des tensions entre l'OTAN et la Russie en raison de l'intervention américaine et européenne dans la région. Les puissances de l'OTAN ont orchestré un coup d'Etat en Ukraine en février 2014, mené par des fascistes, pour évincer le président pro-russe Viktor Ianoukovitch. Depuis, les puissances de l' OTAN opère un renforcement militaire massif contre la Russie en Europe orientale et faisant partie d'un plan visant à réduire la Russie à l’état de semi-colonie.

La Russie et l'OTAN se sont également affrontés à propos de la Syrie: alors que la Russie soutient le régime de Bachar al-Assad, les Etats-Unis et l'UE ont attisé une guerre par procuration et soutenu diverses forces islamistes liées à Al-Qaïda, dont l’Etat islamique, pour évincer Assad. Après que l'oligarchie du Kremlin a monté sa propre intervention militaire réactionnaire l’an dernier pour soutenir Assad – craignant que la perte de son allié syrien ne sape son influence dans le monde et encourageant Washington à intensifier les opérations islamistes de déstabilisation en Russie même – la Turquie a directement abattu en Syrie un avion de chasse russe en novembre dernier.

De telles actions irresponsables des puissances de l'OTAN ont exacerbé les conflits dans la région et menacent de faire dégénérer des conflits comme celui du Haut Karabakh en guerre totale, désastreuse.

Le Christian Science Monitor cite Jeffrey Mankoff, ancien conseiller en relations russo-américaines au département d'Etat et actuellement directeur adjoint du Programme Russie et Eurasie du Center for Strategic and International Studies, disant : « La Russie ne cherche pas simplement la paix, mais est plutôt à la recherche d'un arrangement qui maximise son influence régionale sur les deux pays. S'il y a un règlement, il devra être aux conditions de la Russie ».

« La Russie ne veut pas de conflit parce qu'elle essaie d'accroître son influence sur les deux pays. Si elle peut y arriver grâce à la résolution du conflit, alors c'est une option, mais à défaut, le statu quo profite assez bien à la Russie», a dit Mankoff.

La Russie a 5.000 soldats en Arménie afin de dissuader une guerre turque contre l'Arménie par la menace que cela pourrait dégénérer en guerre avec la Russie. Mankoff a expliqué que « le rôle principal des troupes russes est de décourager une implication turque, s’il devait y avoir un reprise sérieuse du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ».

Le danger de guerre constitué par la crise du Haut Karabakh met en évidence les conséquences géopolitiques désastreuses de la dissolution de l'URSS et le caractère réactionnaire de la politique nationaliste qui prédomine dans toutes les anciennes républiques soviétiques, dont la Russie. Cela a fourni la base de conflits ethniques explosifs et d’intrigues impérialistes dans la région.

Dans un communiqué, le Département d' Etat a déclaré, « Nous exhortons les deux camps à faire preuve de retenue, à éviter une nouvelle escalade et à respecter strictement le cessez-le-feu. Nous réaffirmons qu'il n'y a pas de solution militaire au conflit. » Il a également condamné « dans les termes les plus forts les violations nombreuses du cessez-le-feu ... qui ont entraîné un certain nombre de victimes signalées, dont des civils. »

Dans ce dernier conflit, le gouvernement turc du président Recep Tayyip Erdogan a condamné l'Arménie et a pris une position agressive. Déclarant qu'il soutiendrait l’Azerbaïdjan « jusqu’au bout », Erdogan a déclaré, « Nous prions pour que nos frères azéris l’emportent dans ces affrontements ».

Erdogan a également reproché au Groupe de Minsk (France, Russie et États-Unis) de ne pas avoir mis en œuvre une solution du conflit du Haut Karabakh. « Si le Groupe de Minsk avait résolu le problème en temps voulu, on n'aurait pas été témoin des événements qui se déroulent actuellement sur ​​la ligne d’affrontement », a dit Erdogan aux Etats-Unis lors d' une cérémonie d'ouverture d'un Centre de culture et de civilisation turco-américaines, dans le Maryland .

La Russie et l'Iran ont quant à eux exhorté l’Azerbaïdjan et l' Arménie à cesser le feu immédiatement. « Le président Poutine appelle les parties en conflit à observer un cessez-le-feu immédiat et à faire preuve de retenue afin d'éviter de nouvelles victimes », a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.

« Nous invitons nos deux voisins du Nord à la retenue et à éviter toute action qui puisse rendre la situation plus difficile », a déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hossein Jaberi Ansari.

(Article paru en anglais le 4 avril 2016)

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