En lançant “En marche”, Macron se prépare à un éclatement du PS

L'initiative prise par l'actuel ministre de l'Economie Emmanuel Macron de créer son propre mouvement, “En marche”, mercredi 6 avril à Amiens fait partie d'une série d'initiatives du même genre de la part de politiciens du PS ou proche de lui. Ils prévoient que le Parti socialiste, dont la crise s'aggrave, pourrait se désintégrer après l'élection de 2017. 

Macron n' a pas créé un nouveau parti politique, et son association n'a pas de programme différent de celui du gouvernement PS dont il reste un des ministres les plus importants pour imposer l'austérité aux travailleurs. Il dément briguer une candidature contre Hollande ou un autre candidat PS aux présidentielles en 2017, mais dit se situer définitivement dans la perspective de l'après 2017. 

Sa principale déclaration jusque là a été de situer son mouvement « ni à gauche ni à droite », ce qui le caractérise définitivement comme à droite et le place, même s'il se démarque de l'extrême droite, dans la tradition de ceux dont le programme est de supprimer la lutte des classes. L'association « En marche » est domiciliée tout bonnement dans l'appartement du directeur de l'Institut Montaigne, une boite à penser proche du Medef. 

Macron met surtout en avant un « style » jeune entrepreneur afin de donner un vernis de modernité aux attaques brutales contre les droits démocratiques et sociaux menées par le PS. Son appel « citoyen », et dont les principales qualités sont censées être la « sincérité » et la jeunesse, fait appel à tous les clichés et les idées reçues de la politique bourgeoise en France. Il veut s'adresser à une « France dynamique » et marquer sa distance face à la « politique politicienne » et aux « appareils ». 

Le droitier Figaro le voit déjà en futur candidat à la présidence de la République ; les dirigeants de LR (Les républicains), dont l'ex-premier ministre François Fillon et l'ex-premier ministre de Chirac, Jean-Pierre Raffarin ont souligné la proximité des idées de Macron et des leurs. Le dirigeant du Medef Pierre Gattaz a salué son initiative avec enthousiasme. 

Macron, qui n' a jamais été élu, serait depuis plusieurs mois en discussion avec de « nombreux élus », indiquant qu'il recherche éventuellement un point de chute électoral qu'il n'a pas encore. 

Le Parti socialiste est un parti profondément en crise. Celle-ci est apparue au grand jour quand Hollande a décidé d'abandonner la déchéance de nationalité et l'inscription de l'état d'urgence dans la constitution. Cela a atterré une partie des médias qui ont vu se profiler un désastre électoral pour le PS à l'élection présidentielle de 2017. 

Mais il ne s'agit pas seulement de la crise récente produite par la profonde impopularité de Hollande et par l'hostilité que lui a valu sa politique d'austérité et ses préparatifs d’État policier. C'est tout l'ensemble du projet d'un parti bourgeois « de gauche » pour défendre le capitalisme après Mai-juin 1968 qui s'effondre, alors que s'intensifie la crise capitaliste et la lutte des classes. 

Macron n'est que le dernier en date d'un certain nombre de politiciens du PS ou proche de lui qui ont décidé de créer des « mouvements » semi-indépendants du PS. Après l'éruption de la crise économique en 2008, le premier à prendre une telle initiative avait été, en février 2009, l'ex-ministre du gouvernement Jospin Jean-Luc Mélenchon. Il a lancé son Parti de gauche, qu'il a très rapidement arrimé à l'appareil politique et syndical des staliniens pour bénéficier d'une plate-forme électorale. 

Puis, en novembre 2015, c'est le député PS « frondeur » Pouria Amirshahi qui a constitué son « Mouvement commun », une plateforme « citoyenne » proche de la politique identitaire et de genre, et dénuée de toute référence au socialisme. 

La proposition d'une primaire à gauche en vue de l'élection présidentielle présentée au mois de janvier et impulsée entre autre par le politicien Vert Daniel Cohn-Bendit, était elle aussi une réaction à la crise du PS. Elle avait pour but de défendre le PS et préconisait une « reconquête citoyenne des institutions ». 

En février Cohn-Bendit avait signé avec un des ténors du PS, Martine Aubry, la maire de Lille, une déclaration commune contre Hollande à qui ils reprochaient « d'affaiblir le pays » en dévoilant trop crassement sa politique d'extrême-droite. 

Les tendances qui sortent du PS anticipent la fin prochaine de ce parti. Elles cherchent à se positionner pour en récupérer les morceaux de la façon la plus avantageuse quand il se désintégrera: groupes constitués, sièges, fonctions officielles, réseaux, prébendes, influence et ressources accumulées pendant quatre décennies en tant que parti institutionnel. Mais ils hériteront surtout aussi sa politique réactionnaire de parti de l'aristocratie financière. 

Il est à noter que tous les mouvements créés de la sorte ont en commun qu'ils veulent faire disparaître toute association, même la plus ténue, avec le socialisme. Si Macron est le plus explicite dans son hostilité aux travailleurs et son adoption ouverte des intérêts de l'aristocratie financière, Mélenchon lui, a proclamé en 2014 la mort de la gauche et du socialisme et l'importance nulle de la classe ouvrière. Amirshahi et son mouvement ne veulent plus rien avoir à faire avec le socialisme. 

L'actuel premier ministre Valls avait lui même préconisé en 2015 de renommer le PS et d'en éloigner le mot socialiste. 

L'initiative de Macron, sa promiscuité ouverte avec le Medef et ses déclarations hostiles à la classe ouvrière (il a récemment déclaré de façon provocatrice que la vie d'un chef d'entreprise était plus difficile que celle d'un ouvrier) montre qu'il compte trouver beaucoup de sympathie dans le PS. 

Selon certains journaux, cette initiative a provoqué des « grincements de dents » au gouvernement et au PS, car Macron montre tout haut ce qu'est réellement le PS, ce que lui a reproché ainsi un ministre: « On essaie de s'inscrire dans un gouvernement qui fait face aux réalités mais avec des valeurs. Et Macron va encore brouiller le message ». 

En fait, l'initiative de Macron souligne très clairement que le PS est un parti du patronat, hostile malgré son nom, au socialisme ainsi qu'à la classe ouvrière. La révélation de la vraie nature du PS et de sa périphérie s'accompagne de la crainte de plus en plus visible au sein de la classe dirigeante que le socialisme, en tant que projet politique mené par une lutte révolutionnaire de la classe ouvrière internationale, va revenir en force en France.

Loading