Après quatre jours de combats, l’Azerbaïdjan et l’Arménie appellent à un cessez-le-feu dans le Haut-Karabakh

L’Azerbaïdjan et l’Arménie ont, du à une forte pression internationale, déclaré un cessez-le-feu hier dans la région contestée du Haut-Karabakh. Après quatre jours de combats intenses, les tensions restent fortes et l'on craint que les combats ne déclenchent une guerre plus large dans la région.

Les quatre jours de combats entre les deux nations ont coûté la vie à 40 soldats et six civils, et fait plus de 200 blessés. Les combats étaient les plus intenses depuis le cessez-le-feu de 1994 négocié par la Russie.

Hier, des médiateurs de la Russie, de la France et des États-Unis se sont réunis à Vienne pour discuter du conflit. Le ministère français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, a déclaré que les trois pays enverraient des émissaires en Azerbaïdjan, en Arménie et dans le Haut-Karabakh. Il a appelé à un cessez-le-feu immédiat, disant que le conflit ne pouvait être résolu par la force.

Lundi, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le secrétaire d’État américain John Kerry ont tenu une conférence téléphonique appelant à une reprise immédiate du cessez-le-feu. « Le premier sujet était de discuter des efforts pour assurer une fin immédiate de la violence qui a éclaté le long de la ligne de conflit du Haut-Karabakh, » a déclaré le porte-parole adjoint du Département d’État, Mark Toner. Il a encore dit que Washington avait encouragé l’Arménie et l’Azerbaïdjan à reprendre les pourparlers et à éviter une nouvelle escalade.

Le Haut-Karabakh, une région montagneuse majoritairement arménienne en Azerbaïdjan a déclaré son indépendance en 1991. Le conflit du Haut-Karabakh a commencé en 1988 quand l’Azerbaïdjan et l’Arménie étaient encore des républiques de l’Union soviétique et a dégénéré en guerre réelle au début des années 1990, après que la bureaucratie stalinienne a restauré le capitalisme et dissous l’Union soviétique en 1991. La guerre entre troupes azéries et séparatistes arméniens avait fait quelque 30.000 morts jusqu'à la trêve de 1994.

Des doutes persistent quant à la durée réelle du cessez-le-feu, les tensions entre les deux pays restant fortes et les combats pouvant éclater de nouveau dans une région déstabilisée par les guerres impérialistes et où des régimes réactionnaires cherchent à détourner la colère sociale croissante vers les conflits ethniques.

L’Azerbaïdjan et l’Arménie se donnent mutuellement la faute des récents combats. Cependant, il devient de plus en plus clair que le régime azéri a tenté de reconquérir la région contestée avec le soutien de la Turquie. Les autorités du Haut-Karabakh, soutenu par l’Arménie, essayent de reprendre les zones saisies par les troupes azéries. Cela menace de dégénérer en guerre entre la Russie, le principal soutien de l’Arménie, et la Turquie avec derrière elle l’OTAN tout entière.

Lundi, le régime azéri a accusé l’Arménie de lancer des bombardements intensifs et a annoncé que ses forces avaient été rendues totalement opérationnelles dans le but de frapper plus loin à l’intérieur du territoire contesté. Le ministère de la Défense azéri a déclaré : « En dépit des avertissements répétés du ministère de la Défense, l’Arménie ne laisse pas à l’Azerbaïdjan d'autre choix que de prendre des mesures de rétorsion appropriées en réponse à ses initiatives inhumaines. »

Le ministre de la Défense Zakir Hassanov a averti que les troupes azéries avaient été préparées à une attaque majeure sur Stepanakert (également connu sous le nom Khankendi, 50.000 habitants), la capitale et principale ville du Haut-Karabakh, si les séparatistes « n’arrêtaient pas de bombarder nos colonies. »

« Le ministre de la Défense a donné l’ordre à toutes les troupes, y compris les troupes d’artillerie d'être prêtes à porter des coups dévastateurs à Khankendi et d’autres villes azéries occupées au moyen d’équipement de combat lourd si le camp ennemi ne cesse de frapper nos zones peuplées, » dit Hasanov.

Lundi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que la Turquie avait soutenu les efforts de l’Azerbaïdjan pour réaffirmer son contrôle sur le Haut-Karabakh et continuerait de le faire. Faisant allusion à la mort de 12 soldats azéris, Erdogan a dit : « Le feu des massacres arméniens au Karabakh continue à brûler dans nos cœurs. Karabakh sera sûrement retourné à son propriétaire légitime, l’Azerbaïdjan, un jour. »

Le Wall Street Journal a cité David Babayan, un responsable du Haut-Karabakh, accusant « les instructeurs turcs d'avoir aidé les forces azéries. L’Azerbaïdjan ne pouvait pas prendre ce genre d’initiative de son propre chef. »

L’Arménie a répondu par sa propre tentative d’intimidation réactionnaire, menaçant une « frappe adéquate » si l’Azerbaïdjan poursuivait les bombardements dans le Haut-Karabakh. Lundi, le président arménien Serge Sarkissian a déclaré que son pays continuerait à assurer la sécurité du Haut-Karabakh. Il a également menacé de reconnaître le Haut-Karabakh comme État indépendant si l’escalade des combats se poursuivait.

« Ayant participé à l’accord de cessez-le-feu de 1994, la République d’Arménie continuera à exercer pleinement ses obligations en assurant la sécurité de la population dans le Haut-Karabakh. De plus, j’ai chargé le ministère des Affaires étrangères de commencer à travailler sur un traité de coopération militaire avec Karabakh », a déclaré Sarkissian.

Il a également averti que les combats pourraient déclencher une guerre plus large dans la région, et dit que le conflit menaçait « la sécurité et la stabilité non seulement dans le Sud Caucase, mais aussi dans la région européenne. »

Le conflit du Haut-Karabakh alimente les feux allumés à travers le Moyen-Orient et dans le Caucase par des décennies d'interventions de la part des puissances impérialistes.

Les conflits entre les puissances de l’OTAN et la Russie se sont multipliés au cours de la guerre par procuration menée par l’OTAN pour renverser le président syrien Bachar al-Assad, un allié clé de la Russie, aussi bien que par le coup mené par des fascistes et soutenu par l’OTAN qui a renversé le régime pro-russe du président Viktor Ianoukovitch en Ukraine en 2014. Les relations entre la Turquie et la Russie se sont effondrées après que la Turquie a abattu un avion de chasse russe en Syrie, un acte de guerre flagrant visant à signaler sa désapprobation de l’intervention russe dans la région pour soutenir Assad.

Le Washington Post a souligné les dangers d’une escalade plus large et a critiqué la Turquie et la Russie, écrivant que l’intervention russe en Syrie « a eu un impact désastreux sur la politique turque. Pas étonnant que l’animosité turco-russe jette une ombre sur un autre conflit dans leurs arrière-cours respectives — un qui s’avère avoir lieu sur une voie de transit vitale du pétrole et du gaz vers l’Europe. »

Le danger de guerre posé par le Haut-Karabakh découle des conséquences catastrophiques de la dissolution de l’URSS, et de la politique nationaliste réactionnaire qui prédomine dans toutes les anciennes républiques soviétiques, dont la Russie. Cela a fourni la base de l’émergence de conflits ethniques explosifs et de l’intervention impérialiste dans la région.

L’économie azérie étant largement dépendante du pétrole de la Caspienne et du gaz, Bakou a été durement touché par le récent effondrement massif des prix du pétrole. Quinze pour cent des banques du pays ont fait faillite. Dans ces conditions, il semble que le régime de Bakou s’est tourné vers la guerre dans une tentative de détourner l’attention de la crise sociale croissante du pays en attisant le sentiment ethnique Azéri.

Le Washington Post a cité le chercheur Kevork Oskanian de l’Université de Birmingham disant que l’Azerbaïdjan, « sous-pression pour ‘libérer’ la région, est devenu désillusionné avec les négociations qui sont dans l’impasse, et la récente baisse des prix du pétrole a frappé l’économie de l’Azerbaïdjan très durement. »

Thomas de Waal, un associé de la boîte à penser Carnegie Europe, a écrit une analyse pour la BBC sur les combats disant: « Ce genre d’opération aurait l’avantage supplémentaire de distraire la population azerie des difficultés économiques provoquées par la chute des prix du pétrole. » Il a ajouté : « Si le cessez-le-feu s’effondre, il n’y a pas de casques bleus, et même si vous n’avez pas une guerre à grande échelle, il pourrait y avoir des combats de faible intensité qui détruisent complètement le processus de paix. »

(Article paru d’abord en anglais le 6 avril 2016)

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