Les réunions OTAN-Russie reprennent au milieu des craintes de conflit militaire en Europe

Les ambassadeurs des pays de l’OTAN et de la Russie se sont réunis hier à Bruxelles pour une séance du Conseil OTAN-Russie, suspendu depuis février 2014 après le putsch à Kiev soutenu par l’OTAN et le conflit qui a suivi en Ukraine. 

La préoccupation principale qui a incité à la reprise des séances du conseil était la crainte que les déploiements militaires de l’OTAN vers l’Europe de l’Est et la proximité qui en résulte entre l’OTAN et les forces russes puissent conduire à un affrontement militaire qui pourrait dégénérer en guerre totale. La réunion est intervenue après une série d’incidents au cours desquels des avions de combat russes avaient volé très près des navires de guerre de l’OTAN ou des avions de surveillance opérant près de la Russie dans la région de la mer Baltique. 

Après la réunion, le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a annoncé : « Je viens de présider une réunion du Conseil de l’OTAN-Russie. Et nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est dans notre intérêt à tous de garder les voies politiques ouvertes pour maintenir un dialogue politique. » 

Selon Stoltenberg, parmi les questions abordées figuraient la « crise dans et autour de l’Ukraine », la « situation de la sécurité en Afghanistan, y compris les menaces terroristes régionales », et la « transparence et la réduction des risques » liés aux « activités militaires. » 

Il a expliqué, « les alliés de l’OTAN ont exprimé leur inquiétude au sujet des incidents de la semaine dernière dans la région de la Baltique impliquant des avions militaires russes. Il est important d’examiner les mesures que nous pouvons tous prendre pour accroître la transparence et la prévisibilité. » Il a ajouté : « Surtout quand les tensions sont élevées, le dialogue politique est nécessaire pour discuter de nos différences et réduire les risques d’incidents militaires. » 

Les remarques de Stoltenberg sont un aveu à peine voilé que les politiques irresponsables menées par l’OTAN en Europe depuis le putsch à Kiev ont exacerbé les tensions internationales au point où un affrontement frontalier pourrait facilement éclater, conduisant à une escalade militaire avec des conséquences atroces. 

L’immédiateté du danger a été rendue claire l’année dernière, lorsque des avions de chasse turcs ont abattu un bombardier russe en mission au-dessus de la Syrie, la première fois qu’un État membre de l’OTAN avait détruit un avion de guerre russe depuis la guerre de Corée, il y a plus de 60 ans. 

Néanmoins, malgré les immenses dangers auxquels sont confrontés l’Europe et le monde entier, la réunion du Conseil OTAN-Russie n’a pris aucune mesure concrète pour apaiser les tensions entre les grandes puissances. Stoltenberg a confirmé qu’il n’y aurait « pas de retour à la coopération pratique » avec la Russie, en déclarant : « l’OTAN et la Russie ont des désaccords profonds et persistants. La réunion d’aujourd’hui n’a pas changé cela. » 

La réunion intervient deux jours après un appel téléphonique entre le président américain Barack Obama et le président russe Vladimir Poutine, décrit comme « intense » par les autorités américaines, suite à des rapports indiquant que l’artillerie russe était positionnée dans le nord de la Syrie pour une éventuelle offensive renouvelée là-bas. 

Ce risque d’escalade militaire dans cette situation a été souligné également par le diplomate allemand Wolfgang Ischinger, le président de la Conférence de Munich sur la sécurité, dans une interview avec la Deutsche Welle. Interrogé pour savoir si c’était une erreur pour l’OTAN de rompre les réunions du Conseil de l’OTAN-Russie, Ischinger a répondu que la décision de suspendre les réunions n’était pas « un grand moment de la diplomatie. » Il a ajouté que la situation actuelle est « la plus dangereuse, qu’il y a eu depuis la fin de la guerre froide. » 

Il a expliqué : « Au cours des derniers jours, il y a eu deux prétendues “rencontres rapprochées” en mer Baltique d’un avion militaire russe, avec un navire de guerre américain et avec un avion de reconnaissance américain. Dans de telles situations, un faux mouvement peut rapidement conduire à une escalade incalculable. » 

Ischinger a souligné que le Conseil de l’OTAN-Russie devrait se réunir à nouveau, ajoutant : « Je dirais que le premier point à l’ordre du jour doit être la création d’un arrangement militaire de prévention des crises 24/7 dont on a grand besoin. Des officiers occidentaux et russes doivent veiller à ce que de tels accidents évités de justesse, et les malentendus possibles auxquels ils donnent lieu, soient évités. » 

De telles remarques soulignent que la politique provocatrice menée au cours des dernières années par les puissances de l’OTAN d’alimenter de manière agressive les tensions avec la Russie et la Chine a placé le monde à la veille d’une guerre mondiale entre puissances dotées d’armes nucléaires. Les remarques de Ischinger minent également le compte rendu officiel du putsch à Kiev et de la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie qui a suivi en Ukraine, mettant à tort toute la responsabilité du conflit sur l’agressivité russe. Ils montrent clairement que c’était l’OTAN, et non pas le Kremlin, qui a rompu les lignes de communication après le putsch à Kiev. 

Néanmoins, les puissances de l’OTAN ont toutes soutenu une politique de confrontation avec la Russie sur l’Ukraine, dirigée par Washington et Berlin. L’OTAN est elle-même profondément et publiquement divisée entre des tentatives limitées de l’OTAN pour désamorcer le conflit, et certains gouvernements de l’OTAN en vue notamment en Europe orientale qui font pression pour une ligne dure anti-russe. 

Le ministre polonais de la Défense, Antoni Macierewicz, dont le gouvernement a annoncé lors d’un sommet de l’OTAN à Varsovie en juillet qu’il cherchera à poursuivre l’escalade militaire de l’OTAN en Europe orientale visant à la Russie, a appelé à de nouvelles augmentations de la force des troupes de l’OTAN à proximité des frontières russes. « Jusqu’à présent, tout comportement russe témoigne de préparatifs systématiques pour une agression », a-t-il dit au quotidien Rzeczpospolita dans une interview. « Et il est temps d’en parler ouvertement. » 

Le Monde a rapporté que l’Allemagne et la France avaient insisté pour que la réunion du Conseil de OTAN-Russie ait lieu face à l’opposition des républiques baltes, de la Pologne et du Canada. Le journal a ajouté : « C’était en réalité l’attitude plus conciliante du ministre des affaires étrangères américain John Kerry qui a finalement rendu possible un événement qui aurait été inimaginable il y a seulement quelques semaines. » 

Les autorités russes ont indiqué qu’elles étaient ouvertes à de nouveaux pourparlers pour calmer les tensions, mais que ces tensions ne se résorberaient pas aussi longtemps que l’OTAN intensifiera sa présence militaire en Europe de l’Est, menaçant ainsi la Russie. 

« Un autre dialogue sur les nouvelles mesures de renforcement de la confiance est impossible sans des initiatives réelles de l’OTAN pour réduire l’activité militaire aux frontières russes », a déclaré l’ambassadeur russe auprès de l’OTAN, Alexander Grouchko, au moment où il quittait la réunion du conseil. « Une politique et une planification militaire de l’OTAN qui s’appuient sur la dissuasion de la Russie sont incompatibles avec des plans pour créer des mesures pour renforcer la confiance. » 

Le Kremlin a néanmoins indiqué qu’il était ouvert à la coopération sur les mesures sélectionnées, comme sur un plan réactionnaire pour étendre l’opération « Resolute Support » de l’OTAN en Afghanistan, en maintenant des milliers de soldats dans le pays ostensiblement pour former ses forces de sécurité. 

(Article paru d’abord en anglais le 21 avril 2016)

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