Perspectives

Victoire de l’extrême droite au premier tour de l’élection présidentielle autrichienne: un avertissement

Le succès électoral du parti d’extrême droite FPÖ (Parti de la liberté) en Autriche dimanche dernier est un avertissement pour toute l’Europe. Il montre que la montée des partis d’extrême-droite, le nationalisme, le racisme et la guerre sont inévitables si le sort de l’Europe est laissé aux mains des partis établis et si la classe ouvrière n’intervient pas avec sa propre politique indépendante.

Le candidat FPÖ à la présidence, Norbert Hofer, a obtenu 35 pour cent des voix au premier tour de l’élection présidentielle. Le 22 mai, au deuxième tour, Hofer, 46 ans, sera opposé à Alexander Van der Bellen, 72 ans, professeur d’économie et candidat du Parti Vert arrivé deuxième loin derrière avec 21 pour cent des voix. Hofer a de bonnes chances de l’emporter. Dans ce cas, un idéologue d’extrême droite deviendrait président à Vienne pour la première fois dans l’histoire de la seconde république autrichienne, vieille de 71 ans. Hofer défend des positions islamophobes et xénophobes, sympathise avec le mouvement allemand PEGIDA et s’oppose à l’Union européenne.

Les sociaux-démocrates (SPÖ) et le Parti populaire autrichien, conservateur (ÖVP) qui gouvernent le pays depuis 1945, seuls ou dans des coalitions, et constituent le gouvernement actuel, ont subi une déroute. Les deux soi-disant ‘partis du peuple’ ont obtenu ensemble moins d’un quart des voix, leurs candidats ayant chacun obtenu 11 pour cent, soit ensemble moins d’un million de voix, alors que Hofer en a obtenu 1,5 million seul.

La responsabilité de la montée de l’extrême-droite incombe directement à ces deux partis aussi bien qu’aux syndicats et aux groupes de pseudo de gauche qui opèrent dans leur milieu pour les couvrir.

En 1999, Wolfgang Schüssel de l’ÖVP, alors chancelier, a ouvert la voie à la montée du FPÖ en faisant entrer Jörg Haider, son dirigeant à l’époque, dans son gouvernement en dépit de considérables protestations internationales. Depuis, le FPÖ est passé par une scission, a été secoué par une série de crises, scandales de corruption et affaires et s’est déplacé encore plus à droite. Malgré cela, il a pu obtenir une série de succès électoraux; son résultat de dimanche fut le meilleur qu’il ait jamais obtenu dans une élection fédérale.

Cela est tout d’abord dû aux attaques sociales menées par le gouvernement de Vienne. Depuis les élections parlementaires il y a deux ans et demi, la ‘grande coalition’ dirigée par le chancelier Werner Faymann (SPÖ) a mis en œuvre un programme strict d’austérité au détriment de la classe ouvrière. Elle a augmenté l’âge de la retraite, réduit les emplois du secteur public et limité les augmentations salariales. Le nombre de chômeurs est passé de 300.000 à 475.000 en cinq ans. Le taux de chômage dépasse les 10 pour cent.

Le gouvernement a collaboré étroitement avec la bureaucratie syndicale sur laquelle il est fermement aligné à travers un système de relations corrompues. Comme aucun parti ne s’oppose à ces attaques, le FPÖ a réussi à canaliser derrière lui la colère et la frustration.

Bien que le FPÖ fasse de l’agitation contre les réfugiés, les analystes électoraux disent que le vote n’était pas contre les réfugiés. Bien plus décisive a été l’indignation envers le gouvernement SPÖ/ÖVP qui a, selon un sondage Sora, une cote défavorable de 68 pour cent.

« Seul une personne sur dix a qualifié de positifs les développements de ces dernières années et la frustration avec la politique en général a été ressentie par 80 pour cent, » déclare un article publié par Deutsche Welle. « En outre, les craintes augmentent au sujet de la sécurité de l’emploi après des années de hausse du chômage, de nombreux citoyens craignent un déclin économique. »

La deuxième raison est que les sociaux-démocrates et le Parti populaire ont ouvert la voie au FPÖ en adoptant dans une large mesure sa politique xénophobe et en en faisant la base de la politique gouvernementale. Ils ont fermé les frontières avec la Hongrie et l’Italie, introduit un plafond pour les réfugiés et supprimé le droit d’asile en collaboration avec les gouvernements droitiers de Hongrie et des Balkans. Dans l’état autrichien de Burgenland, les sociaux-démocrates ont même formé un gouvernement de coalition avec le FPÖ.

Dans ces conditions, un sondage Sora suggère que seulement 5 pour cent d’ouvriers ont voté pour le candidat du SPÖ, Rudolf Hundstorfer, qui a dirigé les syndicats autrichiens en 2007 et est depuis 2008 ministre du Travail et des Affaires sociales. Soixante-douze pour cent ont exprimé leur colère en votant pour le candidat FPÖ.

Ceux qui rendent la classe ouvrière responsable du renforcement du FPÖ et appellent à une « alliance des démocrates » contre le FPÖ, c'est-à-dire une alliance avec les partis gouvernementaux corrompus, les Verts et les syndicats, ne manquent pas. Le Parti communiste appelle à voter pour Van der Bellen, tandis que le Sozialistische Linkspartei, l’aile autrichienne du Comité pour une Internationale Ouvière (CIO) invite « l’aile gauche du SPÖ et les syndicats » à faire campagne ensemble contre Hofer.

En réalité, c’est là le moyen le plus sûr d’accélérer encore la montée du FPÖ.

La montée de l’extrême-droite ne peut être stoppée que par un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière qui mène une lutte implacable contre la politique d’austérité, la xénophobie, le renforcement de la répression étatique et la politique militariste du gouvernement et de tous les partis bourgeois. Un tel mouvement couperait l’herbe sous les pieds des démagogues de droite et gagnerait à sa cause la classe moyenne appauvrie qui vote actuellement pour le FPÖ.

Des développements similaires à ceux de l’Autriche ont lieu dans un certain nombre de pays européens. En France, l’influence du Front national d’extrême-droite est en plein essor en raison de la politique de droite du président François Hollande et de son Parti socialiste au gouvernement, soutenu par les syndicats et divers groupes pseudo de gauche. En Allemagne, l’Alternative pour l’Allemagne (Afd) profite du programme droitier poursuivi par le SPD et le Parti de gauche. Et en Grèce, la trahison de SYRIZA a encouragé la montée du parti fasciste Aube dorée.

Ces partis de droite sont enchantés du succès électoral du FPÖ. La dirigeante du FN, Marine Le Pen, l’a décrit comme « une forte impulsion pour les mouvements patriotiques » dans tous les pays. Le populiste de droite néerlandais Geert Wilders a tweeté « fantastique. » Et le membre du comité exécutif de l’Afd André Poggenburg a déclaré : « Avec cela, nos alliés politiques en Autriche ont posé un nouveau jalon important. »

En Allemagne, le Parti de gauche, lui-même responsable des coupes sociales dans un certain nombre de Lands où il détient le pouvoir, appelle à une alliance anti-Afd englobant les syndicats, les églises et le SPD, ainsi que les Verts et le conservateur CDU/CSU. Une telle alliance aurait pour tâche de mener l’opposition à l’extrême droite dans une impasse politique.

Comme tous les partis bourgeois, le Parti de gauche craint un mouvement de la classe ouvrière qui menace les fondements du capitalisme beaucoup plus qu’il ne craint l’Afd. Il saurait, si nécessaire, travailler de concert avec l’Afd, comme le SPÖ autrichien le fait déjà avec le FPÖ.

La colère et l’opposition de millions exigent une nouvelle stratégie. La lutte contre l’extrême-droite, les coupes sociales et la guerre exige la mobilisation de la classe ouvrière internationale sur la base d’un programme anti-capitaliste et socialiste. La même crise du capitalisme mondial qui fait aller la classe dirigeante toujours plus à droite crée également les conditions pour la construction d’un tel mouvement.

Le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) consacre son rassemblement international en ligne ce dimanche 1er mai à 19 heures, heure de Paris, à cet objectif. L’élément central en est la lutte contre la guerre. Nous appelons tous les lecteurs du WSWS à s’inscrire aujourd’hui pour participer au Rassemblement international en ligne du Premier mai!

(Article paru d’abord en anglais le 27 avril 2016)

 

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