Les tribunaux arrêtent le recompte des votes des élections présidentielles au Michigan

Le recomptage de l’élection présidentielle dans l’État du Michigan s’est arrêté mercredi, après trois jours de dépouillement, quand un juge fédéral a annoncé qu’il allait suivre une décision d’une Cour de l’État contre ce recomptage.

La Cour d’appel du Michigan a décidé mardi que la candidate du Parti vert, Jill Stein, n’avait pas le droit de demander un nouveau dépouillement. Par un vote de 3 à 0, la cour, dominée par les Républicains, a accepté la réclamation du procureur général de l’État, le républicain Bill Schuette, et du parti républicain de l’État. Le motif en est que Stein a plus de deux millions de voix de retard sur Donald Trump au Michigan, et qu’elle ne peut donc raisonnablement pas s’attendre à gagner l’État dans un nouveau dépouillement et que, par conséquent, elle n’est pas considérée comme une « partie lésée » par le droit de l’État du Michigan.

En effet, le tribunal de l’État a conclu que seule la campagne de la démocrate Hillary Clinton avait le droit de demander un nouveau dépouillement, puisqu’elle a perdu le Michigan face à Trump par seulement 10 704 voix, la marge de victoire la plus étroite de tous les États pour Trump. La campagne de Clinton a été un observateur au dépouillement une fois qu’il a commencé, mais elle n’a fait aucune demande elle-même pour que les scrutins soient dépouillés et comptés de nouveau.

Le juge du district fédéral, Mark Goldsmith, qui avait rejeté les arguments juridiques des Républicains s’opposant au dépouillement lors d’une audience le week-end précédant, a publié une ordonnance de restriction temporaire mardi soir après la décision de la Cour, obligeant la Commission électorale et les fonctionnaires locaux à continuer le dépouillement.

Le mercredi soir, cependant, il a annulé cet ordre, en déclarant qu’il allait s’en remettre à la Cour de l’État pour interpréter la loi de l’État du Michigan. « Parce qu’il n’y a aucune raison pour que cette cour ignore la décision de la Cour de l’État du Michigan en faisant un jugement indépendant concernant ce que l’Assemblée législative du Michigan a entendu par le terme “lésé”, les demandeurs n’ont pas montré un droit à un nouveau dépouillement en vertu du régime législatif du Michigan ».

Les avocats de Jill Stein ont dit qu’ils allaient faire appel des deux décisions judiciaires. La décision de la Cour d’appel de l’État sera portée en appel devant la Cour suprême du Michigan, tandis que la décision du juge Goldsmith sera portée en appel devant le sixième circuit de la Cour d’appel des États-Unis à Cincinnati.

L’avocat principal de Stein, Mark Brewer, ancien président du Parti démocrate du Michigan, a déposé une requête distincte pour disqualifier deux juges de la Cour suprême de l’État, Robert Young Jr. et Joan Larsen, dans cette affaire, parce que Trump a nommé les deux comme potentiels remplaçants à la Cour suprême des États-Unis pour combler la place laissée par le décès d’Antonin Scalia.

Il y a peu de chances que ni l’une ni l’autre des deux cours ne sera favorable au recours de Stein. La Cour suprême du Michigan a une majorité républicaine de 5 contre 2, et aurait encore une majorité républicaine même si Young et Larsen devaient se récuser.

Trois juges du sixième circuit fédéral ont confirmé l’ordonnance initiale de Goldsmith pour le nouveau dépouillement, affirmant mardi qu’il n’avait pas abusé de ses prérogatives. Toutefois, ils ont exigé qu’il respecte les décisions des juridictions de l’État, en écrivant, « Si, par la suite, les juridictions du Michigan déterminent que le […] nouveau dépouillement est inapproprié en vertu de la loi de l’État du Michigan pour une raison quelconque, nous attendons que la cour fédérale accepte de recevoir des motions correctement présentées d’annuler ou modifier cet ordre dans ce cas ».

De façon remarquable, les trois juges ont ajouté qu’ils n’avaient pas encore pris de décision sur des questions telles que « s’il existe un droit constitutionnel autonome à un nouveau dépouillement ou si les demandeurs ont valablement invoqué un nouveau dépouillement en vertu du droit du Michigan ou si les demandeurs doivent nécessairement l’emporter sur le fond de ce procès. »

Les trois jours passés à recompter près de 5 millions de bulletins de vote dans le Michigan n’ont pas produit d’informations sur des changements significatifs dans le nombre de votes, car aucun comté n’a déposé de résultats. Mais il y a déjà des preuves massives d’un système électoral dysfonctionnel et obsolète qui est à son pire dans les zones les plus pauvres de l’État, en particulier dans les quartiers défavorisés de Detroit et de Flint.

Beaucoup de circonscriptions n’ont pas pu organiser de nouveau décompte des bulletins de vote en vertu d’une loi de l’État qui ne permet de les recompter que lorsque le nombre total de bulletins de vote coïncide exactement avec la liste des électeurs inscrits sur les listes électorales. Si ces deux totaux ne correspondent pas – fréquemment à cause d’un électeur qui a déchiré son bulletin de vote et est sorti sans en demander un de rechange – le résultat initial de la circonscription est maintenu. Les divergences sont dues aussi à d’autres causes, y compris les erreurs humaines telles que le mauvais classement de bulletins mal remplis, de ceux dont le statut d’électeur du votant est contesté, des blancs, ou des erreurs dans l’écriture des résultats.

Stein a publié une déclaration dénonçant les assertions juridiques des républicains et de la campagne Trump. « Donald Trump et ses copains font tout leur possible pour essayer d’arrêter cet exercice de notre démocratie, cet effort pour valider notre vote », a-t-elle ajouté, « cela suggère que Donald Trump a peur que son vote ne soit pas valide, il a très peur de ce processus de la démocratie. »

Stein a également noté l’indifférence de la campagne de Clinton et des démocrates. « Quand l’équipe de Clinton est intervenue, ce qui était, disons, minimaliste et un jour trop tard », a-t-elle dit, c’était « une expression d’intérêt aussi passive qu’on pourrait l’imaginer ».

L’une des principales questions juridiques dans l’affaire du Michigan est la même que celle de la célèbre décision de la Cour suprême des États-Unis de 2000 dans Bush conte Gore : si les juridictions des États fédérés sont les autorités ultimes pour interpréter les lois de leurs États.

Dans l’affaire Bush contre Gore, la majorité (5 à 4) de la Cour suprême a annulé la décision de la Cour suprême de l’État de Floride dans son interprétation des lois électorales de cet État afin d’obtenir le résultat escompté et décerner la Maison Blanche à Bush.

Il s’agissait d’une violation flagrante du fédéralisme, que la majorité de droite typiquement affirmait soutenir dans d’innombrables décisions appuyant les gouvernements d’État dirigés par les républicains s’opposant aux politiques fédérales. Pour dissimuler la contradiction, la majorité de la Cour avait simplement déclaré que Bush contre Gore ne devait pas servir de précédent.

Et dans l’affaire du Michigan, le juge Goldsmith a pris la position diamétralement opposée de Bush contre Gore, en décidant qu’il est tenu d’accepter une interprétation par le tribunal d’État de la loi de l’État, peu importe combien il peut être en désaccord avec le fédéralisme.

Le caractère antidémocratique de ces manœuvres juridiques est démontré par le fait que, à la fois, le « fédéralisme » et l’anti-fédéralisme ont été affirmés comme des principes primordiaux pour atteindre la même fin pratique : mettre un terme à un nouveau dépouillement et préserver une victoire du Parti républicain à l’élection présidentielle.

Un nouveau dépouillement de l’élection présidentielle se poursuit dans le Wisconsin, l’un des trois États où Trump a gagné étroitement et où les avocats de Jill Stein ont déposé des contestations légales. Trump l’a emporté par 22 557 votes dans l’État, et avec environ 70 pour cent des votes recomptés, Clinton n’a gagné que 82 voix. La Commission électorale du Wisconsin a rapporté mercredi que la moitié des comtés avaient terminé des recensements et que les autres se termineraient avant la date limite du 12 décembre.

Un nouveau dépouillement n’a pas encore commencé en Pennsylvanie, bien que la marge de victoire de Trump y ait été considérablement réduite, à un peu plus de 44 000 voix, après que les fonctionnaires locaux aient complété le dépouillement des bulletins venant de l’outremer et des bulletins contestés. Il s’agit d’une baisse marquée par rapport à la marge de 126 000 voix déclarées initialement, qui était encore de 69 000 voix au moment où Stein a demandé un nouveau dépouillement.

Le chiffre de 44 000 est encore légèrement au-dessus de déclenchement automatique prévu dans cet État pour un nouveau dépouillement général, qui est de 0,5 pour cent des voix, ou environ 30 000 voix dans le cas de la compétition présidentiel.

Le juge du district fédéral Paul Diamond, à Philadelphie, a prévu une audience pour le vendredi 9 décembre sur la demande d’un nouveau dépouillement par Stein, quatre jours seulement avant la date limite fédérale pour que les États certifient leurs résultats électoraux. Les représentants du Parti républicain de l’État et la campagne Trump ont délibérément fait traîner la procédure judiciaire afin qu’ils puissent ensuite prétendre qu’il n’y a pas assez de temps pour procéder à un dépouillement avant la date limite, soit six jours avant la réunion formelle du Collège électoral le 19 décembre.

(Article paru d’abord en anglais le 9 décembre 2016)

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