Les ministres des Finances de l’Union européenne insistent sur plus d’austérité

Les ministres européens des Finances se sont réunis lundi, quelques heures seulement après que le Premier ministre italien Matteo Renzi a présenté sa démission, suite au rejet net de ses propositions de réformes constitutionnelles lors du référendum de dimanche.

En plus du caractère autoritaire des réformes de Renzi, sa défaite a également été engendrée par l’hostilité populaire aux mesures d’austérité qu’il a cherché à imposer en Italie en lien avec l’Union européenne (UE). Néanmoins, les ministres des Finances réunis à Bruxelles ont clairement fait savoir qu’il n’y aurait pas de recul de cette politique.

Le sujet principal sur la table était de compléter un deuxième examen du programme de sauvetage financier de la Grèce, afin de permettre à l’UE, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international (FMI) – la troïka – d’autoriser la prochaine tranche de financement, qui devrait à terme atteindre 86 milliards d’euros. Cependant, aucun accord n’a pu être conclu.

La Grèce avait cherché à réduire l’objectif de 3,5 pour cent d’excédent budgétaire primaire qu’elle devrait atteindre après 2018, et un certain allègement de sa dette. Le FMI reconnaît que le premier objectif d’excédents est irréaliste et a prôné un desserrement des conditions sur les remboursements de la dette grecque en échange d’un engagement d’Athènes d’imposer des mesures d’austérité supplémentaire de 4,2 milliards d’euros et d’autres réformes du code du travail, dont la suppression des négociations collectives et plus de flexibilité pour licencier les travailleurs.

Tout en appuyant les réformes anti-ouvrières, l’Allemagne et les Pays-Bas en particulier s’opposent à toute mesure d’allégement de la dette. Il y aura des élections l’an prochain dans les deux pays, ainsi qu’en France, où des partis vigoureusement anti-UE comme l’Alternative pour l’Allemagne, le Parti pour la liberté de Geert Wilders et le Front national de Marine Le Pen se tiennent en embuscade.

Avant la réunion, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, a menacé Athènes de s’y soumettre, si elle voulait rester dans l’euro. Annuler la dette n’« aiderait pas la Grèce », a-t-il dit. « Athènes doit enfin mener les réformes nécessaires. Si la Grèce veut rester dans l’euro, il n’y a aucun moyen de contourner cela – complètement indépendant du niveau de la dette ».

L’Allemagne et les Pays-Bas insistent également sur le fait que sans l’accord du FMI, aucun fonds ne sera mis à la disposition de la Grèce.

Finalement, une discussion sur l’avenir du programme de renflouement a été reportée et la réunion a convenu de changements mineurs et limités sur le remboursement de la dette. Cela comprenait l’extension du délai par lequel la Grèce doit rembourser les prêts existants de 28 à 32,5 ans, ce qui augmentera le taux d’intérêt. Cet « allègement » signifierait qu’en 2060, la Grèce n’aura réalisé qu’une réduction de 20 % de son ratio dette / PIB.

La Grèce a déjà été réduite à la misère après sept années d’austérité. Le taux officiel de pauvreté est de 35,7 pour cent, mais en fait, il est beaucoup plus élevé, tandis que le chômage des jeunes est de 50 pour cent. Selon les informations, de nombreuses entreprises grecques ont fait faillite ou ont délocalisé aux pays avec des niveaux d’imposition faible, comme la Bulgarie, où l’impôt sur les sociétés est de seulement 10 pour cent. Le nombre d’entreprises grecques enregistrées en Bulgarie est passé de 2000 en 2010 à 17 000 aujourd’hui.

Le premier ministre Alexis Tsipras et sa coalition de pseudo-gauche Syriza ont joué un rôle central dans l’imposition des diktats d’austérité de l’UE. Syriza a remporté les élections en janvier 2015 promettant d’abandonner l’austérité. En juin 2015, le gouvernement a reçu un mandat massif de 61 pour cent des voix pour s’opposer à l’UE et rejeter les conditions du renflouement lors d’un référendum. En quelques semaines, Tsipras a trahi ce mandat et imposé des mesures d’austérité encore plus draconiennes que son prédécesseur conservateur. Syriza est maintenant profondément impopulaire, languissant dans le bas des 20 pour cent de popularité dans les sondages d’opinion.

Tsipras avait averti que tout échec de l’accord pourrait conduire à de nouvelles élections, alors que le ministre grec des Finances Euclid Tsakalotos a mis en garde après la réunion de lundi que : « On ne devrait pas imposer des exigences à la Grèce qui ne tiennent pas compte […] de la situation politique et sociale actuelle ».

Les ministres des affaires étrangères de l’UE ont réagi avec mépris et hostilité à de telles préoccupations. Schaüble a déclaré après la réunion que, « Je pense que pour la Grèce, il est réaliste de mener des réformes pour devenir compétitive […] Pour la Grèce, c’est une route longue et difficile. » Le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a dit qu’ « il y a encore du travail à faire » et que la troïka « se tiendra prête à retourner à Athènes pour y travailler. »

Les ministres des Finances ont également refusé de fixer des objectifs de relance budgétaire dans la zone euro. En novembre, la Commission européenne, préoccupée par la hausse du sentiment anti-UE, a proposé une expansion budgétaire pouvant atteindre 0,5 % du PIB l’an prochain. Alors que la réunion a accepté vaguement que les pays ayant les excédents budgétaires les plus élevés – l’Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg – devraient dépenser plus, les ministres ont exclu la fixation d’un chiffre.

Les inquiétudes concernant les implications pour l’Europe de la crise en cours en Italie ont été tout simplement balayées. Le mantra a été que la défaite de Renzi est un problème intérieur et que le gouvernement de toute façon saurait poursuivre le programme d’austérité de l’UE.

Schaüble a déclaré : « Il n’y a pas de raison de parler d’une crise de l’euro et il n’y a certainement pas de raison de l’évoquer », tandis que le ministre français des Finances, Michel Sapin, a déclaré que le referendum « est une question de politique intérieure. Le referendum ne concernait pas l’Europe. »

Jean Asselborn, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, a déclaré que le résultat était « dispute politique nationale […] L’Italie a voté sur une réforme. Il serait faux d’extrapoler cela maintenant au niveau européen. »

Dijsselbloem a déclaré que la défaite de Renzi « ne change pas vraiment la situation économique en Italie ou dans les banques italiennes. La situation ne semble pas exiger de mesures d’urgence. »

De telles déclarations sont absurdes. Au cours des derniers mois, l’UE a subi le vote du Royaume-Uni pour quitter l’UE et maintenant, aux États-Unis, elle doit faire face au président élu Donald Trump, dont les menaces de saper l’alliance de l’OTAN entre l’Amérique et l’Europe occidentale ont profondément secoué la politique européenne.

L’Italie est le troisième domino à tomber. Son économie a baissé de 12 pour cent depuis 2008, et la production industrielle est en baisse de plus de 25 pour cent. Le taux de chômage des jeunes est de 40 % et les niveaux de pauvreté sont à égalité avec la Grèce. Troisième économie la plus importante d’Europe, l’Italie a une dette qui représente 133 % de son PIB, c’est le deuxième plus élevé de l’UE, après la Grèce. Son système bancaire est insolvable, chargé de 360 ​​milliards d’euros de créances douteuses.

Le ministre italien des Finances, Pier Carlo Padoan, n’a pas pu participer à la réunion de lundi parce qu’il a participé à des pourparlers d’urgence sur un plan de sauvetage de 5 milliards d’euros pour la banque la plus ancienne du monde, Monte dei Paschi di Siena, afin d’éviter sa faillite à la fin du mois. L’incertitude sur le successeur de Renzi signifie qu’il n’est pas clair que les investisseurs, qui comprennent la Qatar Investment Authority, procéderont à la recapitalisation.

D’une manière plus générale, on craint que l’Italie ne soit précipitée dans une élection générale anticipée qui serait à l’avantage du Mouvement cinq étoiles, qui a préconisé un référendum sur l’adhésion à l’UE.

Contrairement aux dirigeants de l’UE, de nombreux commentateurs du monde patronal et politique mettent en garde contre les dangers de la contagion italienne. Le Centre pour l’économie et la recherche des entreprises (CEBR) prévoit qu’il y a maintenant moins de 30 pour cent de chances que l’Italie reste dans la zone euro.

Dans le Financial Times britannique, Gideon Rachman a mis en garde que, « la défaite de Renzi pourrait mettre en danger l’euro et déclencher une crise financière ». Avant le résultat, le 27 Novembre, il avait déjà exprimé son inquiétude sur l’impact politique de la réponse des États de l’UE et de leurs élites dirigeantes au sentiment d’opposition croissante à travers le continent, en le comparant à l’ancien régime avant la Révolution française.

« Il était difficile de faire mieux que les Bourbons comme la quintessence d’une élite ayant perdu le sens des réalités », a-t-il écrit. « Ils ont de la concurrence maintenant […] Un régent bourbon, dans un moment de réflexion inhabituel, aurait reculé. Notre ordre capitaliste libéral, avec ses institutions concurrentes, est constitutionnellement incapable de le faire. Récidiver est ce qu’il est programmé à faire. » Rachman a intitulé son commentaire, « Le moment Marie-Antoinette de l’élite. »

(Article paru en anglais le 7 décembre 2016)

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