Un cabinet de généraux : Trump nomme John Kelly pour diriger le département de la Sécurité intérieure

L’équipe de transition du président nouvellement élu, Donald Trump, a annoncé mercredi qu’elle nommera le général à la retraite John Kelly à la tête du ministère de la Sécurité intérieure (DHS, Department of Homeland Security). Kelly est le troisième ancien général prévu pour une position ministérielle importante. Son choix suit celui de James Mattis comme secrétaire à la défense et de Michael Flynn comme conseiller à la sécurité nationale.

L’importance sans précédent des militaires dans le nouveau cabinet est un signe du fait que la classe dirigeante américaine se prépare à la guerre à l’étranger et à la répression à l’intérieur.

Kelly est un vétéran de 40 ans de service au Corps des Marines dont la carrière et la personnalité incarnent la culture politique américaine brutale et profondément réactionnaire dans une période de guerre permanente. Dans un discours prononcé en 2014 sur les guerres en cours, Kelly a déclaré : « Si vous pensez que cette guerre contre notre mode de vie est terminée parce que certains faiseurs d’opinion autoproclamés et intellos sont las de la guerre parce qu’ils veulent sortir de l’Irak ou de l’Afghanistan, vous vous trompez. Cet ennemi est dévoué à nous détruire. Il nous combattra pendant des générations, et le conflit traversera différentes phases comme il l’a fait depuis le 11 septembre ».

Le Département de la sécurité intérieure est une bureaucratie massive en charge de la violence et de la répression de l’État. Son nouveau directeur dirigera 240 000 employés comprenant une armée de gardes-frontières, de policiers, de détectives, d’enquêteurs, d’officiers des services d’immigration, d’avocats et de juges qui capturent, traitent et déportent chaque année des centaines de milliers de travailleurs sans papiers.

Créé dans la foulée des attentats du 11 septembre, le DHS a servi à expérimenter les techniques pour un état policier. Il a été fondé un an avant le Commandement du Nord (NORTHCOM) et les deux institutions semi-parallèles visent à préparer les forces armées et la police à des activités militaires à l’intérieur des États-Unis. 

Kelly sera le premier général à diriger le DHS. Avec une longue histoire à la tête des forces militaires américaines en Amérique du Sud, il combinera la « sécurité à la frontière » avec la participation accrue de l’impérialisme américain dans tout l’hémisphère occidental.

Les discours de Kelly sont remplis d’attaques contre les « intellos » et « tous ceux qui doutent des intentions de l’Amérique ». Il s’insurge contre la « bureaucratie » de Washington et les jeunes « matérialistes » qui « ne peuvent comprendre le prix payé pour qu’eux et leurs familles puissent dormir en sécurité et libres la nuit ».

Kelly est un défenseur ouvert de la torture qui s’est prononcé contre la fermeture de la prison de Guantánamo à Cuba. Il a déclaré au Sénat américain en 2015 que « les seules personnes qui ne sont pas traitées humainement ou dont les droits de l’homme ne sont pas protégés [à Guantánamo] sont les gardiens » et que les prisonniers ont « probablement de meilleurs soins de santé là-bas que les anciens combattants de notre pays ».

Kelly a commandé des troupes pendant l’invasion et l’occupation de l’Irak, dans laquelle un million de civils ont été tués. Il a aidé à mener l’offensive brutale contre l’ancienne ville de Bagdad et a dit à un journaliste : « Bagdad, c’est moins que de la merde ».

Suite à la réélection d’Obama en 2012, Kelly a été choisi pour diriger le Commandement Sud des États-Unis (SOUTHCOM), l’organisation militaire responsable de l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud et les Caraïbes.

Kelly est, pour employer la phrase de Smedley Butler [général puis critique de la politique étrangère américaine dans les années 1930, ndt], « un gorille de haute qualité au service des grandes entreprises, de Wall Street et des banquiers ». En 2015, pendant une audience au Sénat, il a critiqué le gouvernement d’Obama pour avoir réduit le financement de l’armée, notant dans la déclaration au Sénat que le SOUTHCOM était « à peine » capable de maintenir « en veille l’engagement militaire américain » dans la région frontalière.

Il a appelé les États-Unis à mettre de côté les normes de travail équitable et des droits de l’Homme pour les ventes d’armes en Amérique centrale et en Amérique du Sud et a expliqué que « la défense de la patrie ne commence pas au « seuil de la porte » de notre frontière sud-ouest mais s’étend partout dans l’hémisphère afin de maintenir les menaces loin du pays ».

Il a fait l’éloge du « dynamisme économique du secteur privé » comme « le plus grand élément de notre puissance nationale » et a dit qu’il « espère que les entreprises américaines aideront à faire avancer l’objectif de notre président d’une Amérique centrale stable, prospère et sécurisée ».

Kelly a été choisi de préférence au représentant républicain Michael McCaul, que « certains conservateurs ont trouvé […] insuffisamment dur sur la sécurité des frontières », selon le Washington Post. McCaul a écrit un article d’opinion sur FoxNews.com la semaine dernière où il a dit : « Nous allons construire le mur [frontalier]. Point à la ligne […] Nous avons affaire à un système de défense historique, de facettes multiples ».

Que ce soit le programme du candidat qui a été éliminé en raison de son attitude « insuffisamment dur sur la sécurité des frontières » montre le danger imminent posé par le nouveau gouvernement.

En plus de Kelly, Mattis et Flynn, Trump envisagerait le général à la retraite David Petraeus comme secrétaire d’État (ministre des affaires étrangères). La place de premier plan de telles personnalités dans le gouvernement est le résultat d’un processus à long terme dans lequel l’appareil de renseignement et de l’armée a exercé un rôle toujours plus dominant dans l’État. Après 25 ans de guerre sans fin, sous les démocrates et les républicains, les États-Unis acquièrent le caractère d’un État-garnison.

Les anciens généraux du cabinet ministériel de Trump rejoindront les dirigeants d’entreprises et les personnalités d’extrême droite qui ont été sélectionnés pour chaque poste ministériel. Lundi, les médias ont rapporté que Trump sélectionnait le procureur général de l’Oklahoma, Scott Pruitt, pour diriger l’Agence pour la protection de l’environnement. Pruitt, un proche allié de l’industrie pétrolière et un sceptique du changement climatique, a déclaré la guerre à pratiquement toutes les réglementations environnementales.

Le caractère extrême du nouveau gouvernement rend d’autant plus flagrant les efforts du Parti démocrate et du gouvernement Obama pour minimiser et dissimuler les dangers qu’il représente.

En ce qui concerne le choix par Trump de qui dirigera le DHS, la dirigeante démocrate Nancy Pelosi a déclaré : « Nous espérons que le général Kelly est prêt à défendre les faits, les familles et la Constitution ».

Leon Panetta, secrétaire à la Défense pour Obama de 2011 à 2013, a déclaré que Kelly était un « excellent choix », tandis que le New York Times l’a qualifié de « direct et populaire dans le milieu militaire ».

La presse du patronat a cherché à susciter de la sympathie pour Kelly, dont le fils a été tué pendant la guerre en Irak. Le Washington Post a écrit que Kelly est « connu au sein du Pentagone comme un homme réfléchi qui a continué de servir son pays, même après que son fils a été tué au combat ». Le Post ne porte pas de jugement sur le fait que le jeune homme est mort au combat dans une guerre que son père a aidé à lancer.

(Article paru en anglais le 8 décembre 2016)

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