Washington fait voler un bombardier stratégique B-52 près de la frontière nord-coréenne

Dans une action qui ne peut que dangereusement accroître les tensions dans la péninsule coréenne, l’US Air Force a fait voler dimanche à basse altitude un bombardier stratégique B-52 à capacité nucléaire au-dessus de la base aérienne d'Osan au sud de Séoul, en Corée du Sud. Le B-52 était flanqué de deux avions de chasse, un américain et l'autre sud-coréen. Oban est à seulement 77 kilomètres de la zone démilitarisée fortifiée entre la Corée du Nord et celle du Sud et leurs fortes armées. 

L'amiral Harry Harris, chef du Commandement américain du Pacifique, a déclaré que le vol « était une démonstration de l'engagement à toute épreuve des États-Unis envers [leurs] alliés de Corée du Sud, du Japon, et envers la défense de la patrie américaine ». Il a condamné le quatrième essai nucléaire nord-coréen la semaine dernière comme «une violation flagrante de ses obligations internationales". 

Washington exploite le dernier essai nord-coréen pour accélérer le développement militaire américain en Asie du Nord-Est, avant tout dirigé contre la Chine. Au cours des cinq dernières années, les États-Unis ont renforcé les alliances et les partenariats stratégiques dans toute la région dans le cadre de leur «pivot vers l'Asie ». Le Pentagone prévoit de stationner d’ici 2010 60 pour cent de ses ressources aériennes et navales dans la région Asie-Pacifique; cela inclut l’installation de certaines de ses armes les plus sophistiquées sur des bases américaines en Corée du Sud et au Japon. 

La réponse immédiate de l'armée américaine au dernier essai nucléaire nord-coréen est une escalade marquée par rapport à sa réaction suite au troisième essai nucléaire de février 2013, qui en première instance était de faire pression pour un nouveau cycle dur de sanctions de l'ONU. Dans les coulisses cependant, le Pentagone, soutenu par la Maison Blanche, a élaboré à l'époque, ce qu’on a appelé «le playbook » -- une recette pour des provocations en chaîne, soi-disant pour «rassurer les alliés ». 

En mars 2013, lorsque la Corée du Nord a réagi à des manœuvres américano sud-coréennes, le Pentagone a mis le « playbook » en action, déployant deux fois en Corée du Sud des bombardiers B-52, des bombardiers furtifs B-2 avancés et des avions de chasse Raptor F- 22. Les Etats-Unis ont également utilisé l'essai nucléaire de 2013 pour annoncer une extension prévue de longue date de son système missile anti-balistique dans la région Asie Pacifique, principalement dirigé contre la Chine, et pour stationner deux destroyers anti-missiles au large des côtes coréennes. 

Le vol du B-52 dimanche est intervenu quatre jours seulement après le quatrième essai nord coréen. L'agence de presse sud-coréenne Yonhap a indiqué que les Etats-Unis envisageaient d'envoyer un porte-avions à propulsion nucléaire au large de la côte coréenne dans le cadre d'exercices conjoints le mois prochain. En outre, les hauts responsables américains et sud-coréens auraient entamé des discussions sur le positionnement d'«armes stratégiques», c'est à dire des bombes nucléaires et leurs systèmes de largage sur la péninsule coréenne.

Hier, le leader nord-coréen Kim Jong Un a justifié l'essai nucléaire comme une « mesure d'auto-défense » pour protéger la région « du danger d'une guerre nucléaire provoquée par les impérialistes menés par les américains ». Il fait aussi la tournée du pays pour célébrer, avant une convention du Parti des travailleurs au pouvoir en mai – la première depuis 1980 –, la détonation de ce que Pyongyang affirme être une bombe à hydrogène 

En réalité, l'essai nucléaire ne fera qu'accentuer le risque de provocations des États-Unis contre la Corée du Nord. Toute menace sérieuse par Pyongyang d'utiliser son petit arsenal d'armes atomiques rudimentaires entraînerait une réponse immédiate et dévastatrice des États-Unis. La charge nucléaire d'un seul bombardier B-52 est suffisante pour détruire en grande partie l'infrastructure industrielle et militaire de la Corée du Nord.

De plus, les rodomontades de Kim Jong Un sur la réussite technologique de la Corée du Nord et sa fomentation de sentiments nationalistes et xénophobes, qui visent à consolider le régime instable de Pyongyang et sa propre position en tant que chef suprême, ne peuvent que diviser les travailleurs nord-coréens de ceux de la Corée du Sud, du Japon et du monde entier.

Le véritable objectif de l'essai nucléaire n’était pas de défendre la Corée du Nord contre l'impérialisme, mais de trouver un compromis avec ce dernier, en particulier avec Washington. Un éditorial dans le journal officiel Rodong Sinmun réitérait dimanche l'appel de longue date de Pyongyang pour « un traité de paix entre la RPDC [Corée du Nord] et les Etats-Unis ». Le régime voit son arsenal nucléaire comme le seul moyen d’amener les Etats-Unis à mettre officiellement fin aux décennies de confrontation ayant suivi la guerre de Corée (1950-1953).

Pyongyang fait ainsi directement le jeu de Washington. Loin de faire des concessions, les Etats-Unis et leurs alliés préparent une autre résolution de l'ONU permettant d'accroître l'isolement diplomatique et économique du pays. Une interdiction d’accès aux ports du monde entier aux navires nord-coréens est une des mesures évoquées. En plus de prendre des mesures militaires, l'impérialisme américain exploite le dernier essai nucléaire pour faire pression sur la Chine pour qu’elle freine son allié nord-coréen.

Si le dernier essai nucléaire nord-coréen est certainement irresponsable, le principal facteur déstabilisant de la politique asiatique et mondiale est l'impérialisme américain, déterminé à utiliser sa puissance militaire pour inverser son déclin économique historique. «Le pivot» du gouvernement Obama «vers l'Asie» a transformé toute la région en une dangereuse poudrière. Il a délibérément enflammé de vieux points chauds comme la péninsule coréenne et en a créé de nouveaux autour des différends maritimes entre la Chine et ses voisins en Mer de Chine orientale et méridionale.

Le mois dernier, un bombardier B-52 américain avait volé à deux miles nautiques d'un récif administré par la Chine en Mer de Chine méridionale, c’est-à-dire, bien en deçà de la limite territoriale de 12 milles nautiques. Le Pentagone a prétendu plus tard que le vol, qui a déclenché l’alarme dans l'armée chinoise et à Pékin, s’était approché accidentellement du récif. De tels « accidents » ont le potentiel de déclencher une confrontation entre puissances nucléaires qui pourrait rapidement échapper à tout contrôle.

Le risque d'erreurs et de mauvais calculs dans la péninsule coréenne est peut-être encore plus grand. L’agence de presse Yonhap a indiqué que l'armée sud-coréenne avait déployé des missiles, de l'artillerie et d'autres systèmes d'armes le long de la zone démilitarisée et avait redémarré ses émissions de propagande à travers d'énormes systèmes de haut-parleurs pouvant être entendus à plus de 20 kilomètres à l'intérieur de la Corée du Nord. L'establishment politique et médiatique sud-coréen soumet également sa propre population à un barrage de propagande militariste pour justifier les préparatifs de guerre.

La situation volatile en Asie du Nord-Est n’est qu’une indication parmi d’autres des conditions explosives existant dans le monde entier au début de 2016, alors qu’une crise économique mondiale qui empire renforce la montée des tensions géopolitiques et le danger de guerre mondiale. Le seul moyen d'arrêter le mouvement vers une conflagration mondiale, est la construction d'un mouvement anti-guerre international de la classe ouvrière sur la base de l'internationalisme socialiste et de mettre fin au système capitaliste en faillite et à sa division dépassée du monde en Etats-nations rivaux.

(Article paru en anglais le 11 Janvier 2016)

 

 

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