Le Premier ministre propose un état d’urgence permanent en France

Vendredi, le premier ministre Manuel Valls a réaffirmé les premières déclarations du PS après les attentats terroristes du 13 novembre à Paris menés par l'État islamique (EI ou Daech), selon lesquelles l'état d'urgence en vigueur en France doit être permanent.

Dans une interview avec la BBC lors du sommet économique de Davos, en Suisse, il a dit que la France mène une guerre à l'échelle mondiale contre l’EI. « Tant que la menace est là, nous devons utiliser tous les moyens », a-t-il dit, ajoutant que l'état d'urgence serait prolongé « jusqu'à ce que nous puissions nous débarrasser de Daech ».

Promettant de lancer une guerre « totale, globale, et impitoyable », Valls a ajouté, « Et il faut dire la vérité, pas seulement aux Français, mais à tous ceux qui sont concernés par le terrorisme. C'est une génération qui peut être concernée par cette guerre ».

Les répercussions des déclarations de Valls sont stupéfiantes. Comme l'Egypte sous la dictature du général Abdel Fattah al-Sissi, ami personnel de François Hollande, la France doit être gouvernée durablement dans le cadre d’un état d’urgence permanent. Selon Valls, les Français ont effectivement perdu des droits sociaux et démocratiques fondamentaux qui leur sont garantis par la Constitution française.

On assiste à une sorte de coup d'Etat au ralenti, où l'élite dirigeante tente de transformer la vie politique en France afin de créer un régime autoritaire. Sous l'état d'urgence, les manifestations sont interdites, il n'y a pas de liberté de la presse ou de rassemblement, et aucun contrôle judiciaire n'encadre les perquisitions arbitraires effectuées par la police. Déjà, le PS a interdit les manifestations contre le sommet environnemental du COP21 à Paris après le 13 novembre et a assigné les organisateurs à résidence.

La police peut arrêter les gens sur de simples soupçons qu'ils menacent l'ordre. L'Etat a condamné les travailleurs de Goodyear à la prison ferme pour avoir fait grève et lutté pour défendre leurs emplois, même après que Goodyear avait retiré toutes ses plaintes contre eux.

Les justifications qu'offre Valls pour cette suspension indéfinie des droits démocratiques ne sont qu'un tissu de mensonges. En fait, l’EI (Daech) n'est pas une menace existentielle pour la République française, qui ne laisserait à l'Etat français aucun autre choix que de suspendre les droits démocratiques afin de préserver la survie même du peuple français.

L’EI est, en fait, un atout politique de la classe dirigeante française et de toute l'OTAN. C’est une milice qui opère en Irak et en Syrie, financée et soutenue par les principaux alliés français au Moyen-Orient, dont l'Arabie saoudite et la Turquie, dans le cadre de la guerre pour renverser le président syrien Bachar al-Assad.

Cette organisation s'est formée lors de guerres lancées sous le prédécesseur de Hollande, Nicolas Sarkozy, notamment en Libye. Les puissances de l'OTAN, dirigées par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, ont encouragé les combattants islamistes à venir en Libye pour servir de forces terrestres par procuration alors que l'OTAN organisait les bombardements aériens. Beaucoup de ces islamistes ont ensuite été expédiés vers la Syrie, comme le fer de lance de l'OTAN contre le régime syrien.

L’affirmation de Valls selon laquelle la France et ses alliés mèneraient une guerre globale et totale contre l’EI ne tient pas debout. L’EI et les attaques sanglantes qu'il a réalisées en France servent de prétexte au PS pour faire passer de vastes mesures réactionnaires.

L'année dernière, Hollande insistait que la France n’attaquerait l’EI qu’en Irak, où Paris et Washington bombardaient l’EI depuis 2013 pour empêcher qu'il renverse le régime fantoche américain à Bagdad. Il voulait éviter d'affaiblir l'opposition à Assad en attaquant l’EI en Syrie.

Le 5 février 2015, après les attentats contre Charlie Hebdo, Hollande a expliqué que la France ne bombarderait pas l’EI en Syrie, mais seulement en Irak : « C’est en Irak que nous portons l’effort, car c’est en Irak qu’il y a un Etat, une armée, une souveraineté qui peut assurer la reconquête du territoire ». Il a ajouté qu'en Syrie, « Nous ne pouvons pas intervenir si c’est un facteur favorable pour le régime... »

Ainsi Hollande était prêt à protéger et à s’appuyer sur l’EI comme outil dans les méandres de la politique française et de l'OTAN contre Assad. Par contre, quand l’EI émerge en politique intérieure, le PS insiste que la France mène une guerre tous azimuts contre l’EI dans laquelle aucun droit démocratique ne peut entraver l'arbitraire de l'Etat.

L'idée que l'assaut sur les droits démocratiques est surtout une réponse aux attentats terroristes de l’EI est une fraude politique. C'est la réponse de la classe dirigeante à l'approfondissement des contradictions géostratégiques du capitalisme international et de la guerre sociale menée contre la classe ouvrière.

François Hollande candidat a déclaré que son ennemi était la «finance», mais une fois au pouvoir, il a fait l'austérité et la guerre sur tous les fronts. Il a collaboré avec la chancelière allemande, Angela Merkel, pour imposer l'austérité en Grèce, il a lancé des guerres à travers l'Afrique et le Moyen-Orient et il a collaboré avec Obama pour menacer la Russie. L'inégalité sociale atteint des niveaux records, et Hollande a dû avouer l'année dernière que la France se trouve au bord de la «guerre totale» avec la Russie.

Outre la possibilité d’une guerre mondiale nucléaire, Hollande fait face à une colère sociale sourde parmi les travailleurs, le PS et ses satellites politiques et syndicaux étant discrédités. Hollande a réagi en se déclarant « chef de guerre » et en s’orientant consciemment vers la construction d'un régime autoritaire.

Lors de l'invasion française du Mali en 2013, des responsables à l'Elysée ont dit au Point qu'ils espéraient un «effet Malouines ». On a dit au peuple français que la guerre était une lutte contre le terrorisme islamiste, mais une préoccupation principale du PS était de pourrir la situation en France en faisant remonter le militarisme, afin de pouvoir imposer une austérité drastique.

Pointant les similitudes entre la guerre des Malouines et les guerres actuelles de Hollande, la journaliste Anna Cabana du Point a écrit: « Lorsque les troupes argentines débarquent aux Malouines en 1982, Margaret Thatcher décide de répliquer militairement. La dame de fer, qui était alors extrêmement impopulaire à cause de ses réformes drastiques, embarque le Royaume-Uni dans une aventure militaire qui a assuré la réélection de son gouvernement en 1983 ».

Cette politique incendiaire et criminelle du PS de lancer des guerres pour justifier avec des mensonges une politique anti-ouvrière n'a pas eu les fruits escomptés. Sans surprise, le pillage de nombreux pays d'Afrique et du Moyen-Orient n'a pas pour autant rendu l’austérité du PS populaire. Les tensions sociales et internationales n’ont fait que s’accroître depuis 2013.

Face à la désillusion de larges masses de travailleurs, la classe dirigeante française se prépare à tout miser sur une tentative de les réprimer.

(Article paru en anglais le 26 janvier 2016)

 

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