Des membres de La pseudo-gauche nommés à la direction de Die Linke en Allemagne

L’opposition sociale grandissante contre l’austérité en Europe a précipité le parti allemand Die Linke dans une crise. En Grèce, les manifestations ont pour cible Syriza, un affilié de Die Linke. En France, elles visent les sociaux-démocrates au pouvoir. En Allemagne, Die Linke veut former une coalition gouvernementale avec le SPD social-démocrate, l’homologue du PS français.

Le parti Die Linke est de plus en plus considéré en Allemagne comme un parti bourgeois de droite qui débite de belles phrases de gauche mais qui n’est pas différent, dans la pratique, des partis traditionnels. Aux élections régionales de la mi-mars, il avait perdu près de 100.000 voix, principalement en Saxe-Anhalt où il comptait obtenir le poste de ministre-président mais s’est retrouvé à la traîne de l’AfD d’extrême-droite.

A présent, les groupes de la pseudo-gauche dans Die Linke – l’Alternative socialiste (Sozialistische Alternative Voran, SAV), Marx 21, la Gauche socialiste internationale (Internationale Sozialistische Linke, isl), etc. – s’empressent de secourir la direction du parti. Ils avaient autrefois justifié leur adhésion à Die Linke en affirmant qu’il était possible de poursuivre une politique de gauche à l’intérieur de ce parti. Fin mai, lors du dernier congrès du parti à Magdebourg, six partisans de la soi-disant « Gauche anticapitaliste » (Antikapitalistische Linke, AKL) furent élus à la direction du parti.

Janine Wissler de Marx 21 est l’un des quatre vice-présidents. Christine Buchholz, qui fait partie de la direction du parti, est membre de la commission de la Défense au parlement allemand.

Thies Gleiss, membre de l’isl, fait également partie de la direction. Ce cynique blasé est depuis plus de 40 ans membre du Secrétariat unifié pabliste. C’est un fonctionnaire du syndicat IG Metall et un membre fondateur de la WASG (Alternative électorale travail et justice sociale, WASG).

Lucy Redler, membre du SAV, a été élue pour la première fois à la direction du parti au congrès de Magdebourg. Il y a dix ans, elle fut candidate tête de liste de la WASG, qui se présentait contre le PDS (Parti du socialisme démocratique) aux élections du Sénat de Berlin bien que la WASG et le PDS collaboraient déjà étroitement au niveau fédéral et préparaient la fondation de Die Linke. 

A l’époque, le PDS était déjà depuis cinq ans au gouvernement régional de Berlin et avait imposé, en coopération avec le SPD, des coupes sociales massives, des privatisations et des réductions de salaire et d’emplois dans le secteur public. Pour empêcher toute opposition à cette politique, Redler et ses partisans participèrent aux élections avec une liste de candidats à eux.

A peine les élections passées, le SAV rejoignait Die Linke, en 2008, malgré l’intensification de la politique antisociale pratiquée par Die Linke et le SPD à Berlin. Ils justifièrent cette démarche à l’époque en affirmant: « Nous avons rejoints le parti parce que nous sommes convaincus que Die Linke a un important rôle à jouer pour montrer la voie vers la sortie de la plus profonde crise capitaliste depuis des décennies ».

En réalité, le SAV a rejoint Die Linke pour consolider son appareil bureaucratique et son influence au sein des syndicats face à une opposition croissante.

Die Linke s’est cependant montré réticent. Si la plupart des membres du SAV furent acceptés sans problème, la direction du parti avait alors bloqué l’acceptation de Redler. Elle fut contrainte de supplier sur tous les tons pendant plusieurs années et même de solliciter l’aide de la commission d’arbitrage du parti avant de pouvoir finalement avoir ses entrées à la Maison Karl Liebknecht, le siège du parti. Le fait qu’elle soit maintenant élue à la direction du parti est symptomatique de l’ampleur de la crise de Die Linke et de son urgent besoin d’avoir une feuille de vigne de gauche.

Redler s’est confondue en remerciements pour ses résultats électoraux (à peine 45 pour cent des voix des délégués). Après quoi, le SAV a publié un article célébrant le congrès et prétendant qu’il avait envoyé un net « signal à gauche. » Il déclarait que les « signaux envoyés par les délégués étaient nettement plus à gauche que lors des précédents congrès du parti, » et que « l’insidieux glissement à droite des dernières années a au moins été ralenti. »

Les faits mêmes cités dans l’article du SAV prouvent cependant le contraire. Ils montrent que l’« insidieux glissement à droite » de ces dernières années s’est transformé en galop effréné.

C’est la raison pour laquelle le SAV a été obligé d’admettre que le « puissant appel à la vigilance » réclamé par le chef du parti Riexinger n’avait pas eu lieu. « Un débat ouvert » visant à « clarifier les différentes positions politiques » ne s’était pas produit. Il avait « surtout été empêché par le besoin de faire preuve d’unité à l’extérieur. » Cependant, ce besoin d’unité n’existait que face aux critiques venues de la gauche. Des droitiers comme Gregor Gysi l’avaient ignoré et avaient déjà débuté la campagne en faveur d’une participation gouvernementale avant le congrès.

Les tentatives de plusieurs délégués de se démarquer verbalement du discours de Gysi ne constituaient pas un « rejet fondamental d’une participation à un gouvernement avec le SPD et les Verts, » poursuit l’article du SAV. Ce que montraient les « déclarations faites par Sahra Wagenknecht (‘Nous sommes aptes à participer à une coalition’). »

En réalité, l’objectif de tout le congrès était de préparer Die Linke à une participation au gouvernement après que le parti a obtenu le poste de ministre-président du gouvernement de Thuringe et qu’il participe à une coalition gouvernementale avec le SPD au Brandebourg. La présidente réélue du parti Katja Kipping a elle aussi souligné que Die Linke cherchait à être plus accessible à une coalition avec le SPD et les Verts et préférait mettre l’accent sur les points communs avec le SPD au lieu de souligner ce qui les séparait.

Ces efforts sont liés à une orientation politique nationaliste droitière comme l’a démontré le débat parlementaire sur la politique sur les réfugiés et les déportations.

Comme a été forcé de l’admettre le SAV, il n’y a « pratiquement pas eu » au congrès « de déclarations critiques sur les positions politiques de Wagenknecht relatives aux réfugiés ». La présidente du groupe parlementaire de Die Linke avait publiquement adopté des opinions à peine discernables de celles de l’AfD. Elle a exigé entre autre un plafonnement du nombre de réfugiés et davantage de déportations. « Celui qui abuse du droit à l’hospitalité a perdu le droit d’être invité, » avait-t-elle dit.

Dans son discours devant le congrès, Lucy Redler, a mis en garde contre une perte de crédibilité même en Thuringe, où le ministre-président est membre de Die Linke, si « les gens sont arrachés de leur lit en pleine nuit et les familles séparées ». A quoi la présidente du groupe de Die Linke au parlement régional de Thuringe, Susanne Henning-Wellsow a répliqué: « Oui, la Thuringe doit déporter des gens. Quiconque croit que ceci ne sape pas notre humanité se trompe. » La loi fédérale devait toutefois être appliquée, a-t-elle insisté, et les déportations n’étaient donc pas une raison « de ne pas participer à une coalition au pouvoir ou de la continuer. »

Si des déportations brutales ne sont pas une raison de refuser de participer à une coalition gouvernementale, des mesures drastiques d’austérité, des réductions des retraites, un renforcement de la police et de l’armée et une participation à la guerre n’en seront pas une non plus. Telle est la logique réactionnaire de l’orientation politique de Die Linke, que le SAV et Marx 21 s’efforcent d’obscurcir et de couvrir par une rhétorique pseudo de gauche.

Plus Die Linke va ouvertement à droite, plus ils sont attirés par cette orientation politique. Leur entrée dans des organes directeurs de Die Linke montre qu’ils soutiennent pleinement l’orientation politique capitaliste droitière de ce parti.

L’orientation de la pseudo-gauche correspond à sa position dans la société. Elle parle pour une couche privilégiée de la classe moyenne et supérieure et pour une caste de fonctionnaires aisés aux emplois lucratifs et jouissant de privilèges dans différentes filiales et fondations dans l’appareil du parti et celui des syndicats. Ils se sentent menacés par l’intensification de la lutte de classe et sont parfaitement conscients de ce que l’actuelle radicalisation des travailleurs et des jeunes en France est également dirigée contre eux.

(Article original paru le 14 juin 2016)

 

 

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