Deux porte-avions américains déployés dans des exercices de guerre dans l'ouest du Pacifique

Dans un geste provocateur dirigé contre la Chine, la Marine américaine a envoyé deux porte-avions géants à propulsion nucléaire – l’USS John C. Stennis et l’USS Ronald Reagan – pour participer à trois jours d'exercices militaires dans la mer des Philippines qui est adjacente à la mer de Chine méridionale. Ces deux navires avec leurs groupes aéronavals d'accompagnement composés de croiseurs et de contre-torpilleurs transportent 12.000 marins et 140 avions.

Les manoeuvres se sont terminées la semaine dernière et comprenaient des exercices de frappe à longue portée, de surveillance en mer, de défense aérienne et de combats aériens défensifs. Le contre-amiral John Alexander, commandant du groupe aéronaval d'attaque USS Reagan, s'est vanté en disant : «Aucune autre marine ne peut concentrer une telle puissance de combat en mer... C'était vraiment impressionnant.» Bien que la Marine ne révèle pas s'il y a présence ou non d'armes nucléaires à bords de ces navires, ils ont la capacité d’en transporter.

Cette démonstration de force massive survient alors même que la Cour d'arbitrage permanente des Nations Unies à La Haye doit se prononcer dans les prochaines semaines sur la contestation par les Philippines – et soutenue par les États-Unis – des revendications territoriales chinoises en mer de Chine méridionale. Le jugement, qui devrait favoriser les Philippines, deviendra le point de départ de Washington pour escalader sa campagne agressive contre le soi-disant «expansionnisme» et «l'intimidation» de la Chine dirigés contre ses voisins.

Un responsable américain qui est resté anonyme a déclaré au New York Times que le message envoyé avec ces exercices était sans équivoque et que le moment choisi pour les mener était délibéré. L'amiral John Richardson, chef des opérations navales, a déclaré la semaine dernière lors d'une conférence au Center for a New American Security (CNAS, Centre pour une nouvelle sécurité américaine), que ces manœuvres de guerre sont «une excellente occasion pour mener des exercices de guerre et d'entrainement de haut niveau».

Richardson a déclaré que ces exercices impliquaient rarement deux navires, et qu'ils visaient à signaler l'engagement des États-Unis envers leurs alliés régionaux. Puis, dans une mise en garde à peine voilée à la Chine, il a ajouté: «Pour quiconque voudrait déstabiliser la région, nous espérons que cela serve également de message de dissuasion.» Ces exercices ont suivi les exercices de guerre «Malabar» de la semaine dernière dans les mêmes eaux et où se sont réunies les marines de guerre des États-Unis, du Japon et de l'Inde, une fois de plus pour pratiquer des «exercices de guerre complexes et de haut niveau».

Washington accuse régulièrement Pékin d'«expansionnisme», mais ce sont les États-Unis qui attisent délibérément les tensions sur les différends en mer de Chine méridionale depuis les cinq dernières années, afin de semer la division entre la Chine et ses voisins de l'Asie du Sud-Est – en particulier les Philippines et le Vietnam. L'objectif des États-Unis en mer de Chine méridionale s'inscrit dans sa politique plus vaste du «pivot vers l'Asie» qui consiste à renforcer leurs capacités militaires dans toute la région de l'Asie-Pacifique pour dominer la Chine et assurer l'hégémonie américaine continue dans la région.

Les États-Unis ont monté une campagne de plus en plus stridente au cours de la dernière année contre les activités de remise en état des terres et de «militarisation» de la Chine en mer de Chine méridionale. L'US Navy a ainsi envoyé des contre-torpilleurs à trois reprises dans les limites territoriales de 12 milles marins autour des îlots sous contrôle chinois – un type de provocations qui pourrait provoquer, accidentellement ou délibérément, un affrontement militaire.

L'administration Obama a déclaré que les États-Unis ont «un intérêt national» à assurer « la liberté de navigation» en mer de Chine méridionale, soulignant l'important commerce qui passe par ces eaux. En réalité, la Chine n'a jamais menacé la «liberté de navigation» puisqu'elle dépend elle-même de ces voies maritimes pour importer de l'énergie et des matières premières de l'Afrique et du Moyen-Orient.

La véritable préoccupation de Washington est d'assurer la «liberté de navigation» de ses navires de guerre dans les zones immédiatement adjacentes à la côte chinoise, y compris des bases navales importantes de l'île d’Hainan. La stratégie de combat aéronaval «AirSea Battle» du Pentagone conçue pour mener une guerre contre la Chine envisage dans un premier temps une frappe aérienne et de missiles massive sur la Chine continentale, suivie d'un blocus naval pour paralyser l'économie chinoise.

Le Pentagone se prépare déjà à intensifier ses opérations en mer de Chine méridionale après la décision de La Haye, ce qui laisse à penser que la Chine pourrait déclarer une zone d'identification de défense aérienne dans le secteur ou commencer des activités de remise en état des terres au Récif de Scarborough, une zone également revendiquée par les Philippines. Pékin a déclaré qu'elle ne reconnaît pas la compétence de la Cour et qu'elle ne respectera pas sa décision.

Prenant la parole la semaine dernière dans le cadre d'un groupe de discussion sur les prochaines mesures après la décision de La Haye, Andrew Shearer, un analyste du Center for Strategy and International Studies (CSIS, Centre d'études stratégiques et internationales), a déclaré que «le déploiement actuel de porte-avions est une bonne chose», mais ce n'est pas suffisant. Il a suggéré que les forces armées américaines passent en mode de «dissuasion» pour les six prochains mois en bloquant tout mouvement de la Chine. Le panéliste Fellow Amy Searight a déclaré qu'il n'y a «pas de solution facile» si la Chine commence à récupérer les terres du Récif de Scarborough.

Le CSIS est le centre d’études et de recherches prééminent du «pivot» des États-Unis, travaillant en étroite collaboration avec le Pentagone et l'administration Obama dans leur stratégie militaire de renforcement des effectifs militaires en Asie. En mars, deux analystes du CSIS ont publié le «Scarborough Contingency Plan», un plan d'urgence impliquant une étroite collaboration avec les Philippines et constituant un avertissement public à la Chine que les États-Unis interviendraient si jamais un navire ou un aéronef philippin était attaqué. La dernière étape de ce plan consiste à envoyer des navires de guerre philippins pour empêcher les opérations de dragage chinoises, avec un positionnement des forces navales américaines «à l'horizon pour signaler qu'elles seraient prêtes à intervenir».

Dans le cadre de l'Enhanced Defense Cooperation Agreement (EDCA, accord de coopération de défense renforcée) que Washington a conclu avec les Philippines plus tôt cette année, les forces armées américaines ont accès à cinq bases aux Philippines, notamment un aérodrome situé directement aux abords mêmes de la mer de Chine méridionale. En avril, les États-Unis et les forces armées des Philippines ont mené leurs exercices Balikatan annuels auxquels a participé le groupe aéronaval d'attaque de l’USS Stennis et qui étaient axés sur les opérations en mer de Chine méridionale. Il y a deux semaines, la Marine américaine a déployé quatre avions d'attaque électronique sophistiqués Growler et 120 membres de personnel de soutien à la base aérienne de Clark aux Philippines pour patrouiller l'espace aérien et les voies maritimes de la région.

Prenant la parole lors de la conférence du CNAS, l'amiral Richardson, chef des opérations navales, s’est vanté que la marine américaine dépensait «beaucoup d'énergie intellectuelle» dans la détermination de moyens pour contrer et perturber les activités chinoises dans la région – de la remise en état des terres aux systèmes d'armes anti-accès et d'interdiction de zone (Anti-Access/Area Denial (A2/AD) chinois destinés à garder les forces américaines hors des eaux immédiatement adjacentes au continent. «Nous avons beaucoup d'études en cours [et] d'ici juillet-août, nous devrions arriver avec beaucoup d'idées intéressantes», a-t-il dit.

Les commentaires de Richardson sont un indice que le Pentagone prépare une série de provocations irresponsables allant bien au-delà des opérations de «liberté de navigation» qui ont déjà eu lieu. Le résultat sera une nouvelle élévation du risque qu'un petit incident, délibéré ou non, puisse dégénérer en un conflit entre les deux puissances dotées de l'arme nucléaire.

(Article paru en anglais le 21 juin 2016)

 

 

 

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