La directrice du FMI soulève le risque d’une guerre

Alors que les tendances protectionnistes s’intensifient dans l'économie mondiale, la directrice du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde a soulevé le risque d'une guerre mondiale. Elle a exprimé l'espoir que le monde n'avait pas atteint un « moment de type 1914 ».

Elle a fait cette mise en garde dans une interview au Financial Times le 5 juillet où on lui demandait quelles seraient les conséquences de la croissance des conflits commerciaux et du protectionnisme économique. Elle a dit que « des vagues de protectionnisme » avaient « précédé de nombreuses guerres » dans le passé.

Lagarde a donné cette interview au début de son second mandat de cinq ans en tant que directrice du FMI. Elle a dit qu'il y avait le risque d'une nouvelle pause dans la mondialisation, semblable à celle qui suivit la Première Guerre mondiale.

« J'espère que ce n'est pas un autre moment de type 1914 et je souhaite que nous puissions être informés par l'histoire pour traiter effectivement l'impact négatif de la mondialisation, afin de tirer parti des avantages qu'elle peut offrir, » a-t-elle dit.

Lagarde pointa l’« augmentation du protectionnisme que nous avons vue récemment », le « besoin d'en être très conscients » et celui « de résister au protectionnisme, comme les dirigeants du G20 l'ont déclaré tant de fois ».

Malgré les déclarations répétées des dirigeants du monde qu’il ne fallait pas recourir au genre de politique protectionniste qui a marqué les années 1930 et précédé le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale en 1939, le protectionnisme est en hausse.

Le mois dernier, l'Organisation mondiale du commerce a signalé l’introduction, entre octobre 2015 et mai 2016, par les membres du G20 (les principales économies du monde) de nouvelles mesures protectionnistes au rythme le plus rapide depuis 2009, date où on a commencé de les relever. Au cours de cette période de juste sept mois, 145 mesures commerciales restrictives ont été adoptées.

Prévenant des conséquences de nouvelles barrières commerciales après le vote de sortie de l’UE en Grande-Bretagne et d’un recours au protectionnisme aux États-Unis, Lagarde laissa voir certaines des préoccupations derrière le langage officiel utilisé pour donner l'impression que le FMI et d'autres organismes ont toujours le contrôle de la situation.

« Je pense que ce serait tout à fait désastreux, en fait, » dit-elle. « Bon, je ne pense pas que je devrais dire désastreux parce que c'est un mot excessif et je devrais éviter les mots excessifs. Mais cela aurait certainement un effet négatif sur la croissance mondiale ».

Lagarde est consciente de la montée de l'hostilité partout dans le monde envers les gouvernements et les institutions financières internationales après l’expérience amère faite par des masses de gens dans les huit années depuis la crise financière mondiale. Cette aliénation de masse s’est exprimée dans le vote pour un « Brexit », dans l’extrême colère envers l'establishment politique en Europe, dans la primaire présidentielle américaine et plus récemment dans le résultat des élections australiennes.

« Nous devons produire des politiques pour que tout le monde voie les avantages de la mondialisation, de sorte qu'elle ne soit pas vue comme avantageuse pour certains qui y gagnent et pas pour certains qui y perdent et sont simplement laissés à la dérive et à qui on ne fait pas attention », a-t-elle dit.

Elle n'a cependant avancé aucune mesure concrète pour changer le cours d’une politique économique qui a produit des inégalités sociales toujours plus grandes et l'accumulation de vastes fortunes par une petite élite financière au détriment de l'écrasante majorité de la population dans le monde.

L’avertissement du danger de guerre par Lagarde est une expression frappante des tensions extrêmes dans la situation géo-économique et politique actuelle. Mais sa référence au danger d'un « moment de type 1914 » arrêtant le développement de la mondialisation est l'inverse de la réalité.

Le déclenchement de la guerre ne fut pas la conséquence de quelque accident infortuné ou d'un échec du leadership politique mettant un terme au développement économique. C'est la croissance même des forces productives et leur collision avec la structure du système capitaliste qui a conduit à la guerre, plongeant l'humanité dans trois décennies de saccage social, politique et économique.

Comme l'a expliqué le révolutionnaire marxiste russe Léon Trotsky, les 20 ans ayant précédé le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914 avaient connu une croissance massive des forces productives, caractérisée aujourd'hui comme la première phase de la mondialisation. Mais cette même expansion se heurta aux barrières imposées par le système des États-nations et du capitalisme.

« Le marché fut divisé, la concurrence atteignit sa plus haute intensité et les pays capitalistes ne purent plus désormais que chercher à s'éliminer les uns et les autres du marché par des moyens mécaniques » écrivait Trotsky. Ce n’était pas que la guerre ait mis fin à la croissance des forces productives, mais plutôt que la guerre était née de l'impossibilité de leur développement sur une base capitaliste.

Les contradictions économiques qui avaient donné lieu à la guerre ne furent pas résolues. Au contraire, elles se sont intensifiées, conduisant à deux décennies de stagnation économique, de dépression, de guerre commerciale, de mesures protectionnistes et de montée des forces militaristes et fascistes. Vingt et un ans seulement après la fin de la Première Guerre mondiale, commençait une Seconde Guerre mondiale, plus catastrophique encore.

Les parallèles avec la situation actuelle deviennent chaque jour plus évidents. La période ayant mené à la crise financière se caractérisa par un développement rapide de la production mondialisée. Les responsables de l'économie mondiale, les chefs des banques centrales et d’organismes comme le FMI, l'ont saluée comme la « grande modération », une période où les tempêtes et les contraintes qui avaient assailli l'économie mondiale dans les années 1970 et 1980 avaient été surmontées.

Ce point de vue semblait être confirmé par les statistiques économiques. Dans les années précédant immédiatement le krach de 2008, l'économie mondiale a connu son plus haut niveau de croissance depuis le début des années 1970, les dernières années du boom économique de l'après-guerre.

Mais les contradictions de l'économie capitaliste, qui avaient commencé à se manifester lors d’une série de tempêtes financières dans les années 1990, ont explosé à la surface dans la crise financière de 2008. Il ne s’agissait pas d’un ralentissement conjoncturel du cycle économique. Cela découlait d'une rupture dans le fonctionnement même de l'économie capitaliste mondiale, tout comme l’avait été le déclenchement de la guerre en 1914.

L’Histoire, bien sûr, ne se répète pas, mais comme l'a dit un jour Mark Twain, elle rime.

Comme dans les années 1920 et 1930, la situation économique et politique du monde aujourd'hui est marquée par une faible croissance et par la stagnation, par l'échec de toutes les tentatives pour la surmonter et par des conditions de vie toujours plus dures pour la masse de la population. Une fois de plus, les structures politiques en sont fracturées pays après pays et on assiste à la montée de formations fascistes et nationalistes d'extrême droite, au développement de la guerre économique entre grandes puissances capitalistes et à la préparation active d'un conflit militaire pur et simple avec la campagne de guerre des Etats-Unis contre la Russie et la Chine notamment.

Trotsky a expliqué que la seule façon dont la classe ouvrière pouvait faire face à l'effondrement de l'ordre capitaliste mondial en 1914, était de « lui opposer comme programme pratique du jour l'organisation socialiste de l'économie mondiale. » A la poussée guerrière par laquelle le capitalisme a cherché à « résoudre ses contradictions insolubles », la classe ouvrière devait « opposer sa propre méthode, la méthode de la révolution sociale ».

Cette analyse, qui constitue la base du programme du Comité international de la Quatrième Internationale, le parti mondial de la révolution socialiste, a plus que résisté à l'épreuve du temps. Elle doit devenir le fondement de la lutte de la classe ouvrière internationale à l'époque actuelle d'effondrement capitaliste mondial.

(Article paru en anglais le 8 juillet 2016)

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