Sommet de l'OTAN : escalade militaire préparée en Europe de l’Est contre la Russie et au Moyen-Orient

Le 9 juillet, second et dernier jour du sommet de l'OTAN à Varsovie, les responsables et chefs d'Etat de l'OTAN ont approuvé une escalade militaire majeure en Europe orientale et une continuation des déploiements en Afghanistan. Ces initiatives, avec la coopération militaire élargie de l'OTAN avec les anciennes républiques soviétiques comme la Géorgie et l'Ukraine, sont toutes destinées à encercler la Russie et à préparer la guerre avec elle.

Le sommet eut lieu après le vote du 23 juin en faveur d’une sortie de l’UE en Grande-Bretagne et l'éruption de vifs conflits au sein de l'UE sur la politique financière et militaire en particulier sur la campagne, dirigée par Washington et les pays d'Europe orientale, pour une guerre contre la Russie.

Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a salué comme « historique » l'accord pour l'envoi de nombreuses troupes de l'OTAN en Pologne et dans les Républiques baltes. Ses propos ont été repris par les responsables américains et européens, mais fermement condamnés par les hauts responsables russes.

Prenant la parole à Varsovie sur les plans de l'OTAN, le président américain Barack Obama a déclaré « les Etats-Unis seront la nation de tête ici en Pologne et déploieront un bataillon de soldats américains ». Il poursuivit en disant: « Le Royaume-Uni prendra la direction en Estonie, l'Allemagne en Lituanie et le Canada en Lettonie. Cela se traduira par quelque 4.000 soldats supplémentaires de l'OTAN sur base rotative dans cette région. De plus, la brigade blindée américaine supplémentaire tournera en Europe et inclura 4.000 soldats américains supplémentaires. Pendant ce temps, au sud, nous avons convenu de nouvelles mesures de dissuasion en Roumanie et en Bulgarie » .

Le sous-secrétaire adjoint américain à la Défense pour les affaires russes Mike Carpenter a résumé la teneur des relations de l'OTAN avec la Russie en disant que le commandement européen de l'armée américaine avait dû consacrer des ressources importantes à devenir un quartier général « pour mener la guerre ».

Obama a également annoncé une escalade majeure des opérations de l'OTAN en Asie centrale et au Moyen-Orient. Il a annoncé un engagement de 900 millions de dollars et le déploiement de 12.000 soldats supplémentaires par une coalition de 39 pays pour poursuivre les opérations de l'OTAN en Afghanistan, ainsi que l'intensification des opérations de reconnaissance aérienne en Irak et en Syrie.

Obama a aussi rejoint le premier ministre britannique David Cameron, la chancelière allemande Angela Merkel, le président français François Hollande et le premier ministre italien Matteo Renzi dans une réunion avec le président ukrainien Petro Porochenko. Le leader ukrainien, qui dirige le régime nationaliste d'extrême droite issu du putsch de février 2014 à Kiev, soutenu par l'OTAN, a reçu des promesses d'aide militaire supplémentaire à condition d’imposer plus de « réformes » économiques libérales comme celles qui ont déjà dévasté l'économie du pays.

De hauts responsables russes ont condamné le sommet de l'OTAN. Même l'ancien premier ministre soviétique Mikhaïl Gorbatchev, dont la politique a préparé la dissolution de l'URSS et la restauration du capitalisme et qui a joué un rôle clé dans la facilitation du déchaînement de violence de l'OTAN à travers le Moyen-Orient et en Europe, s'est senti obligé de critiquer le sommet.

Les dirigeants de l'OTAN « ne parlent que de défense, mais en réalité ils se préparent à des opérations offensives, » a-t-il dit, ajoutant: «Toute la rhétorique à Varsovie ne fait que quasiment réclamer une déclaration de guerre contre la Russie ».

Des porte-parole du gouvernement russe ont dit qu'il était « absurde de parler d'une menace de la part de la Russie » envers l'OTAN et le parlementaire Konstantin Kosachyov a comparé les plans de déploiement de l'OTAN à la « construction d'un barrage dans le désert ».

La conclusion inéluctable de la présentation d'Obama est que la politique de l'OTAN consiste à enfermer les populations d'Amérique du Nord et d'Europe dans des guerres d'occupation perpétuelles. Cette politique, qui attise les tensions stratégiques et les conflits ethniques dans toute l'Eurasie, menace de dégénérer en guerre avec une Russie puissance nucléaire.

Obama a passé une grande partie de sa conférence de presse à répondre à des questions au sujet de la crise politique croissante aux États-Unis relative à la violence policière mortelle et la fusillade ayant tué cinq policiers à Dallas. Il a néanmoins répondu à une question du journaliste du New York Times Mark Landler sur les implications de la politique de guerre en train d’être élaborée par les planificateurs de l'OTAN.

Landler remarqua, « si vous terminez votre présidence, comme vous le ferez, avec des troupes en Afghanistan, en Syrie et en Irak, vous serez le seul président ayant eu deux mandats dans l'histoire américaine à avoir servi le pays en temps de guerre... le peuple américain devrait-il simplement se résigner à vivre en état ​​de guerre perpétuelle? »

La réponse d'Obama revenait à reconnaître que le peuple américain et les populations de tous les pays de l'OTAN devaient, en effet, s'habituer à la guerre perpétuelle. Prenant l'exemple de la guerre en Afghanistan, il a conclu qu'il serait impossible de jamais signer un traité de paix au Moyen-Orient qui mettrait fin à la guerre comme les puissances alliées avaient mis fin à la guerre avec le Japon impérial à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au lieu de cela, l'OTAN aurait à « collaborer avec », c’est-à-dire occuper militairement, les pays du Moyen-Orient indéfiniment.

Obama dit: « Une de nos options est d'aller chercher al-Qaïda, de l’éliminer, de se retirer, et puis de voir potentiellement un pays s’effondrer sous la pression d’une activité terroriste continue ou d’une insurrection, puis d’y retourner. Ou alors nous pouvons essayer de maintenir un partenariat limité qui leur permette [aux pays en question] de continuer à renforcer leurs capacités avec le temps et, de manière sélective, mener nos propres actions contre les organisations qui cherchent à nous attaquer, nous ou nos alliés. Parce que ce sont des acteurs non étatiques, il nous est très difficile de jamais obtenir la satisfaction d’une rencontre comme celle entre McArthur [le général américain] et l’empereur [japonais] et d’une déclaration officielle de fin de la guerre. »

L'image qui émerge du sommet de l'OTAN est celle d'une crise terminale et extrêmement dangereuse de l'impérialisme américain et européen. La conclusion inévitable des remarques d'Obama est que la politique étrangère des Etats-Unis et de ses alliés de l'OTAN sur une période historique prolongée a été un échec sanglant. Dans le quart de siècle écoulé depuis la dissolution de l'URSS, l'Irak, un allié soviétique, a été la cible de l'action militaire de l'OTAN, de même que l'ancien allié soviétique en Afghanistan, les restes de l’Etat yougoslave (dirigé par la Serbie) et maintenant la Syrie, ces deux derniers des alliés soviétiques.

Le bilan de ces guerres est désastreux. Après avoir dépensé des milliards de dollars, perdu des dizaines de milliers de soldats et causé la mort de millions de personnes, les puissances de l' OTAN ne voient pas d'autre option que de continuer des guerres qui n’ont rien accompli et sont haïes par des masses de travailleurs en Europe et en Amérique du Nord .

Un objectif majeur de la stratégie de guerre telle que ses partisans la proposent, est de supprimer les divisions croissantes entre les puissances impérialistes elles-mêmes. Certains espèrent que cela permettra de limiter les dégâts politiques du vote en faveur du Brexit, comme les appels croissants à une politique étrangère et militaire dirigée par l'Allemagne avec l'aide de la France, de l'Italie et d'autres puissances d'Europe occidentale, plus agressive et plus indépendante de Washington et de son allié britannique.

Judy Dempsey, membre de premier plan du groupe de réflexion Carnegie Europe, a écrit que le pacte pourrait fournir un « encouragement à l’aile [pro-USA] atlantiste dans l'UE » et « rendre plus difficile pour la Russie de diviser l'Europe et d'affaiblir la relation transatlantique ».

Lors du sommet, les dirigeants de l'OTAN ont snobé la responsable de la politique étrangère de l'UE Federica Mogherini, dont le personnel avait travaillé avec Berlin pour préparer un rapport appelant à une politique étrangère européenne indépendante. Ils ont refusé qu'elle signe avec les autres les documents pour une collaboration plus étroite entre l’OTAN et l'UE.

Mais les hauts responsables européens qui voient la marche des Etats-Unis vers une guerre contre la Russie comme contrariant leurs propres intérêts impérialistes, ont continué de mettre l’accent sur leurs différends avec Washington. Le président français François Hollande a déclaré, « L'Otan n'a pas du tout vocation à peser sur les relations que l'Europe doit avoir avec la Russie, et pour la France la Russie n'est pas un adversaire, n'est pas une menace ».

(Article paru en anglais le 11 juillet 2016)

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