La ministre allemande du Travail supprime l’aide sociale aux migrants en provenance de l’UE

Une nouvelle loi vise à refuser l'aide sociale et les allocations Hartz IV aux immigrés européens qui cherchent du travail en Allemagne. La ministre du Travail et des Affaires sociales Andrea Nahles (Parti social-démocrate, SPD) a présenté le projet de loi au gouvernement jeudi 28 avril pour approbation.

La loi vise surtout les immigrés en provenance des pays les plus pauvres de l'UE comme la Bulgarie et la Roumanie. Elle encourage le chauvinisme et le racisme et constitue une attaque massive des droits sociaux de tous les travailleurs en Europe.

Selon le plan de Nahles, les gens d'autres pays de l'UE « seront exclus par principe des services tels que l'aide sociale et le revenu minimum pour gens à la recherche d’un travail, » déclare un communiqué de presse du ministère. Ils n’auront accès à une aide sociale complète seulement après cinq ans de séjour continu en Allemagne.

Comme il n’est guère possible de survivre pendant une si longue période de temps sans aucune aide sociale, la vraie motivation de la loi est de forcer les immigrés à la recherche d’un emploi de quitter le pays.

Nahles veut donner aux intéressés une sorte d’« aide d'urgence » pendant quatre semaines, qui couvrira le « besoin immédiat de nourriture, d'abri, d'hygiène personnelle et de traitement médical. » Une fois les quatre semaines finies, la seule assistance fournie sera un prêt pour payer un voyage de retour vers le pays d'origine.

Nahles a affirmé jeudi que le projet de loi ne représentait qu'une « clarification » des règles existantes et que c’était devenu nécessaire afin de « fournir des éléments dissuasifs. » Les nouveaux règlements ne comportent « aucune dégradation du droit existant. »

C’est là un mensonge éhonté. L'annulation des allocations sociales pendant cinq ans ne tient pas compte d'un arrêt du tribunal social fédéral allemand de Kassel. En décembre dernier, cette cour avait décidé que les allocations devraient être versées après six mois de séjour.

Le jugement était motivé par un différend juridique entre l’Agence pour l’emploi de Berlin-Neukölln et Nazifa Alimanovic, qui avait fui la guerre en Bosnie-Herzégovine en 1990 et s’était établie en Allemagne avec ses enfants. Par la suite elle a déménagé en Suède, où elle a obtenu la nationalité suédoise. A l’occasion de son retour en Allemagne, l’Agence pour l’emploi de Neukölln lui avait refusé toute aide sociale.

L'affaire est ensuite allée jusqu’à la Cour européenne de justice, qui s’est ralliée en principe, aux arguments de l’Agence pour l’emploi et a jugé que les demandeurs d'emploi qui n’ont pas trouvé de travail après une période de six mois perdent tout droit à une aide sociale.

La Cour européenne a renvoyé l'affaire devant les tribunaux sociaux allemands. Le tribunal social fédéral à Kassel a ensuite décidé que les demandeurs d'emploi ne devraient pas être laissés sans aucune aide sociale après six mois. Il a fait explicitement référence à l'article 1 de la Constitution, selon lequel la dignité humaine est inviolable et a fait valoir qu’un revenu minimum social est ancré dans le droit constitutionnel.

Mais Andrea Nahles a balayé ces considérations basées sur le droit constitutionnel en argumentant que les personnes concernées pouvaient demander l'aide sociale dans leur pays d'origine. Selon Nahles, il n'y a pas dans les pays de l'UE de droit « de pouvoir choisir librement le pays où est versée l’aide sociale. »

Ce point de vue ne diffère pas des revendications faites depuis un certain temps par la droitière Union chrétienne-sociale (CSU). Son président, le ministre-président de Bavière Horst Seehofer, a déjà dit il y a plus d'un an que l'Allemagne « n’est pas le bureau d'aide sociale du monde. » Il a dit qu'il se défendrait « jusqu’à la dernière cartouche » contre « l’immigration qui profite du système social. »

Nahles elle-même a dû concéder qu'il n'y avait « actuellement aucune ruée en masse » des citoyens des Etats de l'UE sur les allocations sociales en Allemagne. Elle ne pouvait que se référer aux 43.000 personnes en provenance de pays de l'UE, dont les sources de revenu ne sont pas connues des autorités. La loi est donc « une mesure préventive pour répondre à un vide juridique qui est potentiellement exploitable si l'on prend comme base l'arrêt du tribunal social fédéral. »

Une situation devait être évitée où des paiements sont imposés aux municipalités au lieu du niveau fédéral a affirmé la ministre. Les municipalités et collectivités locales sont responsables de l'aide sociale. Elles étaient soit disant menacées de charges supplémentaires de 600 millions d’euros.

Le directeur général adjoint de l'Association des cités et villes allemandes, Helmut Dedy, a salué le projet de loi, expliquant qu'il était nécessaire « d’avoir un pouvoir dissuasif contre les immigrés d'autres Etats membres européens. » Ni Dedy ni Nahles ne peuvent fournir de chiffres concrets du nombre d’immigrants de l'UE requérant l’aide sociale.

Mais l'objectif principal de Nahles n’est pas de résoudre un problème qui n'existe pas. Ses efforts ont le soutien tant de la chancelière Angela Merkel que de l'association des employeurs, et visent surtout à limiter la liberté de circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne.

Son projet de loi reprend une demande du premier ministre britannique David Cameron tout en allant au-delà. Celui-ci avait fait du refus pour une période de quatre ans des allocations sociales aux immigrés en provenance d'autres Etats de l'UE, une condition du maintien de la Grande-Bretagne dans l'UE.

Les médias ont loué la ministre pour sa législation, encourageant ainsi davantage le chauvinisme avec leur propagande. La Süddeutsche Zeitung, par exemple, a déclaré: « Les problèmes de la pauvreté en Europe ne seront pas résolus en permettant aux pauvres de courir après l'aide sociale. Il est donc correct que la ministre des Affaires sociales Andrea Nahles dise clairement qu’il ne peut y avoir d'aide sociale pour les nouveaux immigrés sans travail. »

Le droit de choisir librement où l'on vit et travaille au sein de l'Union européenne s’est avéré être une chimère. Il sert de symbole pour une prétendue intégration de l'Europe, mais, en réalité, le projet de l'Union européenne a seulement conduit à la domination des nations et des entreprises les plus fortes qui donnent le ton pour toute l’UE. Les contradictions sociales et nationales au sein de l'UE prennent des formes de plus en plus drastiques.

Le produit intérieur brut par habitant de la Bulgarie n’est qu’un cinquième de la moyenne européenne de € 27.400. En Allemagne, il est de 37.100 euros, près de sept fois plus élevé qu'en Bulgarie. Le salaire mensuel moyen d'un travailleur en Bulgarie, comme Andrea Nahles l’elle-même expliqué, est de 187 euros, tandis qu'au Danemark, il est de plus de 4.000 euros. Mais l’écart entre riches et pauvres ne cesse d'augmenter, en même temps, au sein de tous ces pays.

Afin d’empêcher l’éclatement de grandes luttes de classe, l'élite dirigeante tente de diviser la classe ouvrière européenne et de donner aux conflits une direction droitière. Les efforts visant à faire des immigrés et des réfugiés les boucs émissaires de la crise sociale et de les stigmatiser comme « réfugiés économiques » coupables d’« abus social », porte de l’eau au moulin des partis d'extrême droite comme l’Alternative pour l'Allemagne (AfD). La ministre du Travail se fait le porte-drapeau de cette droite.

(article paru en anglais le 3 mai 2016)

 

 

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