Défiant la répression policière, les manifestations se poursuivent contre la loi Travail en France

Malgré l’imposition de la réactionnaire loi Travail par le gouvernement du Parti socialiste (PS) à l’Assemblée nationale la semaine dernière, utilisant la clause d’urgence 49.3 de la Constitution, les protestations contre la loi se poursuivent cette semaine à travers la France.

Pendant les grèves et manifestations de mardi, les chauffeurs routiers ont, dans la plupart des régions, bloqué ou ralenti le trafic au cours d’opérations escargots menées sur les autoroutes, aux abords des grandes villes. Une grève des chemins de fer a eu lieu mercredi et devrait continuer jeudi et une nouvelle série de manifestations et de grèves contre la loi Travail est également prévue pour jeudi.

Les manifestants défient la répression brutale des manifestations contre la loi Travail par la police et l’agenda plus général du PS pour l’instauration d’un Etat policier. Le lancement par le PS d’arrestations préventives de manifestants pour les empêcher de participer aux manifestations représente un développement sinistre où sont piétinés des principes démocratiques fondamentaux, y compris la liberté de réunion et la présomption d’innocence. Le PS s’est servi de l’état d’urgence, voté après les attentats terroristes du 13 novembre à Paris, comme prétexte pour cette attaque flagrante des droits démocratiques.

L’assertion du PS a été rejetée hier par les tribunaux administratifs ayant entendu les requêtes de militants interdits de manifestations. Dans neuf cas sur dix, les interdictions ont été annulées. L’invocation de tels pouvoirs autoritaires par le gouvernement est néanmoins un avertissement sérieux aux travailleurs et aux jeunes: cherchant à imposer leur programme de régression sociale le PS et la classe dirigeante tout entière sont allés très loin vers la construction d’un état policier.

Alors que la colère des jeunes et des travailleurs grandit vis-à-vis du PS, la police et les manifestants se sont affrontés à nouveau lors des manifestations de mardi. 87 personnes ont été arrêtées dans tout le pays. La manifestation de Paris, qui devait aller jusqu’à l’Hôtel Matignon, le siège du premier ministre Manuel Valls, a été déroutée avec l’accord des syndicats pour protéger le gouvernement.

À Paris, 55.000 personnes ont manifesté selon les syndicats, la police affirmant que la manifestation n’en comptait que 13.000. Les affrontements entre la police et les manifestants ont éclaté en fin de défilé comme à Marseille, où les jeunes manifestants ont été séparés des manifestants syndicaux et attaqués par la police. Les étudiants de la manifestation de Marseille ont également accusé le syndicat stalinien CGT d’avoir aidé la police à les attaquer lors de la manifestation précédente.

Les grandes villes de province ont connu des manifestations importantes: à Marseille, il y eut 6.800 manifestants selon la police et 80.000 selon les syndicats; à Lyon, 1.700 selon la police et 7.000 selon les syndicats; à Toulouse, 2.300 ou 8.000, à Nantes 3.500 ou 10.000, à Grenoble 1.600 ou 7.000, à Rennes 1.100 ou 2.000.

À Rennes, une section de la manifestation a tenté de rejoindre les conducteurs de camions qui bloquaient la rocade autour de la ville et furent poursuivis par la police. Environ 450 manifestants ont réussi à les rejoindre en criant: « État d’urgence, état policier, personne ne nous empêchera de rejoindre les chauffeurs de camion. »

À Nantes, des centaines de jeunes ont pris le contrôle de la tête de la manifestation. Ils se sont affrontés avec la police et ont lancé des projectiles à l’extérieur de la préfecture. La bannière à la tête du rallye des jeunes disait « Résistances. » Ils scandaient: « Nous ne sommes pas violents, nous sommes en colère, jeune, précaire et révolutionnaire » et « Ce que nous voulons est d’attaquer l’État, nous ne voulons plus le 49.3. » La police est intervenue à deux reprises contre eux avec des gaz lacrymogènes.

Ces manifestations reflètent une opposition aux racines profondes à l’assaut du PS contre les gains sociaux obtenus au 20e siècle, au cours des décennies de luttes sociales, par la classe ouvrière. L’opposition de masse à la loi Travail et la colère croissante parmi les travailleurs et les jeunes créent une crise de régime pour le gouvernement PS.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, le PS de François Hollande a mené tant d’attaques sur les droits démocratiques et sociaux de la population que Hollande est le président français le plus haï de toute la période d’après-guerre, avec un taux d’approbation de seulement 14 pour cent. La loi El Khomri est opposée par 75 pour cent de la population. Après que le gouvernement PS a forcé son passage au moyen du 49.3 au parlement, 54 pour cent de la population soutiennent toujours la poursuite du mouvement de protestation contre elle; 68 pour cent veulent que le gouvernement n’applique pas la loi dans sa forme actuelle.

Tout indique, tant en France que dans la montée des luttes ouvrières en Europe et au plan international, que cette escalade du mécontentement va dans le sens d’une explosion sociale et d’une confrontation politique directe entre la classe ouvrière et l’État bourgeois. Il est urgent dans ces conditions que soient tirées de l’expérience du mouvement de protestation jusque là, des leçons politiques précises.

En l’absence d’une large mobilisation de la classe ouvrière dans la lutte contre le gouvernement PS et l’Union européenne, il est impossible de s’opposer efficacement à cette campagne d’austérité. Comme dans d’autres pays d’Europe, le gouvernement PS et ses alliés politiques et syndicaux chercheront, en France, à diviser, désamorcer et démobiliser autant que possible l’opposition populaire, de sorte que la classe dirigeante puisse poursuivre l’imposition de cette loi.

La lutte de la classe ouvrière contre la loi Travail en France et plus largement contre l’austérité en Europe, exige une lutte politique contre la guerre et pour la défense des droits démocratiques. L’année dernière, il est apparu que Hollande maintient une liste internationale secrète de personnes à assassiner, discutée seulement avec une poignée de hauts responsables militaires et du renseignement, qui ne sont responsables devant personne. Maintenant, les grandes lignes d’une dictature militaro-policière en France apparaissent qui effectue des arrestations préventives et autres provocations policières afin de rendre les manifestations illégales.

La seule façon d’avancer est d’ôter la lutte des mains des syndicats et d’opérer une rupture politique implacable avec le PS, les syndicats et leurs partisans de la pseudo-gauche qui se sont avérés totalement en faillite et hostiles aux intérêts de la classe ouvrière. Tout mouvement laissé entre leurs mains est condamné à la stagnation, au morcellement et finalement à la défaite. Les travailleurs ont besoin d’organisations de lutte indépendante des syndicats et des partis existants, sur la base d’une perspective de lutte révolutionnaire.

(Article paru d’abord en anglais le 18 mai 2016)

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