Le sommet de Washington révélateur des tensions militaires entre l'Otan et la Russie

Dans une allocution prononcée le 13 mai au Sommet des dirigeants nordiques et des Etats-Unis à Washington, le président américain Barack Obama a attaqué le gouvernement russe d’un ton belliqueux, avertissant que les membres de l'OTAN restaient « unis dans [leur] préoccupation quant à la présence et à la posture militaire de plus en plus agressives de la Russie dans la région baltique et nordique". 

Le président américain a prodigué les éloges aux régimes scandinaves, exprimant sa gratitude pour leurs "contributions significatives dans la lutte contre l’EI", dont le déploiement de forces spéciales et une aide logistique en appui aux opérations américaines en Irak. 

Il a eu des remerciements particuliers pour le fait que "le Danemark et la Norvège allaient se joindre aux États-Unis pour contribuer à une présence alliée avancée et améliorée pour renforcer notre défense collective en Europe". 

Le président américain a promis de "continuer à soutenir l'Ukraine et de maintenir les sanctions contre la Russie". Les commentaires d'Obama ont été repris par le premier ministre suédois, Stefan Löfven, qui a déclaré: "Nous ne reconnaîtrons pas l'annexion illégale de la Crimée, ni n’accepteront l'agression russe en Ukraine". 

Les médias américains ont présenté les remarques dures d'Obama comme une "réponse" à un avertissement de Poutine plus tôt dans la journée lorsque le dirigeant russe avait attaqué la mise en place de la nouvelle base de missiles US-OTAN ‘Aegis Ashore’ à Redzikowo, en Roumanie. 

Les dirigeants américains ont cherché à défendre le système en prétendant qu'il était dirigé contre l'Iran et d'autres "Etats voyous". Mais le but réel des déploiements de missiles, qui font partie de la préparation d’une guerre offensive et nucléaire contre la Russie, fut clairement indiqué par le secrétaire adjoint à la Défense Robert Work, qui a dit que le système était conçu pour "l'arc central et nord de l'OTAN", à savoir le flanc occidental et arctique de la Russie. 

"Ce ne sont pas des systèmes défensifs, ils font partie du potentiel nucléaire stratégique américain déployé à la périphérie, en Europe de l'Est," a fait remarquer Poutine sans détours dans son allocation du 13 mai. Dans une déclaration officielle, le ministère des Affaires étrangères russe a condamné la nouvelle base pour "atteinte grave au traité INF", se référant au traité sur les Forces nucléaires intermédiaires entre Washington et Moscou. 

La brusquerie de la réponse de Poutine à l'escalade de l'OTAN donne une idée du niveau historique de tensions géopolitiques se développant sous l'impact de l'implacable campagne de guerre de Washington. 

Bien que profondément inquiète des immenses pressions imposées par les Etats-Unis et l'OTAN, la classe capitaliste russe ne voit pas d'autre alternative que de rechercher la conciliation avec des impérialistes américains et européens beaucoup plus puissants. 

Selon le schéma habituel, Poutine a modéré ses critiques par des appels au compromis, affirmé que la Russie et l'OTAN avaient en fin de compte des intérêts communs et a plaidé pour que les dirigeants occidentaux se montrent rationnels.

Il a exprimé sa frustration face à l'insistance de l'OTAN, qu'il a appelé « nos partenaires », à continuer d’étendre son infrastructure de missiles, malgré la signature de l'accord nucléaire avec l'Iran. "La menace a disparu, mais la création du système de défense antimissile se poursuit," s’est plaint Poutine.

Si les ouvertures de Poutine se fondent sur l'hypothèse que des dirigeants occidentaux plus rationnels pourraient choisir de désamorcer la situation afin d'éviter une guerre totale, toute l'histoire de l'époque impérialiste prouve qu'il ne peut y avoir de paix durable avec, ou entre, les grandes puissances impérialistes. La confrontation actuelle entre l’OTAN et la Russie au contraire, survenant après des décennies d'intensification de la crise mondiale, a porté les tensions géopolitiques à leur maximum depuis les années 1930.

La Russie, un territoire vaste et riche en ressources ayant la plus grande superficie de tous les Etats et autrefois noyau de l'Union soviétique, représente une des prises les plus alléchantes pour les élites américaines et européennes. Celles-ci ne voient aucun moyen de sortir de leur propre crise en dehors d'une ruée pour subjuguer et démembrer la Fédération de Russie, la Chine et les anciens pays coloniaux d'Afrique et d'Asie.

Les desseins prédateurs des Etats-Unis et de l'OTAN sont énoncés ouvertement dans leurs documents d'orientation politique. La doctrine officielle de l’OTAN, promulguée plus tôt cette année, définit la Russie comme une puissance « renaissante et agressive» et appelle à une escalade qualitative de la posture militaire de l'OTAN envers Moscou, de "l'assurance pour la dissuasion" selon leur jargon

On a vu ces derniers mois les paroles de l’OTAN suivies d’actes, comme le déploiement de nouvelles forces et de nouveau matériel dans toutes les zones bordant la Russie, dont de nouveaux avant-postes de renseignement et de commandement et de grandes quantités d'armes lourdes pré-positionnées dans tous les principaux pays de la Baltique et d'Europe orientale.

La semaine dernière, les responsables de l'OTAN ont tranquillement informé les médias que 4.000 soldats supplémentaires de pays de l'OTAN seraient déployés dans les États baltes et en Pologne et renforcés début 2017 par un nouvel envoi de 4.200 soldats de l' OTAN. Des responsables militaires américains ont déclaré au Wall Street Journal la semaine dernière qu'ils prévoyaient une "présence rotative accrue" à l'Est, dont des "exercices et une présence plus réguliers en Roumanie et en Bulgarie."

L’annonce fut faite au milieu d’exercices de guerre à grande échelle, toujours en cours, dans l'ancienne république soviétique de Géorgie et comprenant plus de 1000 soldats américains, britanniques et géorgiens, un acte provocateur dans une région à haut risque où Washington et Moscou ont déjà failli entrer en conflit en 2008.

Les exercices, salués par les responsables géorgiens comme "les plus grands que notre pays ait jamais accueillis", avec "le plus grand nombre de troupes sur le terrain, et la plus grande concentration de matériel militaire", comprenant une compagnie américaine complète de combat mécanisé, avec chars de combat M1A1 et véhicules de combat Bradley.

L’accélération de la campagne de l'OTAN contre la Russie est évidente au vu des liens plus étroits établis entre les puissances occidentales et les régimes fanatiquement anti-russes des pays baltes, d’Europe orientale et de la mer Noire, qui acceptent avec enthousiasme la transformation de leurs territoires en camps militarisés.

Lors d'une cérémonie d'inauguration sans précédent de nouvelles installations de l’armée de l’air en Pologne la semaine dernière, le président Andrzej Duda s'est vanté de ce que, "Bien que nous ayons rejoint l'OTAN il y a des années, nous constatons à présent que l'OTAN est véritablement entrée en Pologne."

Ces dernières semaines ont vu le gouvernement ukrainien et les pays membres de l’OTAN Roumanie et Turquie exiger un renforcement de l’activité de l'OTAN en mer Noire, dont la formation d'une force navale multinationale menant des patrouilles permanentes au large du seul port de la Russie en eaux chaudes, Sébastopol, en Crimée. Des responsables de l'OTAN ont dit au Wall Street Journal la semaine dernière que les plans d’une telle flotte étaient bien avancés.

(Article paru en anglais le 16 mai 2016)

 

 

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