Le PS soutient des manifestations néo-fascistes contre les opposants à la loi travail

Hier le syndicat de police Alliance, proche du Front national (FN), a appelé à des manifestations sur des places à travers la France occupées jusqu'alors par le mouvement #NuitDebout, qui conteste la loi travail. Plusieurs hauts dirigeants du FN s'y sont rendus. Sous prétexte de combattre la « haine anti-flics », les manifestations visaient à casser l'opposition à la loi travail, refusée par une large majorité des Français malgré son imposition sans vote par le Parti socialiste (PS) à l'Assemblée. 

Ces manifestations sans précédent témoignent du stade avancé de la crise de la démocratie en Europe. Bien que d'une coloration nettement pro-FN, ces manifestations ont recueilli non seulement le soutien à la fois organisationnel et politique du gouvernement PS, mais la participation du Front de gauche et de syndicats liés à #NuitDebout, dont la CGT. Ces forces, terrifiées par la montée de l'opposition ouvrière à l'austérité en Europe et surtout contre leur allié de longue date, le PS, se rangent du côté de l'extrême-droite contre les travailleurs. 

Avant la manifestation prévue pour 12h place de la République à Paris, les gendarmes en service ont installé des barrages filtrants autour de la Place de la République, abandonnée par les associations qui y l'avaient occupée afin de lancer #NuitDebout. La préfecture de Paris avait bloqué l'accès à la place via le métro. Les gendarmes interdisaient l'entrée sur la place, à part aux policiers en civil, à quelques journalistes, et aux personnalités politiques, principalement mais pas uniquement liées au FN. 

Alors que quelques centaines de policiers occupaient la place, les gendarmes brimaient les jeunes, retenus aux barrages filtrants, qui essayaient de s'y rendre pour manifester contre Alliance. La préfecture a également utilisé l'état d'urgence pour interdire une contre-manifestation organisée par le collectif Urgence, notre police assassine (UNPA), prétextant des « risques importants de troubles graves à l'ordre public ». 

Lundi, la préfecture a également interdit à 18 militants du collectif Anti-fasciste de participer à des manifestations cette semaine contre la loi travail. La préfecture n'accusait pas ces militants, qui n'ont pas été interpellés lors des manifestations, de violences contre la police, mais les a néanmoins interdits « de séjour » lors de manifestations, citant les pouvoirs spéciaux de l'Etat sous l'état d'urgence. Ceci suivait l'arrestation « préventive » de dizaines de manifestants par le PS. 

La députée FN Marion Maréchal-Le Pen, nièce de la dirigeante du parti Marine Le Pen, ainsi qu'un des principaux avocats du FN, Gilbert Collard, se sont rendus sur la place. Ils ont refusé de répondre aux questions des journalistes, sous prétexte qu'ils ne voulaient « pas faire de comm' ». Toutefois, Marine Le Pen a publié un communiqué qui apportait son soutien à la manifestation et revendiquait les pleins pouvoirs pour les forces de l'ordre. 

Intitulé « Le Front national soutient les policiers », le communiqué déclare : « En finir avec l’impunité dont bénéficient de trop nombreux délinquants pour appliquer la tolérance zéro, renforcer les effectifs et moyens de nos forces de l’ordre, mettre en place la présomption de légitime défense pour les policiers ; tel est le projet du Front National pour soutenir notre police et, à travers elle, restaurer l’autorité de la République ». 

Plusieurs dirigeants ou alliés de Les Républicains (LR) ou du Front de gauche se sont affichés aux côtés des néo-fascistes Place de la République, dont Eric Ciotti et Geoffroy Didier (LR), le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, ainsi qu'Eric Coquerel, conseiller régional du Parti de gauche fondé par Jean-Luc Mélenchon. 

Des manifestations d'Alliance se sont produites dans des dizaines d'autres villes de France, dont Lyon, Nice, Strasbourg, Mulhouse, Lille, Calais, Rennes, Montpellier, et Caen. 

Le gouvernement PS y a réagi en applaudissant toutes les forces de l'ordre. Le président François Hollande a entamé le conseil des ministres hier en déclarant qu'il apportait « un message clair de soutien à l'ensemble des forces de police dans un contexte difficile ». 

Quant à Manuel Valls, le premier ministre et ancien ministre de l'Intérieur, il a laissé entendre par une déclaration sur Twitter que toute confrontation avec les forces de l'ordre équivalait à une déclaration de guerre contre la France : « Policiers et gendarmes protègent chaque jour citoyens et institutions. S'en prendre à eux, c'est s’attaquer à nous tous ». 

La manifestation néo-fasciste avait au préalable reçu par la voix de son président Philippe Martinez le soutien de la CGT, proche du Parti communiste français stalinien qui est à présent la plus grande composante du Front de gauche. Invité à dire s'il condamnait les violences contre les forces de l'ordre et si la CGT rejoindrait la manifestation contre la « haine anti-flics », Martinez a répondu affirmativement. 

« Bien sûr que oui, nous condamnons toutes les violences ... [y compris celles] de la part de ceux qu'on appelle les casseurs, qui sont très peu nombreux mais qui font beaucoup de dégâts », a-t-il dit. « C'est pour cela que la CGT-Police manifestera aussi mercredi », a-t-il ajouté. 

Ces réactions du PS et de la CGT face aux manifestations d'Alliance sont un avertissement sérieux adressé aux travailleurs et aux jeunes en France et à travers le monde, qui donne raison à l'opposition sans relâche du WSWS envers les groupes de pseudo gauche dans la périphérie du PS. 

Huit ans de crise capitaliste et d'austérité profonde depuis 2008 ont non seulement transformé la société européenne et appauvri les masses de travailleurs et de jeunes, mais dynamité les formations politiques existantes. A travers l'Europe, les partis social-démocrates et leurs alliés politiques et syndicaux sont discrédités et honnis par les masses. Les rouages du « dialogue social », manipulés pendant des décennies par le patronat et les bureaucraties syndicales afin de créer un simulacre de consensus en faveur des réformes voulues par la classe dirigeante, tournent à vide. 

L'opposition de la classe ouvrière contre l'austérité, la guerre, et les mesures sécuritaires antidémocratiques est claire. Toutefois, la classe ouvrière fait face à une difficulté centrale : elle entre en lutte dans l'absence totale de représentation politique et de direction révolutionnaire. Les partis qui pendant des décennies ont dominé ce qui se faisait passer pour la « gauche » se révèlent tous profondément hostiles aux travailleurs. 

Dans ce contexte, la bourgeoisie, troublée par l'effondrement du PS et par l'incapacité de Hollande de créer un consensus en faveur des politiques d'austérité qu'elle réclame, est libre de réfléchir à des alternatives à la démocratie bourgeoise pour tenter d'imposer l'austérité par la force. L'état d'urgence imposé en France suite aux attentats du 13 novembre s'est révélé être un ballon d'essai en direction d'une dictature, braqué directement sur l'opposition sociale des travailleurs. 

Les travaillers se voient confrontés non seulement à la nécessité d'une lutte politique contre le PS afin de s'opposer à la guerre et les mesures d'austérité, mais aussi pour défendre les droits démocratiques. Les commentateurs de la bourgeoisie quant à eux indiquent très clairement qu'ils se préparent en France à la guerre civile et la contre-insurrection. 

Déclarant qu'une « situation de pré-guerre civile s'installe en France », le commentateur du Figaro Ivan Rioufol en fait porter la responsabilité à l'opposition au capitalisme, qu'il assimile à l'islamisme. Il déplore « la contestation violente du modèle de société occidentale, capitaliste, et libérale. Le rejet est porté en commun par la gauche radicalisée et par l'Islam politique ... La guerre civile est déjà dans les esprits des islamo-gauchistes et de leurs collaborateurs, qui se disent en légitime défense face à la police criminelle ». 

Le commentateur libéral Nicolas Baverez quant a lui a déclaré dans une tribune dans Die Welt qu'en « 2017 la France doit choisir la réforme et se décider contre une tentative de révolution, qui menace de basculer en direction de l'extrême droite ».

 

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