Le referendum sur un ‘Brexit’ déclenche une crise au Parti national écossais

En octobre dernier, Nicola Sturgeon, premier ministre écossaise et leader du Parti national écossais (SNP) a déclaré à la conférence du parti qu’un vote du Royaume-Uni pour une sortie (Brexit) de l'Union européenne (UE) sans majorité en Ecosse créerait un élan « probablement irrésistible » pour un second référendum sur l'indépendance écossaise. 

Sturgeon a exploité pendant des mois un thème similaire dans ses interventions publiques: les difficultés du premier ministre conservateur David Cameron sont une opportunité pour l'Ecosse. 

Maintenant que Cameron a décidé d'organiser un référendum sur un maintien britannique dans l'UE, Sturgeon est cependant devenue beaucoup plus circonspecte. Interrogée sur la probabilité d'un second référendum écossais suite à un vote pour une « sortie », Sturgeon a dit à Andrew Marr de la BBC, « Je pense que ce serait ce que demandent les gens en Ecosse ». Mais elle a pris soin d'ajouter, « Laissez-moi dire très clairement que je ne veux pas qu’un tel scénario se produise ». 

Sturgeon a ensuite proclamé son intention de faire campagne pour que l'ensemble du Royaume-Uni reste dans l'UE. Qu'est-ce qui explique un tel changement d’orientation? 

Certes, il y a eu des maquignonnages. Trois jours après l'annonce par Cameron d'une date pour le référendum, de longues négociations en cours depuis près d'un an sur un nouveau paquet financier pour le gouvernement écossais ont été hâtivement conclues. L'accord a convenu d'un mécanisme pour modifier la subvention de Westminster au gouvernement écossais conformément aux nouveaux pouvoirs fiscaux et de protection sociale dévolus à Holyrood (parlement écossais) dans le projet de loi sur l’Ecosse actuellement débattu à la Chambre des Lords. Des commentaires satisfaits de Londres et Edimbourg suggèrent que l'accord convient aux deux parties, qui jouent maintenant la même partition pro UE. 

Mais il y a plus en jeu que cela; un indice en fut donné par l'ancien leader et dignitaire du SNP Gordon Wilson, qui l’a dirigé entre 1979 et 1990. Wilson a averti peu après l'annonce du référendum par Cameron que l'UE « n'est pas favorable à l'indépendance écossaise en raison des risques de sécession potentielles en Belgique, en Espagne et en Italie du Nord ».

« Le gouvernement SNP devrait procéder avec une extrême prudence avant de chercher un autre référendum sur la base d’une adhésion de l'Ecosse à l'UE » a-t-il ajouté.

Les commentaires de Wilson allaient à l’encontre de la ligne généralement pro-UE de la direction du SNP. 

Depuis des décennies le parti met en avant le slogan d’« indépendance au sein de l'Europe » comme moyen d'assurer un flux d'investissements du monde entier pour contrecarrer la forte perturbation économique qui suivrait une sécession d’avec le Royaume-Uni. Mais cette perspective a été largement sapée lors de la campagne du référendum de 2014, lorsque des personnalités de l'UE comme le président de la Commission européenne de l'époque, José Manuel Barroso, ont refusé à plusieurs reprises d'approuver une transition pour une Ecosse nouvellement indépendante dans l'UE. 

Inquiet de l’impact d'un encouragement des mouvements séparatistes comme celui de Catalogne, Barroso avait précisé que la dernière chose que Berlin, Paris et d'autres capitales voulaient, c'était que quelques-uns des principaux Etats membres de l'UE soient menacés de désintégration, un processus que l'Ecosse, 5 millions d'habitants, aurait déclenché. 

L'absurdité est frappante. Le SNP et ses légions d'admirateurs dans la pseudo-gauche proposent de quitter le Royaume-Uni parce que, disent-ils, il est insuffisamment sensible aux demandes du « peuple écossais » et dominé par Londres. 

La pseudo-gauche affirme même de façon saugrenue qu’une Ecosse indépendante offre une plate-forme pour le socialisme et serait un coup contre l'impérialisme. Mais pour y parvenir, ils proposent de remplacer le « mauvais » Royaume-Uni par la « bonne » UE – un bloc de puissances impérialistes, un instrument clé d’imposition de l'austérité en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Irlande et sur tout le continent et un membre de l'OTAN conduite par les Etats-Unis. Puis, quand leur politique de sortie du Royaume-Uni est rejetée par l'UE, ils appellent à ce que le Royaume-Uni, qu'ils veulent quitter, reste dans l'UE.

Sturgeon se présente maintenant comme l’avocate la plus servile de la bonne foi politique de l'UE. Elle a récemment écrit dans le Guardian, « Faire partie de l'UE est aussi une question de solidarité, de protection sociale et de soutien mutuel. » Alors même que des dizaines de milliers de personnes campent dehors en plein hiver aux frontières militarisées et impénétrables de la forteresse Europe, Sturgeon écrit encore, «En collaborant au sein de l'UE, nous pouvons obtenir beaucoup plus et faire une réelle différence pour certaines des populations les plus vulnérables du monde ».

Le Parti socialiste écossais (SSP) s'est précipité pour approuver la position du SNP. Écrivant dans le Scottish Socialist Voice, Hugh Cullen a salué la « démocratisation de l'UE pour laquelle nos camarades se battent actuellement dans d’autres mouvements de gauche européens, » qui comprenaient Die Linke en Allemagne, SYRIZA en Grèce et Podemos en Espagne. Cullen écrit encore enthousiaste, « Notre lutte [pour l'indépendance et le socialisme!] n’est pas entravée par l'UE (en ce moment) ».

Sous-jacent aux girations du SNP et de ses satellites de la pseudo-gauche il y a le caractère totalement dépassé de leur perspective de création d'une Ecosse capitaliste « indépendante ». Au 21e siècle, la perspective de « l’indépendance » d’une minuscule Ecosse entièrement dépendante et faisant partie d’une économie britannique, européenne et mondiale intégrée, ne fait qu’articuler le désir des intérêts capitalistes basés en Ecosse d'obtenir une plus grande part de l'exploitation de la classe ouvrière par la baisse des salaires, des dépenses sociales et des taxes afin de créer une plateforme d'investissement pour accéder au marché européen.

Mais dans la récente période, une partie des milieux d’affaires qui, dans les conditions d'expansion d’avant le krach de 2008, soutenaient l'indépendance, favorisent maintenant un quelconque règlement négocié avec le reste du Royaume-Uni qui leur permette de baisser les impôts sur les sociétés etc.

L’effondrement du prix du pétrole a détruit la majeure partie de l’argumentaire fiscal des nationalistes. Là où jadis les plans de dépenses des économistes du SNP et de la pseudo-gauche furent calculées en fonction de prix au-delà de 100 dollars le baril, suffisamment élevé pour soutenir l'extraction du pétrole en mer du Nord pendant des décennies, le pétrole Brent se vend actuellement 33,91 dollars. La production de pétrole en mer du Nord s'effondre et des dizaines de milliers d'emplois sont menacés. Le SNP et les syndicats de la grande industrie pétrolière basée à Aberdeen ont été réduits à mendier auprès de Londres des allégements fiscaux en attendant une hausse des prix.

Tout aussi nocif est le poids très diminué du secteur financier basé en Ecosse. Edimbourg et Glasgow restent des centres bancaires et parasitaires mondiaux importants, mais les principaux acteurs de ce secteur autrefois puissant n'ont pas récupéré depuis le krach de 2008. RBS (Royal Bank of Scotland), l'une des plus grandes banques du monde avec une capitalisation boursière proche de la valeur du PIB écossais, est devenue l'une des plus endettées.

Elle perd de l'argent tous les ans depuis huit ans. Ses pertes totales s’élèvent à £51 milliards, dont £45 milliards couverts par les contribuables britanniques. Près de 100.000 emplois ont été supprimés. RBS est détenue à 73 pour cent par le gouvernement britannique. Le président de RBS, Sir Howard Davies, considère un Brexit comme « indésirable » et la question de l’indépendance écossaise comme « classée ». Un autre ancien champion écossais, HBOS, a perdu au moins £25 milliards et £10 milliards sont contestés dans une action judiciaire en cours qui met en cause les circonstances de sa prise de contrôle forcée par Lloyds en 2008. Les deux banques sont profondément ancrées dans la Cité de Londres.

De plus, environ 60 pour cent du commerce écossais se fait avec le Royaume-Uni et la plupart du reste avec l'UE. Une perturbation de l’un ou de l’autre du fait d’un Brexit ou d’une indépendance écossaise précipiterait rapidement l'Ecosse et tout le Royaume-Uni encore plus profondément dans la crise économique.

Pour la classe ouvrière il n’y a pas d’issue hors de ce bourbier dangereux dans les limites de la Grande-Bretagne et encore moins de la toute petite Ecosse. C’est pourquoi le Parti de l'égalité socialiste (SEP) a appelé à voter Non au référendum de 2014 afin de s'opposer à la division nationaliste de la classe ouvrière et à toute tentative d'habiller cela [la division nationaliste] comme un moyen de lutter contre l'impérialisme britannique. Cela souligne l'importance de l'appel du SEP pour un boycott actif du référendum sur un Brexit, rejetant et l'Union européenne comme instrument des banques européennes et des grandes puissances, et la tentative de canaliser l'opposition à l'UE derrière un programme nationaliste pour la souveraineté britannique.

Nous insistons, au contraire, sur le fait que la grande tâche historiquement progressiste d'unir l'Europe ne peut se faire que grâce à la mobilisation active de la classe ouvrière du continent dans une lutte contre la pauvreté, le militarisme et la guerre et pour les Etats socialistes Unis d'Europe.

(Article paru en anglais le 7 mars 2016)

 

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